Initiation à l’Eglise orthodoxe et à sa vie – niveau 1 (G. Lusseaud)

PRÉCATÉCHÈSE ORTHODOXE

Georges LUSSEAUD, prêtre

INTRODUCTION

PROLOGUE

QU’EST-CE QUE L’ÉGLISE ORTHODOXE

LE MILLÉNAIRE ORTHODOXE

REGARD D’ENSEMBLE SUR L’ÉGLISE ORTHODOXE

DOGMES ET CANONS

LA DIVINE TRINITÉ

CULTES ET SACREMENTS

LA VIE EN CHRIST

THÈSE ROMAINE ET TRADITION ORTHODOXE

CONCLUSION

INTRODUCTION

En réimprimant cette Précatéchèse orthodoxe, nous devons rendre hommage au Père Georges LUSSEAUD qui en composa la version primitive, à partir de l’enseignement qu’il avait lui-même reçu à l’Institut orthodoxe Saint-Denys de Paris.

Son idée était de fournir des éléments d’information aux personnes qui s’approchent de l’Eglise orthodoxe et qui ne la connaissent pas. Grâce à ces textes, ces personnes peuvent aussi commencer à se préparer à confesser la Foi orthodoxe et à recevoir la Sainte Chrismation.

Nous destinons ce fascicule aux paroisses orthodoxes, parce qu’elles désirent accueillir toujours mieux leurs frères qui cherchent la plénitude de la Vérité. On pourra, par exemple, se grouper à plusieurs et, à l’aide de ces textes sommaires, organiser, avec la bénédiction du prêtre, des discussions très fructueuses.

Ce n’est qu’un début, un deuxième volume va plus en profondeur et constitue une catéchèse véritable. Puissent les prêtres des paroisses et les fidèles, être ainsi encouragés à partager, sans prosélytisme mais selon le commandement du Christ Lui-même, la vraie Foi héritée des Apôtres et des Pères.

Et que la Divine Trinité nous garde tous dans sa Lumière.

Père Marc-Antoine COSTA DE BEAUREGARD

PROLOGUE

Faut-il des années pour finir par savoir, bribe par bribe, en quoi consistent la doctrine et les usages de l’Eglise orthodoxe ? Rien de pieux ni de raisonnable n’impose cette expectative éreintante, ce maigre travail au jour le jour, cette fixité interminable dans l’à peu-près. Nos provinces ont besoin, non pas de figu­rants indécis, mais de membres instruits et rayonnants.

Ayons pour premier but de ne plus perdre de temps. Et donc : un enseignement synthétique, amenant et ramenant sur la voie, et bien sûr, appelant en raison de sa concision commode de plus substantielles investigations ultérieures. Il faut pouvoir préparer à la pénitence et à la chrismation par lesquelles il deviendra un chrétien orthodoxe, tout candidat à l’Orthodoxie quel que soit son niveau de culture intellectuelle.

« On m’a reçu dans l’Eglise orthodoxe ; je réside à 100 ou 200 km d’une paroisse constituée ; d’autant plus isolé que je suis le seul orthodoxe de ma région ». Ce cas est fréquent ; il se multiplie ; il engendre une situation détestable et cruelle.

Ayons pour deuxième but de rompre les isolements. Tout chrétien orthodoxe isolé cherche naturellement, autour de lui, son nouveau frère, sa nouvelle sœur, un auditoire. Mais manque-t-il d’assurance ou n’a-t-il aucune lecture assez facile à proposer à ceux avec qui il prend contact ? Alors, le voici stérilisé dans son témoignage. Cette situation est également détestable. Et dangereuse.

Dans l’Eglise orthodoxe, on ne stagne pas. On avance. Qui n’avance pas, recule. Encore faut-il que ce soit possible. Ce ne l’est pas, pour un grand nombre, si l’on commence ses études religieuses par des lectures ardues sans posséder les connaissances de base. Que se passe-t-il si l’on s’expose au découragement ? On risque de tout abandonner.

Ayons un troisième but : guider l’itinéraire spirituel en profondeur. Au début, la catéchèse. Elle prépare à la théologie. Et donc, ensuite, la théologie. Mais il convient aussi de se préparer au début, c’est à dire à la catéchèse. Laboure-t-on champ en mettant la charrue devant les bœufs ?

Ainsi, cette publication précatéchétique, capable de répondre à bien des questions de tout nouveau venu, poursuit trois buts :

1 – Supprimer les pertes de temps ;

2 – Rompre les isolements ;

3 – Guider l’itinéraire spirituel en profondeur.

QU’EST-CE QUE L’EGLISE ORTHODOXE ?

SENS DES MOTS – Orthodoxe ne s’oppose pas à catholique. Aucune opposition possible entre ces deux mots d’origine grecque.

Venant de « cata’olon », CATHOLIQUE suggère la pleine qualité de ce qui est intègre. On qualifie de catholique ce qui est universel en raison de son intégrité : vrai partout et toujours ; partout et toujours la même foi, la même Eglise.

ORTHODOXE vient de « ortho » (juste, ou droit) et « doxa » (gloire, ou glorification). On qualifie d’orthodoxe ce qui se rapporte à la glorification juste et droite de la trinité divine, Père et Fils et Saint Esprit.

Serait-on orthodoxe sans être catholique ? Ou vraiment catholique sans être orthodoxe ? Les définitions répondent d’elles-mêmes.

On dit : foi catholique, peuple orthodoxe.

On dit : « Je crois en l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique ».

On dit : Eglise orthodoxe ou Eglise catholique. Ou encore : Eglise catholique orthodoxe.

Le mot ORTHODOXE suggère que le comportement (juste glorification) ne saurait être séparé de la pensée (foi intègre et universelle, ou catholique).

NÉFASTE ÉQUIVOQUE – Il ne faut rien connaître de la nature et de l’histoire de l’Eglise pour reléguer « l’Orthodoxie » en Orient et le « Catholicisme » en Occident.

Cette équivoque est irrecevable. Mais elle existe aujourd’hui.

D’où vient-elle ?

RÉPONSE DE L’HISTOIRE – Pendant les 10 premiers siècles de notre ère chrétienne, toutes les Eglises (ce qui veut dire : l’Eglise en tous lieux) furent catholiques orthodoxes. En Occident aussi bien qu’en Orient. Dans les Gaules qui devinrent la France ; en Bretagne qui devint l’ensemble des pays anglais, irlandais, écossais ; en Germanie qui devint l’Allemagne ; en Espagne, en Italie et à Rome… aussi bien qu’en Afrique, à Jérusalem ou à Antioche, en Grèce, etc. La Russie s’ouvrit au même christianisme vers l’an 1000. Ce fut le millénaire de l’Eglise indivise.

Il n’y était nulle part question d’un pape romain dominant l’épiscopat universel. Au VIe siècle, tous les évêques étaient appelés « papes », ce qui veut dire : « père », papa. Puis deux évêques portèrent spécialement ce titre : les deux patriarches d’Alexandrie et de Rome. Les prêtres des paroisses russes et grecques sont toujours appelés « popes », ce qui veut dire la même chose que pape.

L’évêque romain n’étendait point sa juridiction au-delà de la ville de Rome et sa campagne immédiate. Non seulement il ne fut jamais le « patriarche d’Occident », mais, à proximité de son siège qui fut jusqu’en 476 la capitale d’un prestigieux empire, d’autres Eglises italiennes, celle de Milan par exemple, s’administraient elles-mêmes en toute indépendance.

L’Occident orthodoxe dura près de 10 siècles et demi. Nos ancêtres, les chrétiens de l’ancienne Gaule et de la France mérovingienne et carolingienne, étaient des orthodoxes.

Pourquoi et comment l’unité millénaire de l’Eglise catholique se rompit-elle XIème siècle ?

Depuis longtemps, un fossé psychologique s’élargissait entre Orientaux et Occidentaux. D’un côté, un monde grec ; de l’autre, l’ensemble latino-germanique. Civilisations et cultures s’opposaient ; les problèmes de la vie n’étaient pas les mêmes ; on ne se comprenait plus. Finalement, la politique s’en mêla.

Au IXème siècle, le roi germanique Charlemagne voulut édifier un empire rival de celui de Byzance, seul légitime héritier de cet empire romain qui, depuis l’an 476, n’existait plus en Europe occidentale. Il inventa de toutes pièces que l’évêque romain, qui devait le sacrer en 800, dépassait en autorité celui de Constantinople. On fabriqua des faux, sur la base desquels, par la suite, un parti papiste, dit réformateur, se forma en Occident. Peu après la rupture de 1054 entre Constantinople et Rome, ce parti triompha ; sous le pape Grégoire VII, la millénaire Eglise des Gaules, et avec elle toutes les autres Eglises orthodoxes d’Occident, furent englouties par le nouveau système ecclésiastique romain.

L’HÉRÉSIE – (choix d’une altération de la vérité de Dieu)

A ces causes politiques s’ajoutait l’hérésie. Sous la pression de l’empereur allemand Henri II, en 1014, on contraignit le pape romain d’introduire le « filioque » dans le credo de sa messe. Signifiant que le Saint Esprit procèderait du Père « et du Fils », cette formule suggère par rapport au Christ, un effacement et un rôle secondaire du Saint Esprit. C’était changer, et donc corrompre, le dogme trinitaire reçu par l’Eglise indivise au concile œcuménique de Constantinople, en 381 : « Le Saint Esprit procède du Père ».

On ne peut pas altérer la vérité sur Dieu sans, du même coup, gangrener l’Eglise et la vie spirituelle de chacun de ses membres.

A partir de cette première hérésie, on inventa la prétendue autorité universelle du pape romain ; on écrasa la liberté personnelle sous une étouffante pression extérieure ; bref on bâtit le système « catholique romain ».

LA SUITE DES SCHISMES – Hérésie, c’est porte ouverte au monde des passions dans la théologie, pensée de l’Eglise. Bien sûr, ce monde des passions (orgueil, souci d’avoir raison et d’imposer sa raison, haines intellectuelles…) précédait l’hérésie, la rendait possible et séduisante pour beaucoup, tissait l’environnement de la discussion troublée. Mais avec elle triomphante, se produit comme un reflux : la pensée religieuse s’écartèle, allant du « rien que Dieu » au « rien que l’homme », et donc de crise en crise et de séparation en séparation. L’hérésie divise le croyant dans sa pensée de la foi, avec l’angoisse, les si diverses réactions à l’angoisse, l’angoissante nostalgie d’une pureté chrétienne perdue, on va d’abus en réactions et ces réactions ne cessent d’engendrer d’autres abus.

Retour de la pensée aux logiques du péché, l’hérésie installe l’Eglise historique dans une fausse unité, laquelle ne veut donner que des schismes nouveaux : nouvelles déchirures de la communauté mal assise.

Au XVIe siècle, en Occident, des chrétiens nostalgiques de la pureté primitive se révoltèrent. Partis de la louable intention de réformer l’Eglise catholique, mis emportés par le monde des passions qui s’y était engouffré par l’hérésie romaine, ils finirent assez vite, au prix de guerres sanglantes, par fonder une confession à part. L’Eglise réformée, ou protestante.

Leur idée ? réformer, revenir aux sources. Ils ne réformèrent qu’en se séparant de la branche romaine sans retrouver le tronc catholique orthodoxe ; ils ne revinrent pas aux sources. Pourquoi ?

Les sources, c’est à dire le catholicisme orthodoxe, ne coulaient plus qu’en Orient après le grand schisme de 1054. L’Orient était loin. On avait perdu le contact. Le protestantisme ne pouvait qu’improviser des doctrines nouvelles, encore plus éloignées de la Tradition que celles de la Rome hérétique dont il se séparait sans compensations suffisantes.

ROMANISME ET PROTESTANTISME – En se séparant du vrai tronc catholique, au XIe siècle l’Eglise romaine amasse dans sa pensée et dans son comportement toutes les logiques qui, un jour, prendront corps dans le protestantisme. Elle remet en question ce qui fut cru par tous, toujours et en tous lieux ; elle inaugure un changement radical de l’organisation et de la vie de l’Eglise ; elle soumet l’approche des divins mystères à l’analyse de la raison humaine. Mais elle conserve, tout en l’altérant, le principe d’une Tradition ; le protestantisme, qui situe l’homme individuel devant les seules Ecritures, rejette cette Tradition. Or la Bible ne peut être reçue que sous la mouvance du Saint Esprit, c’est à dire dans la Tradition vivante.

L’Eglise romaine conserve la succession apostolique : les évêques, la prêtrise ; et aussi la divine liturgie eucharistique, les sacrements dont les ministres sont évêques et prêtres. Rompant avec la Tradition, le protestantisme rompt avec la succession apostolique : ses pasteurs ne sont plus que des enseignants, certes d’une étonnante probité et charité, qui guident leur peuple dans sa pieuse lecture de la Bible ; mais ils ne portent plus la succession des apôtres et ne sont ni des évêques ni des prêtres.

L’Eglise romaine conserva longtemps dans sa foi la présence réelle du Corps et du Sang du Sauveur dans l’eucharistie, la virginité de la Mère de Dieu, la sainteté des saints. Mais au XXème siècle, à partir de Vatican II,

faute de cette substance de foi inaltérée qui ne subsiste que dans la Tradition orthodoxe, seule pleinement catholique,

elle se protestantisa : liturgie donnant à la parole, à « l’explication », le pas sur les divins mystères ; moralisme idéologique ; déperdition du culte de la Mère de Dieu, des bienheureux et des anges ; bref, de nos jours, une « nouvelle religion ».

LE MONDE ORTHODOXE ORIENTAL – Par contraste, tout serait-il parfait chez les Grecs, les Russes et autres peuples ayant gardé l’Orthodoxie ?

Loin de là !

Il y eut la fidélité doctrinale, l’intègre maintenance liturgique et sacramentelle, la transmission inaltérée du Dépôt, des saints et des nouveaux Pères, le monachisme admirable du Mont-Athos et des maîtres spirituels russes… Mais il y eut aussi l’orgueil grec et des systématisations de type scolastique, assez semblables à celles du Moyen-Âge occidental. Il y eut la subtile et encore tenace influence du romanisme dans la théologie russe. Il y eut un orgueil et un égoïsme orthodoxes, et cette autre hérésie, le phylétisme, qui consiste à suggérer que la foi orthodoxe, l’Eglise véritable sont le monopole de certains peuples d’Orient. Il y eut, jusqu’à nos jours, chez les Orientaux orthodoxes, une ignorance profonde, un mépris, voire une négation du patrimoine orthodoxe occidental.

Et donc, l’Orient orthodoxe souffrit lui aussi du grand schisme du XIe siècle, et sa fidélité au Christ et aux apôtres ne put être parfaite, et moins parfaite encore l’ouverture de son cœur.

LE RÉVEIL ORTHODOXE EN OCCIDENT – Au XXème siècle, après 1918-1920, les Russes orthodoxes, chassés de leur patrie par la révolution bolchevique, immigrèrent en Europe occidentale et en Amérique. L’un d’eux, Eugraph KOVALEVSKY (1905-1970), aima la France et son peuple.

« Vous avez été orthodoxes pendant mille ans, nous dit-il, vous pouvez rejoindre la vraie

foi de vos ancêtres en le redevenant aujourd’hui ».

Ainsi renaquit l’antique Eglise orthodoxe occidentale qui avait été celle des Irénée de Lyon, Hilaire de Poitiers, Martin de Tours, Geneviève de Paris. Des Français réintégrèrent l’orthodoxie autour de cet apôtre qui devint leur prêtre en 1937, puis leur évêque en 1964, sous le nom de Jean de Saint Denis.

Mgr Jean rendit son âme à Dieu le 30 janvier 1970, à Paris. Il avait fondé un diocèse français, formé de paroisses et d’œuvres françaises ; il avait aussi réuni les orthodoxes suisses, allemands, belges, anglais, italiens et, en tous ces pays d’Europe occidentale, jeté les bases de nouvelles Eglises orthodoxes locales ressuscitées. Il avait restauré l’antique rite liturgique des Gaules, la messe de nos ancêtres du premier millénaire, à laquelle s’attache le nom de saint Germain de Paris le grand liturge gallo-franc. Il nous avait restitué non seulement notre foi ancestrale, notre Eglise ancestrale, mais aussi nos racines de prière. Il avait fondé l’Institut de théologie Saint-Denis (en 1945).

Aujourd’hui les orthodoxes français forment un diocèse autonome. Le successeur du pontife Jean, Gilles Hardy, Français né en Poitou, fut sacré évêque à Paris, en avril 1972, par trois évêques du patriarcat de Roumanie. Il devint par son sacre Mgr Germain de Saint-Denis.

RÉINTÉGRER L’ORTHODOXIE ANCESTRALE – L’Eglise orthodoxe est :

l’Eglise catholique des premiers temps et de l’avenir, jusqu’à la fin du monde et au retour glorieux du Seigneur.

En réintégrant l’orthodoxie, nous redevenons pleinement catholiques.

En tant que chrétien et que français, nous ressuscitons dans la foi de nos Pères, nos authentiques sources de prière,

nous retrouvons notre identité exacte.

« Le monde est créé en vue de l’Incarnation ; dans son fondement même, le monde est l’Eglise en puissance, virtuellement. Saint Clément de Rome dit : « Dieu a créé l’homme et la femme, l’homme est le Christ et la femme est l’Eglise. » De même Hermas dans la deuxième vision de son « Pasteur », décrit l’Eglise sous les traits d’une femme âgée et explique : « elle est âgée parce qu’elle a été créée la première, avant toute chose, et c’est pour elle que le monde a été fait. »

Paul EVDOKIMOV

« L’Orthodoxie« , 1965

LE MILLÉNAIRE ORTHODOXE

OCCIDENT ORIENT
44 – Date approximative de la fondation de l’Eglise des Gaules en région de Marseille.
46 – date probable de l’arrivée de Pierre à Rome.
49 – Protoconcile des apôtres à Jérusalem, présidé par saint Jacques.
61 – Date approximative de l’ordination de saint Linus, premier évêque de Rome.
50/66 – épîtres de saint Paul ; évangiles de Matthieu, Marc et Luc ; Actes des Apôtres.
64 – début des persécutions
104 – Apocalypse et 4e évangile de Jean
155/163 – martyres des saints Ignace d’Antioche, Polycarpe de Smyrne, Justin…
177 – Persécution de l’Eglise de Lyon ; martyre de saint Pothin et de sainte Blandine.
202 – début de la persécution systématique
202 – martyre de saint Irénée de Lyon, Père de l’Eglise.
250 – saint Paul de Thèbes se retire désert et fonde le monachisme en Egypte.
Vers 260, la persécution prend fin dans les Gaules, mais elle continue de faire en Afrique et dans tout l’Orient.
270 – saint Antoine organise la vie monastique en Egypte.
313 – à Milan, Constantin, Auguste des Gaules, établit la paix de tolé­rance sur tout l’Occident. Puis il devient catéchumène.
314 – LE GRAND CONCILE D’ARLES pose les bases de la tradition canonique de l’Eglise des Gaules.
317 – à Alexandrie, apparition de l’hérésie arienne. Enseignement de saint Athanase d’Alexandrie.
324 – Constantin règne sur tout l’empire, Occident et Orient.
325 – Concile de Nicée, 1er œcuménique
La persécution prend fin en Orient.
330 – fondation de Constantinople.
350 – apparition de l’arianisme en Gaule.
deux grands exilés : Athanase d’Alexandrie
(il vient dans les Gaules et y introduit le monachisme) et
Hilaire de Poitiers (il prend contact avec la théologie des Eglises d’Orient)
360 – LE CONCILE DE PARIS, présidé par saint Hilaire de Poitiers, rappelle aux Orientaux la foi de Nicée.
enseignement des Pères cappacdociens
370 – saint Basile, Père cappadocien réorganise le monachisme.
381 – concile de Constantinople, second œcuménique
397 – mort de saint Martin de Tours et de saint Ambroise de Milan. L’empereur Théodose entreprend l’extinc­tion de la religion païenne.
407 – invasion générale de la Gaule par les Germains, qui imposent partout leur version de l’hérésie arienne 407 – mort de saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople.
400/410 – fondation des abbayes de Lérins (par saint Fortunat) et de Marseille (par saint Jean Cassien)
Préservé des barbares, l’empire byzantin voit apparaître l’hérésie de Nestorius.
431 – concile d’Ephèse, troisième œcuménique.
Une nouvelle grande hérésie : le monophysisme.
451 – concile de Chalcédoine, quatrième œcuménique
451 – sainte Geneviève arrête les Huns devant Paris ; saint Aignan devant Orléans ; saint Léon devant Rome.
476 – disparition de l’empire romain en Occident. 476 – Zénon régnant, l’empire continue en Orient.
496 – par le baptême de Clovis, la France devient le BASTION OCCIDENTAL DE L’ORTHODOXIE.
Hors la France seule, l’Europe occidentale baigne dans l’hérésie arienne. Les querelles théologiques agitent l’Orient.
507 – Vainqueur des Wisigoths à Vouillé, Clovis libère la France entière de la domination des hérétiques ariens.
527 – Début du règne prestigieux de Justinien le Grand. L’empire byzantin va reconquérir la Méditerranée.
533 – concile de Constantinople,
cinquième œcuménique
537 – consécration de sainte Sophie, à Constantinople ?
apparition de l’hérésie monothélite.
547 – mort de saint Benoît, qui a écrit une nouvelle Règle des moines.
621 – Honorius, évêque de Rome, soutient enseignement de saint Maxime le Confesseur
l’hérésie monothélite.
622 – Mahomet fonde la religion islamique
633 – conquête de l’Islam.
673/678 – échecs de l’Islam devant Constantinople.
680 – concile de Constantinople,
sixième œcuménique
692 – concile in Trullo,
fin de l’épiscopat marié
726 – début de la querelle des images.
732 – Martel arrête les Arabes devant Poitiers. L’Islam concentre ses forces en Espagne.
756 – Pépin le Bref fonde les Etats ponti­ficaux, faisant ainsi de l’évêque de Rome un souverain temporel. Enseignement de saint Jean Damascène, défenseur des icônes.
771 – Charlemagne, roi La querelle des images fait rage : de nombreux orthodoxes subissent le martyre pour la défense des icônes.
787 – concile de Nicée,
septième oecuménique.
FIN DES CONCILES OECUMENIQUES
DE L’EGLISE INDIVISE
800 – Charlemagne sacré empereur par l’évêque de Rome.
nonobstant les déclarations solennelles de Nicée, continue la querelle sanglante des images.
843 -Triomphe de l’Orthodoxie, victoire finale des saintes icônes.
850 – production des fausses décrétales pour étayer la thèse nouvelle de la juridiction universelle de l’évêque de Rome.
858 – saint Photius, patriarche de Constantinople, s’oppose à l’évêque de Rome.
862/884 – les saints frères Cyrille et Méthode convertissent les ethnies slaves de Moravie et fondent un nouvel alphabet.
885/900 – invasion des Normands.
910 – fondation de Cluny, mouvement monastique en tête de la promotion d’une réforme papiste. 945 – baptême de la princesse russe Olga.
911 – les envahisseurs nordiques créent la Normandie.
L’Eglise se plonge dans un affreux désordre exploité par le parti réformiste romain ; résistance désespérée d’une partie l’épiscopat gaulois.
987 – Hugues Capet, roi de France, établit une nouvelle dynastie. 987 – conversion du prince Vladimir de Kiev (saint Vladimir) et entrée du peuple russe dans la
communion orthodoxe.
La France, secouée par les guerres féodales : nombreux conciles pour défendre la paix, progrès du parti de la réforme et institution de la chevalerie
1014 – l’empereur allemand Henri II impose le « filioque » dans la messe de l’évêque de Rome Enseignement de saint Syméon le Nouveau Théologien.
1054 – grand schisme entre Constantinople et Rome
1073 – Hildebrand, élu pape de Rome sous le nom de Grégoire VII, devient le seul chef des Eglises d’Occident Le Mont Athos devient le foyer de l’Orthodoxie en Orient.
FIN DE L’ORTHODOXIE OCCIDENTALE
FIN DE L’INDIVISION DE L’EGLISE et ESSOR
ET DE L’INDIVISION DE L’EGLISE.
ORIENTAL DE L’ORTHODOXIE

En 1453, l’empire byzantin s’effondrera sous l’ultime poussée des Turcs musulmans.

Ecroulement de l’expression grecque de l’orthodoxie.

La Russie devient le nouvel empire orthodoxe et, en 1589, Moscou prend rang de siège patriarcal.

Jusqu’à la révolution bolchevique de 1918

REGARD D’ENSEMBLE SUR L’EGLISE ORTHODOXE

L’EGLISE ET LES EGLISES – Quand on dit aujourd’hui « l’Eglise catholique », « l’Eglise protestante », « l’Eglise orthodoxe », et donc « les Eglises », on pense : autant d’Eglises qui différeraient les unes des autres par la doctrine, le culte et l’orga­nisation. Cette façon de voir s’attache à la confusion des esprits pendant les temps modernes.

On parle selon la vérité en attribuant aux Eglises (au pluriel) des différences de lieux. Autrement dit : Eglise grecque, Eglise russe, Eglise romaine, Eglise française, etc. Ainsi parlaient et écrivaient les Apôtres. Il y a des Eglises (au pluriel) en ce sens que chacune d’elles est EGLISE LOCALE :

Eglise d’un lieu, d’un sol, d’un territoire, d’un peuple.

LES EGLISES LOCALES – Conformément à ce qui était cru et vécu par tous pendant le premier millénaire, et en Orient jusqu’à nos jours,

l’Orthodoxie ne connaît que des Eglises locales ; chacune étant l’EGLISE pleine et entière ou universelle, sur son territoire.

Chacune d’elles est l’Eglise (au singulier). Toutes ensemble sont l’Eglise (au singulier).

On ne construit pas une Eglise de plus avec des idées nouvelles, mais en implantant l’Eglise de toujours et de partout sur un lieu nouveau : soit qu’elle n’y existât pas encore, cas de la Russie sous saint Vladimir ; soit qu’elle y réapparaisse, comme c’est aujourd’hui notre cas, après une longue absence.

L’EGLISE – En tous temps et en tous lieux, l’Eglise est UNE, sainte, catholique et apostolique.

Mais chaque fois c’est l’Eglise d’une terre, d’un climat, d’une langue, d’une race, d’un patrimoine national. Avec sa personnalité irremplaçable et unique.

Il y a union universelle parce que : même foi, mêmes sacrements et par dessus tout même communion eucharistique, mêmes canons généraux.

l’unité n’existe que dans la diversité.

Toutes les Eglises font UN en restant chacune pleinement soi-même : des tempéraments­, des liturgies, des règles locales particulières.

L’UNITÉ : COMMENT ? – Débarrassons-nous d’une erreur moderne découlant de l’ecclésiologie romaine : l’unité de l’Eglise serait suspendue à un seul et unique pouvoir central. Une telle idéologie n’est en rien conforme à la foi des premiers chrétiens du temps de l’indivision, nos pères dans la foi ; c’est en tous points contradictoire avec la manière dont ils organisèrent l’Eglise selon la constitution sacrée transmise par les apôtres, et dont ils vécurent en son sein.

Usons d’une comparaison. Vous savez que le blanc résulte de la fusion de toutes les couleurs. Eh bien, essayez d’obtenir le blanc en unissant un bleu délavé, un rouge pâme, un jaune douteux, etc. ! Ce que vous obtiendrez sera un gris confus, non pas le blanc. On obtient le blanc avec un bleu vraiment bleu, un rouge vraiment rouge, etc. Cela signifie que, pour réaliser l’unité, il faut que les personnalités diverses soient et restent pleinement elles-mêmes, et qu’on « n’unifie » pas en édul­corant. Cala vaut pour une famille à l’intérieur d’elle-même, pour une nation, pour un groupe quel qu’il soit, et par excellence pour l’Eglise.

On n’unifie pas en uniformisant. Ni en standardisant. Ni en écrasant l’original sous les normes arbitraires d’un modèle prétendu général.

On n’unifie pas davantage en absorbant. Notre évêque Jean de Saint Denis lutta toute sa vie pour préserver le réveil orthodoxe occidental des ornières de la russification : les immigrés russes nous aimaient bien, mais, étant immigrés, c’est à dire dans l’irréalisme sentimental dû à la rupture de lien organique avec un sol, un ciel et un sang, ils se laissaient aller à nous vouloir russes et priant dans le seul rite byzantino-slave. Notre Eglise catholique orthodoxe de France aura au XXème siècle, redonné sa pleine force au principe d’unité dans la diversité que les Orientaux eux-mêmes, en raison de leur long isolement par rapport à nous et des influences romanistes qu’ils subirent aux temps modernes, oubliaient déjà.

L’unité de l’Eglise procède du dogme trinitaire (toute notre vie spirituelle en dépend et la vie de l’Eglise son organisation, sa manière d’exister et de régler ses problèmes, en dépendent). En Dieu, le Père n’est pas le Fils ni le Saint Esprit, Fils n’est pas le Saint Esprit ni le Père, le Saint Esprit n’est pas le Père ni le Fils. Trois personnes, ou hypostases. Cependant nous dirons : « Gloire à TOI, Père et Fils et Saint Esprit, gloire à TOI ! » Nous glorifions TROIS hypostases en disant : TOI, c’est à dire : trois qui sont absolument un. Car s’il y a trois hypostases, elles ne font pas trois dieux, mais un seul Dieu. Or, qu’est-ce que l’Eglise ?

La communication de la Trinité divine à la terre.

La constitution de l’Eglise, ce qui la fait UNE et SAINTE, c’est : la Trinité Père et Fils et Saint Esprit.

Pour comprendre l’Eglise de Dieu, il faut commencer par considérer Dieu.

La vérité de l’Eglise n’habite pas la pensée des hommes : opinion, position des pouvoirs publics, etc. Peu importe ce que « Les gens pensent », peu importe « comment le pouvoir politique » (ou les intellectuels, ou ceux qui font la mode) « voient l’Eglise », ou « se la représentent ». C’est Dieu Uni-Trinité qui est en cause. L’Eglise est par rapport à Lui.

Et donc, c’est parce qu’elles ont toutes la même foi, le même amour de Dieu et du prochain, les mêmes sacrements, la même communion que les Eglises ne font qu’UN forment, chacune chez elle et toutes ensemble, l’Eglise UNE.

MANIFESTATION DE L’UNITÉ – Si un chrétien orthodoxe français se rend dans une église orthodoxe russe ou grecque, etc., bien sûr le voici avec des Russes qui prient en slavon, ou avec des Grecs qui prient en grec, etc. Ce ne sont ni le même pays, ni la même psychologie (façon de penser, sensibilité…), ni les mêmes rites, ni les mêmes coutumes ecclésiastiques. Pareillement si un orthodoxe russe ou grec vient une de nos communautés orthodoxes françaises… Rien de plus compréhensible !

Mais à travers ces différences de race et de lieu, un orthodoxe français reconnaît sa foi, son espérance, sa charité, tous ses sacrements, toute sa vie spirituelle, bref toute son Eglise dans la communauté russe ou grecque ou roumaine ou arabe. Il reconnaît l’Eglise catholique : même foi intègre ; partout la même Eglise, du fait que c’est partout la même foi intègre.

« Ce qui est cru par tous, depuis toujours, en tous lieux »

Saint Vincent de Lérins, Ve s., Père de l’Eglise

I1 reconnaît la juste glorification de la Trinité divine, autrement dit : l’Eglise orthodoxe. Il ne fait qu’UN avec ces frères différents. Il communie.

De même, si viennent chez nous orthodoxes français, des orthodoxes qui seraient ukrainiens, grecs, serbes, roumains, arabes, finlandais, japonais, américains.

Unité dans la diversitéConcorde et harmonie.

LES GRANDES ÉGLISES – Notons : si telle ou telle Eglise est vraiment l’Eglise d’un lieu, d’une langue, d’un peuple, peu importe qu’elle rassemble cent millions de fidèles ou une cinquantaine seulement. Avec quelques dizaines de moines et de laïcs le monastère du Sinaï est une Eglise locale au même titre que les énormes Eglises de Russie, de Roumanie ou de Grèce.

Dans les premiers siècles, où trouve-t-on les sièges épiscopaux ? Parmi les villes de l’empire romain. Le christianisme eut d’abord un recrutement urbain : les gens des villes. Puis on évangélisa les campagnes. Au fur et à mesure que de spacieuses régions s’ouvraient à l’évangélisation, se posaient, liés au nombre, des problèmes administratifs de plus en plus compliqués. Auxquels il fallait répondre. Comment l’Eglise y répondit-elle ? En calquant son organisation territoriale sur celle de l’empire romain. Depuis longtemps le mot « diocèse » désignait une administration territoriale temporelle, pénétrée d’esprit païen ; les chrétiens finirent par appeler « diocèse » le territoire chrétien présidé par un évêque.

Mais dans une même province, plusieurs diocèses voisins pouvaient prendre corps Comment faire ? Ces diocèses, l’Eglise les groupa : ainsi naquirent les métropoles, dirigées chacune par un évêque métropolitain – primat, archevêque, métropolite -; et plusieurs métropoles réunies finirent par former des patriarcats. Qui était ce métropolitain ou le patriarche lui-même ? Un évêque « plus évêque » que ses collègues Non !

Le premier parmi ses égaux.

Et donc un patriarche n’est pas un « pape » au sens romaniste. Le patriarche d’Alexandrie, appelé « patriarche et pape », n’est pas un « pape » au sens de la doctrine romaine ; et pas davantage le patriarche de Constantinople, qualifié d' »œcuménique ».

En 451, quand se tint le concile de Chalcédoine, on comptait une multitude d’Eglises parfaitement autonomes : Chypre depuis 431, les Gaules depuis toujours… et cinq patriarcats : Rome (ville et campagne, ce qui embrassait peu d’espace) ; Constantinople (régions grecques) ; Alexandrie (l’Afrique) et, au Proche-Orient, Antioche et Jérusalem. Il fut décidé, au canon 28 de ce concile, que deux patriarcats seraient les premiers « en rang d’honneur » : d’abord celui de Rome, cette ville étant la première capitale politique de l’empire, ensuite Constantinople, cette ville étant la seconde capitale politique du même empire.

Vous le voyez, point n’était question de succéder à saint Pierre ! Pierre était venu à Antioche avant de fouler le sol romain (et Antioche ne revendiquait aucune préséance particulière). Presque tous les apôtres étaient venus à Rome, siège apostolique à l’égal d’Antioche, d’Ephèse ou de Corinthe, et a fortiori celui de Jérusalem ; mais aucun à Constantinople, puisque, étant fondée par Constantin le Grand au IVe s. cette ville n’existait pas de leur vivant. Le siège prépondérant en rang d’honneur, c’était la ville la plus considérable du point de vue politique. Tel demeure constamment le principe de l’Eglise orthodoxe en matière de primatie.

Aujourd’hui, que représente le patriarcat de Constantinople ? Une faible minorité chrétienne en banlieue d’Istanbul, ville de la Turquie musulmane. Le « vatican », là-bas. se réduit à un immeuble : le Phanar. L’histoire byzantine s’interrompit en 1453 : l’indépendance grecque ne redevint une réalité qu’au XIXe s.; mais alors, Constantinople, qui perdait son nom, n’était plus une ville grecque ni chrétienne. La qualité « œcuménique » de l’ancienne Constantinople, aujourd’hui Istanbul, limita jadis ses effets à quelques régions orientales où des diasporas chrétiennes habitaient parmi les barbares ; elle n’étendit jamais ses conséquences sur l’Occident; Il n’en reste plus, depuis un millénaire, qu’un titre honorifique. L’ancien territoire du christianisme hellénique ayant disparu, l’actuelle Eglise grecque est autocéphale sous la direction de l’archevêque d’Athènes et de son synode.

Jadis, en Gaule, la ville primatiale changea. Elle fut Lyon, puis Vienne. Puis Arles quand Arles devint la résidence gauloise de l’empereur Constantin. La primatie passa par la suite à d’autres cités selon l’importance politique du moment.

Il est bien évident que la primatie de l’Eglise orthodoxe française ne peut être aujourd’hui que Paris, capitale nationale.

« …il semble aux catholiques romains que les doctrines de l’Eglise orthodoxe, aussi spirituelles et mystiques soit-elles, restent vagues, incohérentes et incomplètes. A quoi l’orthodoxie peut répondre qu’elle ne néglige pas entièrement l’organisation temporelle de l’Eglise, et quiconque lirait les canons de l’Eglise orthodoxe, verrait combien les règles en sont strictes et minutieuses.

« Mais l’idée que l’orthodoxe se fait de l’Eglise est certainement spirituelle et mystique, en ce sens que la théologie ne traite jamais isolément aucun aspect temporel de l’Eglise, mais la considère toujours par rapport au Christ et à l’Esprit Saint. Tout orthodoxe qui réfléchit aux choses de l’Eglise, retourne toujours à la base fondamentale des relations qui existent entre elle et Dieu. Trois phrases peuvent illustrer cette situation : l’Eglise est :

1 – l’image de la Sainte Trinité ;

2 – le Corps du Christ ;

3 – un prolongement de la Pentecôte.

« La doctrine orthodoxe de l’Eglise est trinitaire, christologique

et pneumatologique. »

Timothy WARE, évêque orthodoxe anglais – « L’Orthodoxie« 

DOGMES ET CANONS

VÉRITE-VIE – Un occidental doit se pénétrer de ce qui suit avant de suivre notre propos sur les dogmes :

1 – on ne peut approcher l’orthodoxie qu’en cessant d’admettre une séparation entre ce qu’on pense et ce qu’on vit ;

2 – on ne peut comprendre l’orthodoxie qu’en cessant de se tenir, par la pensée, à l’extérieur de l’Eglise, comme si elle était devant nous une institution dont on peut ou non partager les opinions, et cela seulement.

On ne peut pas altérer la vérité sur Dieu, sans, du même coup, corrompre l’Eglise et la vie spirituelle de ses membres. L’Eglise se présente à nous comme le reflet visible de la divine Trinité : chacun, pleinement soi-même ; cela étant, on ne fait qu’un. L’Eglise communique la divine Trinité à la terre.

Faux Dieu = fausse Eglise.

Fausse Trinité = Eglise démolie du dedans.

Faux Dieu, fausse Trinité = une Eglise malade qui ne communique plus la vie en plénitude.

Or, chaque fois qu’un homme appelle « Dieu » son idée de Dieu, il se fabrique un faux Dieu ; il ne se sent plus chez lui dans l’Eglise ; il est, comme l’écrit l’apôtre Paul, « à l’étroit dans son cœur ».

La vérité sur Dieu est inséparable de l’authenticité de l’Eglise et, tout autant, inséparable de tout ce qu’on peut désigner par le mot « vie ».

Ne prenons plus les dogmes pour des formules abstraites inventées par des hommes. Les dogmes chrétiens n’ont rien de commun avec cette sclérose de la pensée qu’on appelle le « dogmatisme ». Il y a beaucoup plus de dogmatisme dans l’athéisme que dans la foi.

Qu’est-ce qu’un dogme ?

A un moment donné, du fait qu’une hérésie apparaît, le dogme réplique divino-­humainement au fait et au contenu de l’hérésie qui vient d’apparaître.

C’est la vie qui se défend contre ce qui entreprend de l’éloigner de sa source : Dieu et la vérité divine.

Hérésie = choix d’une altération de la vérité de Dieu.

Avant, on avait cette vérité, on la partageait avec tous, on la vivait en communion. Hérésie ? voici qu’on a choisi autre chose.

La pire disposition à l’hérésie consiste à penser d’une façon, à vivre d’une autre. Séparation de la pensée et de la vie. Non-intégration à l’Eglise. L’Occident postmoderne trempe terriblement dans l’atmosphère de cette non-intégration.

On n’a pas l’Eglise devant soi comme un édifice sociologique devant lequel on passe. On n’a pas la foi devant soi comme une opinion à laquelle on adhère, en tout ou en partie, en passant. Un chrétien entre dans la vérité et dans l’Eglise comme un marin dans son navire.

La vérité de Dieu pose un problème de vie ou de mort.

On est dans la vérité : et vivant. Ou bien hors de la vérité : et à côté de la vie. A côté de la vie, n’existe que la mort.

FOI TRANSMISE – Le Christ transmet aux apôtres toute la vérité utile au salut de la créature humaine. Toutes les vérités qui font voir en quoi consiste le salut et par où il passe. Tout ce qu’il faut croire et vivre pour être sauvé. Qui est le Christ ? Le Fils, le Verbe, l’Un de la Trinité, le Fils du Dieu vivant. Dieu parfait, comme est Dieu le Père et comme est Dieu le Saint Esprit. Il se fait homme. Homme réel, homme comme nous, moins le péché.

Une seule Hypostase : Il est Dieu. Il est le Fils dans la Trinité.

Deux natures : Il est Dieu, Il est homme.

Cette transmission ayant sa source en notre Seigneur Jésus Christ, « pierre » sur laquelle l’Eglise est fondée, nous l’appelons : le Dépôt.

Vérité totale, parfaite et définitive, ce Dépôt comprend : le contenu de la foi, les sacrements et tout le culte, l’Eglise dans sa nature et dans sa manière d’être.

On n’en retranche rien. Il n’y a pas de foi « moderne » prévalant sur une foi « révolue ». On n’y ajoute rien. Nulle époque ne jouit du privilège d’inventer Dieu, l’homme et le monde. Nos idées humaines changent en raison de notre faiblesse (manque de visibilité de notre cœur) selon l’époque et le lieu. Le Dépôt ne change pas, quels que soient le lieu et l’époque.

Ne pouvant être qu’altération ou corruption, tout changement provoque une hérésie. Dans son étymologie grecque, le mot « hérésie » suggère un « choix » : l’hérétique a choisi autre chose que ce que le Christ et ses apôtres ont transmis

TRADITION ET SAINT ESPRIT – Les apôtres transmettent le Dépôt à leurs successeurs les évêques, à la totalité du peuple baptisé aussi bien qu’à chacune des personnes baptisées formant ce peuple, ou laos, ou Eglise, ou Corps du Christ : transmission apostolique.

Dans sa totalité vivante, le Dépôt porte aussi le nom de Tradition.

Le courant de la vie transmis tel quel, une fois pour toutes, et qui renou­velle toute chose à chaque instant.

Tradition ? Otez de votre esprit : conservation. La vérité-vie n’a pas besoin de l’homme pour rester sans altération ou souillure ; ce n’est pas la créature humaine qui, par ses soins, la conserve. C’est elle qui, étant gardée et vécue, conserve et rajeunit l’être humain entré en elle. En effet, Dieu Lui-même agit constamment dans le fait qu’il y ait cette « tradition et qu’elle soit ce qu’elle est.

A la Pentecôte, le Saint Esprit, Dieu, qui procède du Père, initie personnellement chacun de ses apôtres. Jusqu’à la fin des temps, la Tradition est : mémoire du Saint Esprit, discernement par le Saint Esprit, renouvellement inépuisable dans le Saint Esprit.

CONCILES ŒCUMENIQUES ET DOGMES – Le mot grec « oikouménè » désigne l’espace de la terre habitée, où s’étendent les Eglises de Dieu.

A partir de 317 un hérétique d’Alexandrie, le prêtre Arius, enseigne que le Christ ne serait pas Dieu, mais homme divinisé seulement. Cette théorie exprime un «choix » opposé au Dépôt. Elle séduit des évêques, des prêtres, des fidèles. Parmi ces derniers, on comptera des empereurs et des rois. Voici donc l’ARIANISME. Que faire ?

Défendre les membres du Corps du Christ contre ce qui les écarte du Dépôt de la foi transmise.

Comment faire ?

Rassembler l’Eglise tout entière (oïkouménè) dans un concile chargé de promulguer la vérité de foi agressée par l’hérésie.

Concile de Nicée en 325. Il confesse : le Fils, notre Seigneur Jésus Christ, « consubstantiel au Père » – Dieu Lui-même comme le Père est Dieu.

Cependant, l’hérésie arienne épaissit ses ravages. Même procédé : le concile. En 381, concile de Constantinople. Il achève le symbole de la foi (en latin « credo » commencé en 325 à Nicée. Ici commence l’histoire des dogmes : balises identifiant les routes qui conduisent réellement à la vie en Dieu.

En 325, tous les chrétiens de l’oïkouménè savent-ils que le concile de Nicée sera œcuménique ? (= conforme à la foi catholique de l’oïkouménè, ou encore : expressif de la pensée de l’Eglise en tous lieux). Non, pas encore. Sait-on en 381, que le concile de Constantinople sera le second œcuménique ? Non, pas encore. Pourquoi ?

Parce qu’un concile n’est œcuménique, ou général, que lorsque ses décisions ont été reçues par toute l’Eglise qui, de par le monde habité, (oïkouménè), se reconnaît en elles.

Après coup. A l’épreuve. Seul critère d’autorité : l’évidence. Evidence que le concile a bien confessé le Dépôt. S’il a justement défendu la vie en Dieu, la vie elle-même se prononce, constate qu’il en a été ainsi. Alors, il est œcuménique.

Les décisions d’un concile sont des dogmes (formulations relatives au contenu de la foi) et des canons (règles de discipline, d’éthique et d’organisation).

TRADITION CANONIQUE – En grec, le mot CANON désigne un instrument de mesure, ou un bâton sur lequel on s’appuie pour marcher. Dans le langage d’Eglise, canon = règle.

Mais attention ! Non pas une norme comparable aux articles du code civil, ou pénal, avec leur jurisprudence. Le canon, c’est une règle d’harmonie.

Harmonie de l’homme, particulier ou groupe, avec Dieu. Harmonie de la terre avec le ciel. Harmonie du créé avec l’Incréé. Harmonie d’Eglise locale à Eglise locale. Harmonie de chacun avec l’autre et les autres, au sein de la même Eglise locale. Tout cela se mesure avec l’intelligence éclairée par la grâce. Cela repose sur un solide bon sens : les hommes sont comme ils sont ; tels qu’ils sont, voilà ce qui arrive ; Dieu les aime comme ils sont ; tout s’ordonne à cultiver leurs chances d’aimer Dieu et de Le servir droitement, orthodoxement.

Certains canons résolvent les problèmes spécifiques d’une époque, d’une forme de civilisation. Par exemple, ceux de l’Eglise des Gaules qui, aux Ve et VIe s., se préoccupaient de l’esclavage… D’autres canons valent pour tous les temps. Et pour tous les lieux. Par exemple : il faut deux ou trois évêques pour ordonner un autre évêque ; aucun évêque ne s’immisce dans les affaires d’un diocèse qui n’est pas le sien ; si l’organisation d’une grande région ecclésiastique s’impose, le titulaire du siège le plus important (du point de vue politique) exercera les fonctions de métropolitain ou de patriarche ; etc. Rien ne ressemble là-dedans à un « règlement ».

C’est une loi de concorde et d’harmonie, tout ensemble divine et empirique.

Une loi faite pour que les hommes aillent vers Dieu sans que leur démarche soit trébuchante, illusoire, sujette aux fantaisies ; sans qu’ils aient à porter trop lourds fardeaux.

Ainsi, les canons font eux-mêmes partie de la foi transmise. Ils prennent place la vie transmise, dans la Tradition.

Avec les dogmes, avec les Saintes Ecritures, avec l’office et la liturgie, avec tout ce qui est la vie. Ils sont la vie en tant qu’elle se dispose, selon les problèmes, à se penser, à réagir et à agir avec la Jérusalem céleste devant les dans le cœur.

Pour vivre, il faut se souvenir et discerner. Chacun est responsable, tous responsables.

L’ECONOMIE – Discerner n’est pas toujours chose facile. Les uns disent : la règle avant tout. Ils ont tort. La règle n’est jamais absolue (« le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat »). D’autres disent : continuons de faire comme si rien n’avait changé dans notre existence. Ils ont tort. La règle n’est pas aléatoire. D’autres : à propos de ce qui bouscule nos habitudes, trouvons la règle d’harmonie de la situation nouvelle.

Ils ont raison. C’est l’attitude orthodoxe.

Dieu ne change pas. Le contenu de la foi ne change pas. Les sacrements ne changent pas.

Mais changent dans les temps et dans les lieux :

– la façon dont nous nous agitons dans le péché ;

– les écrans dressés entre notre intelligence et la foi ;

– les problèmes d’exaspération passionnelle que multiplie la nouveauté de l’époque.

Il y a le dogme, il y a les règles, mais il y a aussi l’économie : Dieu, pour nous sauver, nous prend là où nous sommes, là où nous en sommes par rapport au mystère de son amour.

Dans une existence avec la mort dedans, rien de ce qui essaie de vivre n’est fixe, ni définitif, ni absolu. La fixité, anomalie du comportement humain, conduit au blocage ; la hâte de faire du définitif, au remplacement de la Tradition par un pesant système d’habitudes; la fausse absolutisation, à l’idolâtrie subtile.

Et donc, la vie est toujours au-dessus de la règle.

Sachant cela, on porte en soi le fond même de la tradition canonique. Source intarissable d’intelligence, de sagesse et de charité. Puisque ce discernement, nous le recevons à chaque instant dans le Saint Esprit qui procède du Père.

« Les bases canoniques de l’Eglise romaine sont demeurées inchangées, moins souples que les bases soviétiques qui conservent une certaine possibilité d’évolution. L’Eglise romaine est souple extérieurement (Argentine, Allemagne, Espagne, rideau de fer…), mais la non-reconnaissance en dehors d’elle-même des valeurs divines fait sa rigidité intérieure. Voyez combien Grégoire VII est opposé à Grégoire le Grand !..

« L’Eglise n’a pas le droit « sur » ses ouailles. Elle doit renoncer à cette idée qu’il y a quelque chose d’acquis. La conquête est dans la liberté. Or, en Occident, l’Eglise a pris l’habitude d’être, non plus une conquête, mais une institution bien établie… »

Mgr Jean de Saint-Denis, cours de Droit canon, année 1957-58.

LA DIVINE TRINITÉ

JE CROIS en un seul Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, et de toutes les choses visibles et invisibles… et en un seul Seigneur Jésus Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tout les siècles, Lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait… et en l’ESPRIT SAINT, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes…

TROIS HYPOSTASES, UN SEUL DIEU

Symbole de saint Athanase, patriarche d’Alexandrie :

« La foi catholique consiste à adorer un seul Dieu en trois Personnes, et trois Personnes en un seul Dieu, sans confondre les Personnes ni séparer la substance. Car autre est la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint Esprit. Mais la divinité du Père et du Fils et du Saint Esprit, est une. Leur gloire, égale. Leur majesté coéternelle.

Tel qu’est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint Esprit. Le Père est incréé, le Fils est incréé, le Saint Esprit est incréé. Le Père est immense, le Fils est immense, le Saint Esprit est immense. Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint Esprit est éternel.

Et néanmoins ce ne sont pas trois éternels, mais un seul Eternel. Comme aussi ce ne sont pas trois incréés ni trois immenses, mais un seul Incréé, un seul Immense. De même le Père est tout-puissant, le Fils est tout-puissant, le Saint Esprit est tout-puissant. Cependant ce ne sont pas trois tout-puissants, mais un seul Tout-puissant. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint Esprit est Dieu. Et néanmoins ce ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu.

Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint Esprit est Seigneur. Et néanmoins ce ne sont pas trois seigneurs, mais un seul Seigneur. Car, comme la vérité chrétienne nous oblige de reconnaître et de confesser que chacune des trois Personnes est Dieu et Seigneur, aussi la religion catholique nous défend de dire trois dieux ou trois seigneurs.

Le Père n’a été ni fait, ni créé, ni engendré.

Le Fils n’a été ni fait, ni créé, mais engendré.

Le Saint Esprit n’a été ni fait, ni créé, ni engendré, mais Il procède du Père seul. Il n’y a donc qu’un seul Père et non trois Pères, un Fils et non trois Fils, un Saint Esprit et non trois saints Esprits. Et dans cette Trinité, il n’y a ni plus ancien, ni moins ancien, ni plus grand, ni moins grand, mais les Trois Personnes sont coéternelles et égales entre Elles. De sorte qu’en tout, comme il a été dit, on doit adorer l’Unité dans la Trinité, et la Trinité dans l’Unité. Quiconque donc, veut être sauvé, doit avoir ces sentiments et cette croyance en la Trinité. »

POURQUOI CETTE RÉVÉLATION ?

Un chrétien ne peut se contenter d’être un homme qui « croit en Dieu ». Le déisme, position philosophique de ceux qui admettent un créateur et justicier, est tout aussi éloigné de la foi orthodoxe que peuvent l’être l’agnosticisme ou certaines manières de se déclarer athée. Cette conception d’une « nature divine » lointaine, froide, vague, fait obstacle à la foi catholique et au juste comportement doxologique, ou comportement orthodoxe. La foi catholique orthodoxe est trinitaire.

Il s’agit de savoir si l’on croit en surface ou en profondeur. Si la vérité de Dieu nous « intéresse » à fleur de peau ou si elle nous prend tout entier. S’il est question de spéculation abstraite ou d’un problème de vie ou de mort.

S’il s’agit de la vie et de la mort, nous serons selon que nous croyons Dieu Lui-même Se révélant.

Cela concerne l’être. Ou si l’on veut, notre ontologie : ce qui se rapporte à notre être, à la façon dont nous sommes, à ce pourquoi et comment nous sommes qui nous sommes.

L’absolu du fond des choses.

Or, que se passe-t-il ?

En chacun de nous s’opposent continuellement deux réalités qui nous semblent contradictoires, inconciliables.

D’une part, chacun est pleinement soi-même, n’est pas un autre, disant « Je » ou « Moi » à sa manière tout à lui qui est irremplaçable et unique.

D’autre part, nul ne pouvant exister sans l’existence des autres, chacun est les autres autant qu’il est lui-même, et il dit « Nous » ou « Nous tous ». Deuxième réalité, aussi intense que la première, et à l’expérience de laquelle nul n’échappe.

Il y a « Je », il y a les autres. Comment dire « Nous » sans dire « Je » ? Mais aussi comment être soi-même tout en ne faisant qu’un avec les autres ?

Dieu répond : « Je suis TROIS Personnes, UN SEUL Dieu ! »

C’est le premier et essentiel secret de la vie.

HYPOSTASE ET NATURE – Première réalité. Pierre n’est pas Paul, ni Jean, ni Marguerite. Qu’est-ce qu’une personne humaine ?

Un être irremplaçable et unique.

En grec : hypostasis. Hypostase.

Deuxième réalité. Pierre, Paul, Jean, Marguerite ont une ontologie commune. Ils ont en commun d’être des êtres humains.

Ce qu’ils ont en commun, c’est la nature humaine. Le « Nous tous ».

En grec : physis. Nature.

Hypostasis et physis. Nous ne sommes pas l’un sans l’autre. Mais l’un et l’autre. « Je » et « Nous tous ». Tel est l’ordre établi par Dieu. Et cet ordre est inscrit en Dieu.

Conne quoi nous ne pouvons acquérir l’intelligence de l’homme qu’en commençant considérer Dieu, tel qu’Il Se révèle à nous dans le contenu de la foi. Et intelligence de l’homme, notre connaissance de nous-même valent ce que vaut notre réception de la révélation trinitaire.

« Créateur du ciel » = de chacun des anges, de toute la nature angélique.

«Et de toute la terre » = de chacun des hommes, de toute la nature humaine.

Or, qui est Dieu ?

Père : première Hypostase. En Dieu, le Père est source de la divinité.

Les théologiens orthodoxes disent : monarchos, « seule source »

Fils engendré, non créé, hors le temps dont nous avons l’expérience : deuxième Hypostase.

Esprit Saint : hors le temps passé-avenir, l’Esprit, troisième Hypostase, procède du Père.

Le Saint Esprit procède du Père seul.

Où réside l’unité en Dieu ? Dans l’hypostase du Père. De qui est engendré le Fils ? De qui procède l’Esprit ?

Père et Fils et Saint Esprit sont une seule et même substance divine, une seule et même essence divine, une seule et même nature divine : un seul Dieu. Et nous disons : gloire à Toi, Père et Fils et Saint Esprit, gloire à TOI !

Devant ce premier et essentiel secret de la vie, les mots humains, à l’image de l’espace limité et du temps qui commence et finit, trébuchent et s’avouent vaincus. Nous touchons ici les limites de l’intelligence créée. De Dieu nous savons qu’Il S’est révélé Trinité. De Dieu nous ne connaissons que la manifestation, les œuvres innombrables.

Mais dans son essence, dans sa nature, Dieu reste infiniment inconnaissable.

On ne définit pas Dieu. Nos formules ne Le contiennent pas.

A partir de la réponse de la Tradition (foi transmise et vie transmise) à la question « qui est Dieu ? » : jaillissent autant de réponses que la vie (avec la mort dedans) nous pose de problèmes.

POURQUOI LA MORT ET LA GUERRE ?

Nous ne connaissons pas Dieu dans sa nature intime parce que l’intelligence créée est bornée de toutes parts. Mais voici, pour nous, le moment de parler du péché.

Image et Ressemblance – En Se révélant Trinité, Dieu ne révèle pas seulement Lui-même à l’homme. Tout ce que Dieu fait connaître de Lui s’ordonne au salut de sa créature. En Se révélant Trinité, Dieu fait connaître à l’homme qui est l’homme, en quoi consiste la vie humaine. Toute vérité utile sur ce qu’on est et pourquoi l’on existe, découle de la vérité sur Dieu, par Dieu révélée. Qui est l’homme ?

Créé image de Dieu, il est personne et société. Hypostase et nature. Un et plusieurs. Inséparablement.

En quoi consiste la vie humaine ? Atteindre la ressemblance de Dieu en étant pleinement personnel tout en faisant UN avec Dieu et avec les autres hommes.

Créé par Dieu source de toute vie, chaque être humain a pour fin sa dilatation sans limite – ontologique, personnelle – dans l’amour de son Dieu vivant qui l’appelle par son nom. Créés par Dieu source de toute vie, tous les êtres humains, nature et société, ont pour fin la communion.

Personne pleine et entière, communion pleine et entière : telle est la première loi de la vie. Elle découle de la révélation trinitaire.

Péché originel – Le péché d’Adam et d’Eve consiste en ce que nos premiers parents, porteurs de la totalité de la nature humaine et agissant en pleine et entière connaissance de cause, se séparent personnellement de Dieu en choisissant la voie de l’ange déchu qui leur suggère de se déifier par eux-mêmes, et séparent la nature humaine de cette source divine et, partant, de son mouvement naturel vers sa propre fin.

La nature humaine, ou « nous tous », ayant été corrompue en Adam et Eve qui la portaient, et donc nous portaient dans leur condition de premiers parents, nous naissons dans le péché sans avoir, personnellement, en entrant dans l’existence, prononcé le « choix » contre l’ordre divin.

Péché = séparation – Il apparaît en clair que le péché est, avant tout, séparation.

Au moment du baptême, l’Eglise dit au catéchumène :

« Considère que toute la création est suspendue sur l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Par contre, la séparation d’avec Dieu et la haine du prochain amènent la ruine. Si tu veux parvenir à la Vérité et à ton salut, aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit et ton prochain comme toi-même. Soit prêt à renoncer à l’esprit de division et ouvre ton cœur à l’Esprit Saint.

Le monde du péché = mort et inimitié – Par le péché, séparation de l’homme d’avec Dieu, commence la logique des séparations en chaîne en quoi consiste le monde du péché, ou monde historique, dans lequel nous naissons.

Créé potentiellement immortel, l’homme se sépare d’abord en lui-même. C’est la mort. Devenu mortel, il se sépare du cosmos – animaux, végétaux, minéraux – dont il est naturellement le prophète, le prêtre et le roi. C’est l’inimitié des éléments.

Séparé en lui-même et séparé du cosmos, il se sépare de sa propre nature, rompant l’unité naturelle du « Nous tous ». Et voici la guerre.

L’espace-temps du péché – L’espace et le temps du premier paradis s’effacent avec le fait du péché qui introduit la mort en toutes choses.

Nés dans le péché, nous ne pouvons penser et imaginer que l’espace avec la mort dedans.

Un espace aménagé en fonction de ce qu’ici-bas tout passe par naissance, décrépitude et mort. Un univers où tout est limite, borne, frontière. Comme entouré de falaises à pic. Mais par la foi nous savons qu’au retour du Christ viendra un nouvel espace : celui de la matière transfigurée – immortelle, incorruptible.

Nés dans le péché, nous ne pouvons penser et imaginer que l’espace avec le temps avec la mort dedans.

Un commencement, un développement, un vieillissement et une fin.

Nous n’expérimentons en fait que le passé (ce qui a disparu) et le futur (ce qui va disparaître).

Mais par la foi nous attendons activement le temps de l’incorruptibilité et l’immortalité. Le temps qui ne passe plus ou « siècle à venir ». Que sera-t-il ?

Le présent. Qu’est-ce que le présent ? Le « temps » de la présence de Dieu.

Individu et personne – Mortel du fait du péché, l’être humain meurt à chaque instant avant sa mort. Il devient individu.

Qu’est-ce que l’individu ?

L’extrême indigence de l’être conscient parvenu à son ultime division. Ce qu’on ne peut plus diviser.

Enfermé dans son « Moi » qui devient chaque jour plus étouffant, l’individu s’oppose aux autres individus.

Ce que l’Eglise appelle « matière » au sens péjoratif, et « ténèbre », c’est l’emprisonnement de l’individu dans son « Moi » ; c’est l’opacité du « Moi » qui devient semblable à une main fermée.

L’individu est créature qui ne communie plus.

La personne humaine (qualité d’être irremplaçable et unique) redevient une réalité lorsque commence la vie spirituelle.

La vie spirituelle commence lorsque, cessant de s’emprisonner dans la « matière » du « Moi » opposé aux autres « Moi », la créature humaine s’ouvre en disant : « Toi » à quelqu’un d’autre.

La personne dit « Toi ». Elle dit : « Toi, Seigneur notre Dieu », et retrouve ainsi son contact naturel avec les trois Personnes divines, un seul Dieu, source de tout être et de toute vie. Elle dit « Toi » aux autres hommes, reconnus dans la lumière de la grâce divine comme étant à l’image de Dieu Trinité, retrouvant ainsi l’unité de la nature humaine rompue par le péché.

La personne est dimension de communion.

Communion

La créature humaine est libre. Ce qui lui valut de pouvoir pécher. Ce qui lui vaut, depuis l’Incarnation du Fils, de pouvoir reprendre son contact naturel avec Dieu, Source de tout être et de toute vie.

Retrouver Dieu, c’est redevenir cette « image » qui marche librement vers la « ressemblance » de la divine Trinité.

Or, nous l’avons vu, l’Eglise est la communication de la divine Trinité à la terre. Chacune des personnes humaines reconnaît, dans le Saint Esprit, que le Christ est Fils de Dieu, son Sauveur. Ainsi, toutes ensemble retrouvent leur unité de nature dans le Corps du Christ, c’est à dire l’Eglise, reflet de la Divine Trinité en toutes choses.

Par la communion, l’être humain, personne irremplaçable et unique, et société, retrouve dans la divine Trinité la pleine et entière vérité de sa vie.

« La théologie de l’Eglise orthodoxe est avant tout « une théologie de communion. »

Evêque Kallistos WARE – « L’Orthodoxie« 

« Ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour qu’on voit bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous. »

2 Corinthiens 4, 7

« Entre la Trinité et l’enfer, il n’y a pas d’autre choix. »

Vladimir LOSSKY

« Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d’Orient »

CULTE ET SACREMENTS

POURQUOI UNE RELIGION ? Nous devons admettre que cette question puisse être posée, au XXe s., en Europe occidentale, et qu’elle soit effectivement posée, à nous gens d’Eglise, par quelques-uns de nos interlocuteurs.

En effet, à la fin des temps modernes, le péché d’incompétence et le manque d’intelligence et de cœur de l’Eglise historique ont provoqué l’apparition du laïcisme et le développement actuel de l’incroyance.

D’autre part, chez ceux qui sont restés croyants, règne en ce moment un tout aussi compréhensible désarroi. L’Eglise romaine change la religion et rejette ses intégristes; les confessions protestantes cherchent avec difficulté leur voie nouvelle et un équilibre nouveau. Pullulent chez nous des pseudo-Eglises, ou « petites » Eglises pleines d’évêques douteux et de farfelus. Quant au contexte orthodoxe en Europe occidentale, il est souvent marqué par le sectarisme.

Il est parfaitement compréhensible que des gens honnêtes, mal armés pour discerner ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas, soient scandalisés, passent de l’indignation à la méfiance et de celle-ci au scepticisme général en matière l’Eglise.

Les voies qui mènent à la réintégration des Occidentaux à leur Tradition ancestrale, sont jalonnées de difficultés très lourdes. Elles incluent l’épreuve. Ceux qui reviennent à l’Orthodoxie passent par l’épreuve.

Quelle assurance donner à ces gens à qui l’on ne peut nullement reprocher leur manque d’instruction et leur incompétence à discerner l’authentique et le fantaisiste.

Faire savoir qu’il y a quelque part une Eglise authentique lorsqu’elle se situe par rapport à Dieu, Père et Fils et Saint-Esprit, Trinité, et non plus par rapport à des états d’âme, à des psychologismes, à des constructions sociologiques, à des rêves éveillés.

La religion est nécessaire à l’être humain parce que son trouble, son malheur et sa mort viennent, à l’origine, de sa séparation d’avec la Trinité divine, source vivante de son être et de sa vie.

Raison pourquoi l’Eglise orthodoxe situe les êtres humains par rapport à la Divine Trinité, par rapport au Christ, Dieu incarné, et par rapport aux destinées de la personne humaine et de toute l’humanité. Ce qui est offert, c’est la communion vérité de la vie.

POURQUOI UN CULTE LITURGIQUE ? – Certains disent : « Où aller ?… J’ai ma religion personnelle, et je prie le Seigneur en privé, sans gestes publics. » Cette attitude traduit le désarroi provoqué par les péripéties scandaleuses de l’Eglise historique.

Que signifie le mot LITURGIE ? Œuvre de tous, faite en commun; prière du peuple.

Sans liturgie, la prière humaine s’enferme dans l’homme incomplet, amputé, éloigné de sa plénitude. Nous l’avons vu, on ne peut être « Je » sans être aussi « nous tous ». L’être humain en route vers Dieu n’atteint le port que dans la communion.

L’homme étouffe et dépérit s’il s’enferme dans la subjectivité. La liturgie l’objectivise en rétablissant les vrais rapports entre la personne et la communauté, entre chacun des membres et la totalité du corps.

Il serait également erroné de croire que l’humanité est seule au monde !… Un pèlerin orthodoxe russe a écrit : « Arbres, herbes, oiseaux, terre, air, mer, lumière, tous me disaient qu’ils existaient pour l’homme, qu’ils témoignaient de l’amour de Dieu pour l’homme. Tout priait, tout chantait la gloire de Dieu. »

L’homme n’est pas seul concerné par l’amour de Dieu. Il y a les anges. Il y a le cosmos : animaux, végétaux, minéraux.

La liturgie rétablit les vrais rapports de l’être humain avec les univers invisibles et visibles.

Les anges concélèbrent avec nous. Le sol, l’air et les eaux, et tout ce qu’ils contiennent, reçoivent, de la célébration liturgique, un nouvel élan qui les rétablit dans leur mouvement normal et naturel de tendre vers les énergies incréées de la grâce divine.

Le culte liturgique de la majesté de la Trinité divine rétablit les univers dans leur respiration normale et naturelle.

POURQUOI LES SACREMENTS ?

« Le sacrement est une action sainte en laquelle, sous le signe visible, l’invisible grâce de Dieu est communiquée au croyant. » Confession orthodoxe(concile de Iassy, 1642).

« Les sacrements : voilà la voie que notre Seigneur nous a tracée, la porte qu’Il nous a ouverte. C’est en repassant par cette voie et par cette porte qu’Il revient vers les hommes. »

Nicolas Cabasilas, « La vie en Christ« 

Les sacrements sont les véhicules de notre immortalité.

La grâce – On appelle grâce les énergies divines incréées, la lumière et la force de Dieu.

« Vous recevrez une grande force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. »

Actes, 1, 8

Dieu a tout créé par sa grâce, et par sa grâce Il ramène sa créature libre à la communion, qui est son état normal et naturel.

Le baptême – Sacrement d’entrée dans le Corps du Christ. Sacrement de l’incorporation. Notre nature humaine est récapitulée en Christ par son œuvre de salut. La triple immersion symbolise la descente de notre Sauveur aux enfers, après sa mort croix ; l’émersion, la résurrection de notre nature dans la Résurrection de notre Sauveur qui a vaincu la mort.

Le baptême est notre naissance au jour sans crépuscule, où le Christ est tout en tous.

« L’Esprit de Dieu était porté par les eaux. Le commencement de l’univers, c’est l’eau. Le commencement de l’Evangile, c’est le Jourdain. » Saint Cyrille de Jérusalem, « Catéchèse« .

La créature humaine est baptisée au Nom de la divine Trinité.

« Quiconque est en Christ, est une nouvelle créature. » Saint Jean Chrysostome.

Ainsi, l’image de Dieu est restaurée dans la nature humaine réunie au Christ Dieu et homme.

« Dès que nous sommes baptisés, notre âme purifiée par l’Esprit est plus resplendissante que le soleil ; et non seulement nous contemplons la gloire de Dieu, mais encore nous en recevons l’éclat. » Saint Jean Chrysostome

Le baptême orthodoxe est immédiatement suivi du deuxième sacrement de l’initiation chrétienne : la chrismation.

La chrismation – De même que par le baptême la grâce du Christ rétablit l’unité de la nature humaine en l’incorporant à l’Eglise, Corps de notre Sauveur, de même par la chrismation, la personne irremplaçable et unique reçoit le sceau du don du Saint Esprit : c’est l’initiation personnelle.

Les onctions sont faites avec le Saint Chrême, composé d’huile d’olive et de cinquante-sept baumes précieux, et consacré le Jeudi Saint par le patriarche lui-même. Ainsi l’homme nouveau, membre du Corps du Christ, est-il personnellement rétabli dans sa triple qualité normale et naturelle de prophète, de prêtre et de roi. Le voici détenteur de la responsabilité théologique, laquelle est dans tout le peuple oint (laos, peuple royal) et en chacun de ses membres.

Quand un chrétien baptisé dans une confession hétérodoxe revient à l’Eglise orthodoxe, il est réintégré, après confession de ses péchés et absolution, en recevant le sacrement du Saint Esprit, c’est à dire la chrismation.

La pénitence – Le Christ a dit aux apôtres : « Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » Le pouvoir d’entendre la confession des péchés et de les absoudre, remis aux apôtres, est exercé jusqu’à la fin du monde par leurs successeurs, les évêques, et par les prêtres à qui les évêques remettront ce pouvoir.

C’est le sacrement du pardon.

L’eucharistie – Le baptême incorpore au Christ : il rétablit notre unité de nature dans le Sauveur. La chrismation consacre en nous l’hypostase, l’être irremplaçable et unique, celui que Dieu appelle par son nom. Nous avons aussitôt parlé de la pénitence parce que, si l’on a déjà été baptisé avant de revenir à l’Eglise ortho­doxe, on se libère du poids de ses erreurs et de ses fautes, en confessant ses péchés et en recevant l’absolution, avant de se présenter aux saintes onctions du Chrême. Après le baptême et la chrismation, la communion eucharistique est le troisième sacrement de l’initiation chrétienne.

Le Corps et le Sang du Christ ne sont pas donnés en « récompense », mais en nourriture au chrétien. Ce sacrement est le sacrement central de l’Eglise.

Il exprime et réalise, dès maintenant, la destinée finale de la créature humaine et, en elle, de toute la création.

Le mariage

« L’homme et la femme », enseigne saint Jean Chrysostome, « ne sont pas deux, nais un seul être. »

Il importe ici de rappeler que l’Eglise orthodoxe continue, de nos jours comme aux temps apostoliques, de former, d’une part un clergé monastique, célibataire ; de l’autre, un clergé marié.

Canon 13 du concile in Trullo (691) : « Dans l’Eglise romaine, ceux qui veulent recevoir le diaconat ou la prêtrise promettent de ne plus avoir commerce avec leur femme. Quant à nous, qui observons les canons apostoliques, nous permettons la continuité de la vie conjugale. »

L’ordre – Chacun de nous est rétabli, par l’initiation chrétienne, dans sa triple qualité de prêtre, de prophète et de roi. Le peuple saint, ou laos, ou peuple orthodoxe, est un peuple de prêtres.

Mais certaines fonctions sacrées, que le Christ a confiées aux apôtres et à leurs successeurs, requièrent l’ordination spéciale de quelques-uns : évêque, prêtre, diacre. C’est la prêtrise d’ordre.

Elle seule (épiscopat ou prêtrise) peut exercer le pouvoir de lier et de délier, remis aux apôtres et à leurs successeurs. Elle seule peut, étant déléguée à cette fin par le laos, célébrer la divine Eucharistie au sanctuaire et dispenser les saints sacrements.

Notez ici que le « cléricalisme » n’existe pas dans l’Eglise orthodoxe. L’Eglise n’est pas le clergé seul, mais tout le peuple. Le clergé n’est pas « sur » le peuple mais dans le peuple. De même, l’autorité de l’Eglise ne s’exerce pas « sur » le peuple mais elle est dans le peuple.

L’onction des malades – Saint Jacques 5, 14-18 :

« Quelqu’un parmi vous est-il malade ? qu’il appelle les Anciens, de l’Eglise et « que ceux-ci prient pour lui, l’oignant d’huile au Nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera, et s’il a commis des péché la rémission lui sera accordée. »

En oignant le malade de « l’huile de l’arbre de miséricorde, l’Eglise, qui célèbre ainsi la liberté de Dieu, prie pour la guérison, mais ne la proclame pas.

Les sacrements, en effet, ne sont aucunement des actes magiques. Chacun d’eux est prière, et très particulièrement prière au Saint Esprit, épiclèse, car c’est l’Esprit Saint et non l’homme ordonné évêque ou prêtre, qui réalise le sacrement.

Pourquoi les icônes ? – Et d’abord, pourquoi les Occidentaux de notre temps ne sont-ils pas d’emblée sensibles au culte orthodoxe des icônes.

Ils ont contracté, du Moyen-Âge aux temps postmodernes, l’habitude d’une religion intellectuelle, envahie par le rationalisme et les abstractions, individualiste, une sorte d’humanisme religieux où le monde invisible des anges et le cosmos matériel prennent peu de part. Et, bien sûr, nous ne pouvions aborder le chapitre des icônes sans vous avoir préalablement instruit de la vérité catholique orthodoxe sur la Divine Trinité, l’Incarnation du Fils, la liturgie et les sacrements.

Tout ce qui est créé, est figure, miroir de l’Incréé.

Et donc la matière elle-même, les formes, les couleurs… participent à l’orthodoxie, c’est à dire à la juste glorification de la divine Trinité. La matière, les formes, les couleurs… célèbrent à leur manière, sanctifiée par l’Eglise, 1’Incarnation du Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme.

Septième concile œcuménique, à Nicée, en 787 : « Soit par la contemplation de l’Ecriture, soit par la représentation de l’icône, nous nous souvenons de tous le prototypes et nous sommes introduits auprès d’eux. »

Tout ce que Dieu a créé étant destiné à la transfiguration, les icônes révèlent le visage authentique, immortel et incorruptible, de la création sauvée par le Christ.

Car toute chose ne prend sa vérité pleine et entière qu’en manifestant la gloire de Dieu.

L’Eglise chante au premier dimanche de Carême : « Dans tes saintes icônes, nous contemplons les tabernacles célestes et nous exultons d’une joie sacrée. »

Les icônes nous introduisent sans plus attendre dans la splendeur de la création transfigurée.

Il nous serait difficile d’en dire plus dans cette pré-catéchèse, au sujet des icônes. Leur compréhension requiert qu’on entre de tout son être dans le cœur immense et maternel de l’Eglise. Et qu’on sorte de son « moi » pour entrer dans l’espace infini de la communion.

L’année liturgique et les fêtes – En novembre, avec l’AVENT, commence l’année liturgique. Cette période annonce tout ensemble les deux Avènements du Christ : son Incarnation dans le sein de la Vierge Marie ; son retour glorieux à la fin du monde (parousie).

Elle nous conduit ainsi aux THEOPHANIES :

Nativité, ou Noël – le Verbe se fait chair ;

Epiphanie – l’intelligence humaine, reconnaît que l’Enfant né de la Vierge est le Dieu vivant ;

Théophanie – baptisé par saint Jean Baptiste, le Précurseur, dans les flots du Jourdain, le Sauveur sanctifie les eaux et, par elles, toute la création matérielle, le cosmos.

Le 2 février, la Sainte Rencontre, également appelée Chandeleur. Voyant le Christ enfant, le vieillard Siméon chante « la Lumière qui doit se révéler aux nations. » On bénit les cierges, en cette fête de la lumière.

Commence alors le CARÊME période de 40 jours de pénitence et de purification du cœur. Ce temps liturgique commence, le mercredi des Cendres, par le grand pardon : aucune inimitié ne doit alourdir et enténébrer la communauté dans ses membres. Dite semaine de la Passion, la 6ème semaine du Carême nous fait contempler « la divinité du Christ qui exaspère ses détracteurs, et accélère sa condamnation pour l’accomplissement de son abnégation salutaire. » (Rapport de la Commission liturgique en 1968)

Le dimanche des Rameaux magnifie l’entrée du Seigneur dans Jérusalem, la ville sainte.

Puis vient la SEMAINE SAINTE. « Le Vendredi Saint, à l’heure de la Mort de notre Seigneur, sont célébrés les services de la Crucifixion et de la Vénération de la Croix : les cérémonies commencent par la lecture des trois prophéties. Puis vient le chant de l’Evangile de la Passion par plusieurs exécutants : le diacre chante le texte de l’évangéliste, le célébrant chante les paroles du Christ, et les chantres représentent divers personnages et le peuple. Ensuite ont lieu l’élévation et le dévoilement progressifs de la Croix de l’autel, au chant trois fois répété : « Voici le bois de la Croix sur lequel le Salut du monde est suspendu », auquel le peuple répond : « Venez, adorons-Le ! » (Rapport de la Commission liturgique en 1968)

Pâques – La fête des fêtes exalte la Résurrection du Christ.

« Les Vigiles pascales occidentales présentent la plus grandiose, la plus pathétique symphonie du génie liturgique universel, par leur composition, leurs textes, leurs mélodies, leur ampleur dramatique. Elles sont la mort et la résurrection des baptisés. Le cosmos, en elles, prend part au Mystère : le feu, l’eau, le souffle, le ciel et la terre. Elles sont le rouleau vivant de l’histoire, depuis le chaos jusqu’à l’espérance de la résurrection. Elles enchassent le paradoxe de l’Exultet, où même le péché devient bienheureux car il nous a valu un Rédempteur… » (Commission liturgique en 1968).

Le TEMPS PASCAL nous conduit aux ROGATIONS. Etablie en Gaule au Ve s. par saint Mamert de Vienne, la procession des Rogations, qui se fait le lundi, le mardi et 1e mercredi suivant le dernier dimanche après Pâques, appelle la protection du Seigneur et des saints sur la ville et sur les champs.

On éteint le cierge pascal au jour de l’ASCENSION : à partir de ce moment, c’est invisiblement que le Christ demeurera en nous.

La PENTECÔTE célèbre la descente du Saint Esprit sur chacun des apôtres.

Elle ouvre une nouvelle période liturgique : celle des dimanches APRÈS LA PENTECÔTE.

Le 6 août, la TRANSFIGURATION. « L’Eglise catholique orthodoxe de France a restauré la solennité de la Transfiguration, en ressuscitant en particulier l’usage de la bénédiction des fruits. » (Rapport de la Commission liturgique en 1968).

Le 15 août, la DORMITION. « Pour cette fête…, l’Eglise catholique orthodoxe de France a restauré le rite jérusalémite de l’ensevelissement de la Vierge. »

Le 1er novembre, la FÊTE DE TOUS LES SAINTS.

« En Orient, tous les Saints sont fêtés le premier dimanche après la Pentecôte. Ce choix liturgique glorifie les Saints comme fruits du Saint Esprit et comme témoins de sa constante présence dans l’histoire de l’Eglise. L’Occident voue le premier dimanche après la Pentecôte à la Trinité. Le mystère trinitaire présidera, illuminera les dimanches après la Pentecôte. La fête de tous les Saints (la Toussaint) est fixée dès le VIIème siècle au 1er novembre. Cette fête est suivie, le 2 novembre, par la commémoration des défunts depuis Adam jusqu’à nos jours.

« L’Eglise orthodoxe, bien qu’organiquement traditionnelle, répugne à tout ce qui altère « la liberté glorieuse des enfants de Dieu » achetée par le Sang du Christ. La huitième règle du concile d’Ephèse s’opposa à l’esprit de domination embrumé par la vanité du monde. Elle ne pourra donc jamais accepter l’absolutisme et défendra toujours la liberté des Eglises locales, à l’image des Trois Personnes de la Trinité, distinctes et égales en gloire… »

« … l’Eglise orthodoxe étant l’Eglise vraie du Christ, la continuatrice de l’Eglise indivise, reconnaît la diversité des rites et des coutumes dans l’unité de la foi. » (Rapport de la Commission liturgique en 1968).

LA VIE EN CHRIST

LE MONACHISME – Des monastères, l’évêque Jean de Saint-Denis nous enseigna qu’il: sont « les poumons de l’Eglise. »

Le monachisme orthodoxe N’est PAS une discipline pour acquérir des « mérites » et ainsi « gagner » le ciel.

Le monachisme orthodoxe est un effort d’adaptation pour acquiescer à la grâce divine et réaliser la transformation intérieure par le don de Dieu et la liberté.

Don de Dieu et liberté sont ces « deux ailes » que l’homme possède, une grâce répondant à chaque effort nouveau de sa volonté.

C’est la transfiguration des univers, vécue dès ici-bas.

L’ŒUVRE REDEMPTRICE DU CHRIST

L’œuvre rédemptrice du Christ EST la victoire sur le péché et la mort, remportée par le Sauveur et réalisée sans cesse en nous par la communion avec Lui.

L’orthodoxie enseigne que, ne pouvant être enfoui par le péché, le germe divin n’est pas enlevé à l’homme. Par le Christ, il est retrouvé et, à nouveau, fécondé. En vertu de l’appel divin toujours présent en elle, en vertu de la grâce toujours infuse, l’humanité garde la possibilité de se mettre en route vers la déification.

Bien plus que sur l’inexorable jugement de l’humanité pécheresse, l’orthodoxie voit « en anticipant, la transfiguration des élus, du cosmos entier. » (Saint Jean Damascène « De la foi orthodoxe« )

LES SAINTS

Pendant les sept conciles œcuméniques, il y eut d’abord l’époque christologique.

IIe et IIIe siècles : Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Irénée de Lyon, Clément d’Alexandrie, Cyprien de Carthage.

IVe et Ve siècles : en Occident, Ambroise de Milan, Hilaire de Poitiers. Martin de Tours ; Basile le Grand, Grégoire le Théologien, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome ; à Alexandrie, Athanase le Grand et Cyrille ; en Syrie, Ephrem et Macaire le Grand.

VIe siècle : Grégoire le Grand.

VIIe siècle : Maxime le Confesseur.

VIIIe siècle : Jean Damascène.

Puis vint l’époque pneumatologique. Celle de la glorification trinitaire et de la quête du Saint Esprit.

IXe, Xe et XIe siècles : Photius le Grand, Cyrille le Philosophe, Siméon le Nouveau Théologien.

XIIe et XIIIe siècles : Grégoire le Sinaïte, Grégoire Palamas, Philotée de Constantinople, Alexis de Moscou.

XIVe et XVe siècles : Nicolas Cabasilas, Siméon de Salonique.

XVIe siècle : Nil Sorski.

XVIIe siècle : Dosithée de Jérusalem.

XVIIIe siècle : Nicodème l’Hagiorite.

XIXe siècle : Philarète le Grand, Séraphin de Sarov.

XXe siècle : Jean de Cronstadt, Silouane de l’Athos, Nectaire d’Egine.

Certes, notre liste est loin d’être exhaustive !… Mais elle balise la sainteté de l’Eglise au cours des siècles. Et nous pouvons espérer qu’on inscrira un jour, au catalogue des bienheureux du XXe siècle, Jean de Saint-Denis, qui ressuscita l’antique Eglise orthodoxe d’Occident.

LE RÉVEIL ORTHODOXE EN OCCIDENT

Au XIXe siècle, un prêtre français de l’Eglise romaine, le Père GUETTÉE, réintégra l’Eglise orthodoxe au terme de ses recherches historiques, ecclésiologiques et dogmatiques. Mais la pensée religieuse n’étant pas encore libre, et les Français n’ayant alors de choix qu’entre les confessions romaine et protestante, ce prêtre dût se faire naturaliser russe et il prit le prénom russe de Vladimir. Son œuvre fut étouffée sous la pression de l’influence de Rome. Elle devait ainsi, croyait-on rester sans lendemain.

Au début du XXe siècle, un autre prêtre français, également curé d’une paroisse romaine, suivit pourtant le même chemin. Ce fut notre premier hiérarque, Mgr Louis Charles Irénée WINNAERT (1880-1937). Il écrivit ces lignes :

« Vers la fin du IIIe siècle, un travail de regroupement des Eglises s’était réalisé autour de trois sièges principaux : Rome, Alexandrie, Antioche ; ces trois sièges résumaient en quelque sorte toute l’Eglise. C’est ainsi que nous voyons le concile de Nicée, premier concile œcuménique, dans son 6ème canon, établir la primauté des évêques de ces villes ; on ne disait pas encore patriarche. Ce canon ne fait, d’ailleurs, que constater une situation établie ; il parle des « anciennes coutumes » et, puisque ces coutumes reconnaissent à l’évêque de Rome une fonction de président, de primat pour les évêques d’Italie, on reconnaît les mêmes fonctions à l’évêque d’Alexandrie pour l’Egypte et à celui d’Antioche pour l’Orient.

« Mais l’empereur abandonna Rome et fit de Constantinople son séjour. Le premier concile de Constantinople, deuxième concile œcuménique, en 381, déclara dans son troisième canon : « l’évêque de Constantinople aura les honneurs du rang après l’évêque de Rome parce que Constantinople est la nouvelle Rome. » Et, au concile de Chalcédoine, quatrième concile œcuménique, en 451, le 28ème canon proclama « les prérogatives de l’Eglise de Constantinople, nouvelle Rome,  » en des termes qui montrent l’avis des Pères au sujet de l’origine des pouvoirs des deux grandes Eglises : ces pouvoirs, purement d’ordre ecclésiastique, proviennent, non d’une institution divine, mais de circonstances historiques.

« Un texte de saint Irénée, évêque de Lyon au IIème siècle, confirme d’une part le fait historique qui se trouve à la base de la prééminence du siège romain et montre, d’autre part, ce que devait être une véritable primauté dans l’Eglise : « Toutes les Eglises, c’est à dire les fidèles du monde entier, se rencontrent nécessairement dans cette Eglise de Rome, à cause de sa situation éminente. En elle, la tradition apostolique est conservée par le contact avec les fidèles de tout l’univers. » Nous avons, dans ce texte dont on a essayé de fausser la traduction, l’expression de cette vie unanime de l’Eglise universelle dont Rome, de par sa situation au cœur de l’empire romain, recevait l’écho permanent, devenant ainsi le reflet de la foi des autres communautés chrétiennes. Au lieu de conserver cette mission providentielle, de proclamer la vie intérieure de l’Eglise et ainsi de « confirmer ses frères », l’évêque de Rome a transformé cette primauté d’honneur, due à la situation capitale de l’Empire, en une primauté de droit divin aboutissant à faire du pape le vicaire du Christ.

« Et l’Eglise romaine a complété cette usurpation en affirmant l’infaillibilité personnelle de l’évêque de Rome, infaillibilité que les anciens conciles ne soupçonnaient même pas puisque, notamment, un pape, Honorius, a pu être condamné comme hérétique par le sixième concile œcuménique, condamnation confirmée par les septième et huitième conciles. Remarquons que l’évolution n’est pas encore achevée… »

« C’est de cette déformation profonde de la vie intérieure de l’Eglise que sont nés les abus de tout genre qui peuvent frapper d’une manière visible. Ces abus, pourtant, ne sont que les conséquences de l’état de véritable hérésie, l’hérésie de domination et du pouvoir personnel qui a pénétré l’Eglise romaine. Par la grandeur de son passé, par la richesse de son expérience spirituelle, elle devait être la sœur aînée, la première parmi les égales, la présidente de la charité, suivant la merveilleuse expression ancienne ; l’orgueil romain en a fait la mère et la maîtresse de toutes les Eglises ! … Mgr Winnaert 1936 « Pourquoi nous ne sommes pas catho­liques romains » (extraits) n° 4-5 de la revue « L’Unité spirituelle« .

En 1937, Eugraph KOVALEVSKY, ordonné prêtre, célébra les obsèques de Mgr Irénée WINNAERT récemment reçu au sein de l’Eglise orthodoxe avec sa communauté française Il écrivit en 1956 :

« Quelle est l’attitude de l’Eglise orthodoxe en face des deux courants animés par l’esprit de Pierre (courant romain) et de Paul (courant protestant) ?

« Elle accepte la place prépondérante de Pierre et de ses successeurs, elle accepte la grandeur de la mission historique du protestantisme; elle reconnaît dans sa propre histoire des courants d’esprit protestant et d’esprit romain, mais elle nie l’esprit d’exclusivité, de prépondérance de quelqu’esprit que ce soit, Paul, Jacques, Jean, Pierre ou Elie, dans l’Eglise. L’unique esprit qui doit prédominer, vérifier, être le critérium de l’Orthodoxie, c’est l’Esprit du Christ, le Saint Esprit qui descend du Père et qui vit dans l’Eglise ; Celui qui souffla à l’Eglise antique, prévoyant en quelque sorte les dangers historiques, de fêter universellement la solennité, non de Pierre ou de Paul séparément, mais des deux ensemble ! Remarquons que la fête de la Chaire du prince des apôtres fut et reste toujours une fête de l’Eglise de Rome, du patriarcat romain, une fête locale.

« L’Orthodoxie ! Ce sont les onze Apôtres regardant avec anxiété Pierre sortir d’un élan de la barque – sortir de l’Eglise orthodoxe – à la rencontre du Christ. Il marche, il plane au-dessus du monde (politique, culture, pensée, science) et tout à coup faiblit et s’enfonce dans les eaux.

« Le Christ sauvera l’Eglise de Rome, Il la prendra par la main et la guidera jusqu’à la barque où demeurent les autres Apôtres.

« L’Orthodoxie, c’est l’Eglise traditionnelle des Douze qui attendent que Saül converti aille recevoir l’imposition des mains de l’apôtre Ananie et entre en communion avec les autres disciples.

« Il y eut beaucoup de malentendus, relatés dans l’Ecriture, entre Pierre et Paul. Que chacun défende sa position, son point de vue dans la liberté, mais c’est au concile de Jérusalem, au « Saint Esprit et à nous », à l’Eglise totale, qu’appartient la définition dernière de leur malentendu.

« Relisons les Actes des Apôtres où est dépeint le premier concile de l’Eglise, et nous revivrons cet esprit simple, large, libre, catholique et orthodoxe. »

(Jean de Saint-Denis, encore Père Eugraph, « La place des Apôtres Pierre et Paul la Tradition« , (extrait), dans les « Cahiers Saint-Irénée« , année 1956.

Puis nous le savons, en 1964 le Père Eugraph KOVALEVSKY devint l’évêque Jean de Saint-Denis et il naquit au ciel en 1970, laissant derrière lui l’Eglise orthodoxe des Français.

LE CLIMAT ORTHODOXE

La lettre et l’Esprit – Dans l’Eglise orthodoxe, la vie l’emporte sur la règle (des dogmes, mais pas de dogmatisme) ; la grâce, sur la loi ; l’esprit, sur les formes ; la liberté, sur l’autorité ; la qualité, sur la quantité ; l’inspiration, sur l’ordre extérieur.

Équilibre dans la foi – Un orthodoxe sait qu’on n’atteint pas la vie spirituelle en négligeant la qualité du dogme, qu’on n’atteint pas la grâce en se passant de la loi, qu’on n’est pas spirituel en refusant de préciser les formes ; que la liberté ne vient pas par le rejet de l’autorité et qu’on ne parvient pas à s’épanouir en échappant à l’ordre.

Oui certes, l’Eglise administrative doit savoir s’effacer pour que resplendisse l’Eglise intérieure. Mais la réalité de cette dernière n’infirme en rien la nécessité de l’Eglise administrative.

Equilibre de la vie spirituelle – Ce n’est pas, tantôt « rien que Dieu », et tantôt « rien que l’homme ». En l’Eglise, Corps du Christ, nous vivons l’union des deux natures, la nature divine et la nature humaine.

Le but de notre vie est la déification par la grâce.

Mais nous sommes des créatures libres. Dieu Lui-même ne S’impose pas. Il prie l’homme d’accepter d’être sauvé librement, avant que l’homme ne Le prie de venir à son secours.

Dans notre déification, Dieu est le principe actif. L’homme le principe réceptif.

Réceptif ne signifie nullement passif.

La déification postule le consentement libre de l’homme.

« Si le mystère de la création du monde est d’une inconcevable grandeur, celui de la création de dieux éternels est infiniment plus majestueux. Si toute la vie qui nous entoure est un frappant miracle, le miracle divin qui s’accomplit dans l’homme et l’introduit dans le Royaume de la Lumière incréée, est incomparablement plus saisissant encore. »

archimandrite SOPHRONY « Starets Silouane« , 1952

THÈSE ROMAINE ET TRADITION ORTHODOXE

Ce chapitre est écrit en raison du prix que les orthodoxes attachent au trésor que représente pour eux l’Orthodoxie retrouvée après un sommeil spirituel de presque mille ans.

Le « filioque » – Après ce qui vient d’être enseigné dans cette précatéchèse, ne serait-il pas superflu de démontrer une fois encore qu’en changeant quoi que ce soit au contenu de la foi, on altère la vie spirituelle des chrétiens, la vie de l’Eglise et la vie tout court ?

Mais longtemps encore, nous entendrons dire, autour de nous, que le problème du « filioque » ne pèse que le poids léger… indigne de considération attentive… d’une « vieille querelle de mots ».

Argument que nous ne devons jamais laisser passer. Puisqu’il ne signe pas autre chose qu’une affligeante ignorance.

En 589, au concile de Tolède, assemblée de l’Eglise espagnole, il fut prononcé pour la première fois que le Saint Esprit procédait « du Père ET DU FILS » (en latin: « ex Patre Filioque procedit »).

C’était une addition inadmissible au symbole de la foi, et une hérésie.

Beaucoup plus tard, après une longue résistance des évêques de Rome à cette formule (qui, entre temps, avait eu les faveurs de Charlemagne), cela devint l’hérésie de l’Eglise romaine. On le vit au concile de Lyon qui, en 1274, fit cette définition : « Le Saint Esprit procède éternellement du Père et du Fils non comme de deux Principes, mais comme d’un seul Principe, non par deux spirations, mais par une seule spiration. »

Cette formule dogmatique affirme qu’il n’y aurait qu’un seul courant de grâce dans l’Eglise : celui du Christ ; et que ce courant de grâce serait le Saint Esprit (« Esprit du Christ »).

L’Orthodoxie, restant fidèle à la foi catholique inaltérée, enseigne au contraire qu’il existe deux courants de grâce :

la grâce du Fils, nécessaire pour notre salut, qui rétablit l’unité de la nature humaine ;

la grâce du Saint Esprit qui, lorsque la grâce du Fils a été librement acceptée, transforme notre vie personnelle.

Le Père envoie le Fils qui nous apporte le salut. Pour être sauvés, il faut un acte de libre acceptation. Ayant librement accepté la possibilité du salut et la plénitude de la Vérité qui nous viennent du Christ, nous nous élevons vers le Père par le Saint Esprit.

Christ : chef invisible et céleste de l’Eglise. La nature humaine est rétablie, de nouveau « une » dans le Corps du Christ.

Saint Esprit : le pilote de l’Eglise, qui garde ce que le Fils a transmis. Chacune des personnes humaines est sanctifiée, déifiée, dans le courant de grâce du Saint Esprit.

Ainsi est pleinement sauvegardée :

– la vie personnelle, irremplaçable et unique, de chacun des membres de l’Eglise, qui font « un » dans le Corps du Christ.

– et de même, la personnalité irremplaçable et unique de chacune des Eglises locales.

Le « filioque » écrase l’homme personnel sous le poids de ce qui est collectif. Il anéantit la liberté et l’originalité des Eglises locales, sous le poids du centralisme.

En refusant cette hérésie, l’Eglise orthodoxe maintient, d’une part la pureté de la foi transmise, car on n’ajoute ni ne retranche quoi que ce soit des décisions dogmatiques des saints conciles œcuméniques ; d’autre part, le principe d’unité dans la diversité.

La grâce du Saint Esprit appartient à l’Eglise tout entière en vertu du sacrement de Chrismation. Elle ne peut être attribuée à un chef visible qui se prétendrait « vicaire du Christ ».

Saint Irénée de Lyon : « Le Fils et l’Esprit sont les deux bras du Père ».

Tel est l’enseignement orthodoxe, qui sauvegarde la rectitude de la vie des chrétiens dans la Tradition inaltérée.

Liberté et épiclèse – Aussi nombreuses que funestes furent les conséquences du « filioque » dans la vie spirituelle des chrétiens d’Occident.

Car, dans les logiques de cette hérésie, disparaissent : la liberté, la personnalité de chaque chrétien ; la liberté, la personnalité de chaque Eglise locale ; et à ces dommages s’ajoute celui d’une corruption grave de la liturgie eucharistique.

Remplaçant le sacrement de chrismation, la « confirmation » romaine se donne longtemps après le baptême, vidée de sa valeur primitive autant que de sa signification exacte, qui est de faire un membre irremplaçable et unique du peuple royal.

Le contexte romain, filioquiste, a produit une Eglise « enseignante » (le clergé qui serait seul compétent en matière de foi) et une Eglise « enseignée » (les fidèles qui seraient théologiquement incompétents alors qu’en vérité la grâce du Saint Esprit fait de tout chrétien, clerc ou laïc, homme ou femme, un responsable à part entière de la foi et de la vie de l’Eglise.

Cette même hérésie du « filioque » a longtemps dénaturé la liturgie eucharistique, ou messe romaine, en annulant la prière au Saint Esprit, ou EPICLESE, amputant de ce fait la liturgie eucharistique de l’élément fondamental à toute célébration des saints mystères.

Que tout lecteur de premier contact, issu du catholicisme romain, fasse, ici, un effort d’attention. Il ne s’agit pas, dans notre propos, du problème liturgique tel qu’il se pose, depuis Vatican II, en milieu romain ; il ne s’agit pas des modifications liturgiques survenues après ce concile ; il s’agit du problème de l’épiclèse, prière essentielle, qui était absente purement et simplement dans l’ancienne messe romaine (celle de Pie V), et qui, dans le nouveau rituel, se trouve à une place qui n’est pas la sienne (avant les paroles de l’Institution, « Ceci est mon Corps.. ceci est mon Sang… », au lieu d’être après.

En effet, depuis les apôtres, l’Eglise catholique orthodoxe considère que ce ne sont pas les paroles du prêtre célébrant (« … ceci est mon Corps… ceci est mon Sang… ») qui opèrent par elles-mêmes la transformation des Saints Dons : pain et vin mêlé d’eau.

La Tradition orthodoxe enseigne que c’est le Saint Esprit, invoqué par une prière appelée EPICLÈSE, qui transforme Lui-même le pain en Corps et le vin mêlé d’eau en Sang, après (et non avant) ces paroles du prêtre célébrant.

Depuis le « filioque », et en conséquence de l’amoindrissement du rôle de l’Esprit Saint que suggère cette formule hérétique, l’Eglise romaine s’éloigna gravement de la tradition eucharistique de l’Eglise catholique en faisant dépendre des seules paroles du prêtre la transformation (abusivement appelée : « transsubstantiation ») des Saints Dons.

On réintègre l’Orthodoxie originelle en retrouvant la nature EPICLÉTIQUE de toute célébration liturgique et de tout sacrement.

La communion : Corps et Sang – De plus, le fait de donner la communion aux fidèles sous la seule espèce du Corps altère aussi le sacrement central de la vie du chrétien.

Pour un orthodoxe, il va de soit que le corps ne se sépare du sang que pour définir l’état de mort. Un corps sans le sang n’est plus… qu’un cadavre.

Tout fidèle orthodoxe communie au Christ total, c’est à dire au Corps et au Sang.

L’ecclésiologie – Qu’on se reporte à nos premières pages.

L’Eglise de Rome est hérétique (« filioque », papisme, etc. sont des hérésies), et schismatique (puisqu’en 1054 elle s’est séparée des autres patriarcats qui formaient avec elle l’Eglise indivise).

Une question se pose : est-elle encore l’Eglise ?

Nous pensons que l’Eglise romaine est encore l’Eglise, parce qu’elle sut conserver d’inestimables éléments du trésor spirituel de l’Eglise indivise :

la succession apostolique et le sacerdoce – ses évêques sont évêques, ses prêtres sont prêtres ;

la sainteté des Saints – en elle, l’action déifiante du Saint Esprit a produit des bienheureux d’une merveilleuse charité ;

une ardente charité missionnaire – ses missions, souvent honorées du martyre, ont évangélisé toutes les régions de la terre.

Après le schisme, en effet, François d’Assise, le roi Louis IX, Jeanne d’Arc, Vincent de Paul, Jean-Marie Vianney et bien d’autres, furent des saints authentiques.

L’Eglise de Rome conserva maintes richesses de l’antique liturgie des Gaules, ainsi que l’année liturgique, le temporal et le sanctoral, avec la période de l’Avent que l’Eglise orthodoxe d’Occident avait instituée.

La vitalité et la sainteté du monachisme montrent aussi à quel point l’Eglise de Rome est restée l’Eglise.

Ses règles et offices monastiques, notamment ceux découlant de saint Benoît de Nursie, restèrent à l’abri des altérations. De par la profondeur doxologique de leur prière et de leurs diverses observances spirituelles, bénédictins, cisterciens chartreux, carmes, etc. sont restés proches de l’orthodoxie : ils demeurent de fidèles et admirables témoins de la tradition monastique de l’Eglise indivise.

Regard équitable – Hérésie et schisme sont des malheurs. Notre mission orthodoxe occidentale ne cherche point à les minimiser !…

Mais cette vigilance doit cohabiter avec un sens profond de la justice.

Pendant plus de mille ans, il y eut plus de patriarches hérétiques en Orient que d’évêques hérétiques à Rome. Nous avons vu combien la notion d’orthodoxie, la qualité orthodoxe n’étaient ni ne sont liées au christianisme oriental. Par exemple il n’y eut jamais aucune école monophysite en Occident. Saint Léon le Grand et sain Grégoire le Grand furent des évêques de Rome orthodoxes.

Quant au schisme lui-même, il eut aussi des causes historiques, psychologiques, voire politiques, où la sainteté prit une part scandaleusement insuffisante – d’un côté comme de l’autre ! Face au cardinal Humbert, qui manquait de souplesse, le patriarche byzantin Michel Kerullarios manqua d’intelligence et de cœur. Les orthodoxes ne sauraient chevaucher son injuste mépris des Latins. Si l’Occident avait su abdiquer ses revendications nouvelles et l’Orient son orgueil figé, un dialogue fraternel eût sans doute été possible : tous auraient amoureusement gardé la foi des premiers temps ; nous communierions aujourd’hui avec nos frères de la grande Eglise de Rome que loua saint Irénée de Lyon, Père orthodoxe.

IL IMPORTE DONC QUE LES TERMES D’HÉRÉTIQUE ET DE SCHISMATIQUE NE NOUS INCLINENT PAS VERS DES SENTIMENTS CONTRAIRES À LA CHARITÉ. Car, au-dessus de notre péché à tous, le rassemblement au Nom du Christ fait de nous tous des enfants de Dieu et par conséquent des frères.

C’est pourquoi, aimant en tous baptisés l’image de Dieu restaurée par le Christ et nous reportant aux premières pages de ce texte, rappelons clairement les prin­cipes de l’ECCLÉSIOLOGIE ORTHODOXE :

1 – Il n’existe pas de « pape », évêque chef des évêques, dans l’Eglise fidèle au Christ et aux apôtres.

– L’évêque de Rome n’est pas plus qu’un autre (et celui d’Antioche aurait pu le revendiquer avant lui) le « successeur de Pierre ». Il succède à saint Linus, premier évêque de Rome.

– Aucun évêque ne succède à un seul apôtre, mais à tous les apôtres. Une chose fut l’apostolat des Douze, autre chose l’épiscopat, succession des apôtres à la tête des Eglises locales.

– Pierre lui-même ne se tint jamais pour le « chef » des apôtres :

tout chrétien, prêtre ou laïc, homme ou femme, est successeur de Pierre quand il confesse, ainsi que Simon-Pierre l’a fait le premier, « le Christ, Fils du Dieu Vivant. »

– Le siège romain ne reçut le premier rang d’honneur, et celui de Constantinople le second, qu’en raison de l’importance politique de ces deux capitales.

2 – Même en se prononçant « ex cathedra » sur des matières de foi, aucun évêque, fût-il le pape de Rome, ne saurait être tenu pour infaillible.

3 – L’Eglise universelle (au sens géographique de l’oïkouménè) se compose d’Eglises locales. Le mariage de l’évêque avec un peuple (les hommes et la nation qu’ils forment, le sol, etc.) constitue l’Eglise locale.

UNITÉ DANS LA DIVERSITÉ

CONCORDE ET HARMONIE

L’ÉGLISE EST CONCILIAIRE

Le péché et la grâce

Eglise romaine et péché originel

Eglise orthodoxe et péché originel

Une désobéissance d’Adam et Eve à une interdiction donnée par Dieu. Elle entraîne pour nos premiers parents et pour nous la perte de la vie « surnaturelle ».

Cela souligne que, pour nos frères romains, la grâce serait « quelque chose » que Dieu aurait ajouté à la nature de l’homme. Et qu’Il aurait retirée.

Grâce = don créé, surnaturel.

L’Eglise romaine maximalise le caractère de désobéissance,

et introduit le retrait de dons (sur-naturels) surajoutés.

Le péché originel n’est plus présenté par rapport à la vie (thèse orthodoxe), mais par rapport à une règle à laquelle il fallait obéir.

L’acte libre et volontaire de dés-obéissance consiste en ce que l’homme se détourna de Dieu (arbre de Vie = connaissance de Dieu) pour se fonder sur lui-même. Non pas avec Dieu, mais comme si lui, homme, était « comme Dieu » (arbre de la connaissance du bien et du mal = l’homme enfermé dans son plan).

Grâce = lumière incréée.

Le péché originel fut : un acte d’orgueil (= « être comme Dieu » et vouloir s’enfermer dans son propre plan) ; une désobéissance aux lois mêmes de la vie (qui sont les commandements de Dieu) ; une absence de repentir, en présence des conséquences de l’acte.

C’est à sa propre vie que l’homme porte atteinte en péchant.

NATURE HUMAINE, THÈSE ROMAINE

NATURE HUMAINE, TRADITION ORTHODOXE

« Adam, par sa désobéissance, a perdu pour lui et ses descendants tous les bienfaits de son élévation à l’ordre surnaturel. Il a ainsi introduit le désordre dans l’humanité…

« Actuellement, l’homme, dès sa naissance, se trouve éloigné de Dieu, enfant de colère par nature, esclave du péché, mort par le péché, livré à celui qui avait l’empire de la mort, le démon. Plus de justice surnaturelle en lui, plus d’amitié de Dieu ; il n’est que ténèbres, il a l’intelligence obscurcie, il est soumis à la concupiscence, fille et source du péché ; il n’opère pas le bien qu’il veut, il fait le mal qu’il déteste, à cause du péché qui est en lui ; il sent dans ses membres une autre loi qui lutte contre la loi de sa raison et qui le rend captif de la loi du péché qui est dans ses membres. Il est donc réduit à un état misérable, d’où il ne peut sortir par lui-même. »

« Le catéchisme romain » 1908 tome 3, 2.

La nature humaine fut créée bonne en elle-même, et l’homme est naturellement bon et incliné vers le bien. L’image de Dieu est demeurée dans l’homme pécheur, a qui aucune « vie surnaturelle » ne fut ôtée, pour la raison simple que cette « surnature » n’existe pas, la grâce étant naturelle à l’homme.

Cette nature a été troublée, perturbée, blessée, soumise à l’expérience de la mort, par le péché originel. Devenaient donc indispensables : une transformation de cette nature (qui avait cessé d’être « une ») et un retour libre et volontaire de la personne humaine vers Dieu. Cette transfor-mation de la nature et ce retour libre et volontaire de la personne désignent les deux courants de la grâce la grâce du Christ, la grâce du Saint Esprit – ces « deux bras du Père », selon l’expression de saint Irénée.

Le péché réside, non pas dans la chair de l’homme, mais aux profondeurs de sa nature métaphysique. Et c’est un mal de l’esprit humain qui a introduit le désordre et la mort dans l’humanité et dans le cosmos, faisant apparaître l’espace-temps de la mort, le monde historique ou monde du péché.

Partant de là, commencent les divergences
au sujet de notre Rédemption par le Christ

La Rédemption

THÉSE ROMAINE

TRADITION ORTHODOXE

Certains péchés seraient « mortels », privant le coupable de la grâce sanctifiante jusqu’à la prochaine absolution ou jusqu’ à l’enfer éternel si la mort s’ensuit sans confession ni contrition; tandis que d’autres ne seraient que « véniels » et devraient être purgés en « purgatoire ».

La Rédemption par le Christ consisterait en un rachat juridique aboutissant à une création nouvelle : la vie « surnaturelle » nous aurait été accordée gratuitement par Dieu à cause des « mérites » de Jésus Christ qui aurait racheté les hommes par ses souffrances et sa mort, et aurait « mérité » le pardon de leurs péchés et les grâces nécessaires pour qu’ils puissent se sauver. Rome ajoute que la mort du Christ sur la Croix n’était pas nécessaire pour nous sauver; mais le Seigneur aurait voulu souffrir et mourir pour offrir au Père « un sacrifice parfait ».

Il nous est impossible de savoir si une faute est en elle-même « mortelle » ou « vénielle », tout péché étant une descente vers mort et néant. Péché = production de la mort. Il est plus important de connaître son péché que de ressusciter de morts. Le repentir, c’est voir l’écran que le péché a tissé entre l’homme et son Dieu. Or Dieu veut le salut de tous et il ne dépend que de l’homme de répondre à l’appel divin.

Jamais l’Eglise n’admit l’existence, étrangère à sa tradition, d’un « purgatoire » quelconque. Le problème du péché n’est nullement un problème de peines à subir, éternellement ou temporairement, plus ou moins longtemps. Car la justice de Dieu n’est pas la colère divine : elle consiste en ce que Dieu accorde à chacun ce qu’il a désiré. Tout dépend de la direction que l’homme imprime à sa vie : il choisira la vie en choisissant Dieu, la mort en choisissant la séparation d’avec Dieu, c’est à dire le péché.

La Rédemption consiste en notre libération de la mort par le Christ qui, par sa mort, est vainqueur de la mort.

Elle est une restauration de la nature humaine – en ce sens, il s’agit bien d’une « nouvelle création » – un retour de l’homme vers Dieu par la sainte Croix, et la Résurrection du Sauveur.

Mais le salut n’était absolument pas concevable sans la destruction de la mort et de la damnation, le Christ allant nous arracher du néant en allant Lui-même jusqu’à la mort, et sans la transformation de la nature humaine dans la Résurrection glorieuse, car nous sommes tous ressuscités en Christ.

C’est pour que la nature humaine devienne
dieu (déification) en toute liberté et par
la grâce, que Dieu s’est fait Homme et est
allé jusqu’à notre expérience de la mort,.
nous ressuscitant dans sa Résurrection.

La Mère de Dieu

THÈSE ROMAINE

TRADITION ORTHODOXE

Dix-neuf siècles après les saints apôtres, Rome a inventé le « dogme » de l’Immaculée Conception ».

Selon cette théorie, la Mère de Dieu serait née hors du péché originel, imparti à toute la nature humaine et dont elle aurait été exemptée.

La Mère do Dieu ne pouvait pas, tout ensemble, être exemptée du péché originel et répondre « oui », en notre nom à tous et librement, à l’Ange de l’Annonciation. Or, Marie accepta de devenir la Mère du Sauveur. Librement, en notre nom à tous.

Parce qu’elle était née comme nous, sans aucune exemption spéciale.

Eve fut ensemencée par la parole diabolique, qu’elle avait reçue librement et virginalement, ouvrant ainsi la mort.

Marie fut ensemencée par le Saint Esprit, qu’ elle reçut librement et virginalement, rouvrant ainsi l’humanité à la vie.

Marie la Vierge, Mère de Dieu, est la Nouvelle Eve. Et Jésus Christ, notre Sauveur, le Nouvel Adam.

Nature humaine et vie spirituelle

THÈSE ROMAINE

TRADITION ORTHODOXE

Le catéchisme romain définit l’homme comme « composé d’une âme et d’un corps ». Il enferme ainsi l’être humain dans un dualisme de contraires.

L’homme est corps, âme, esprit ; non pa. deux éléments, mais trois. Car l’homme est avant tout une icône vivante, image de Dieu qui est Trinité.

Quand la vie prétendue intérieure s’arrête au niveau de l’âme psychique, elle se corrompt dans l’univers trouble et passionnel des reflets du monde extérieur. La piété psychique ne doit jamais être prise pour la vie spirituelle.

TRADITION ORTHODOXE (suite)

L’imagination est le véhicule de l’énergie démoniaque, quand elle se complaît en elle-même sans vouloir dépasser son objet créé pour chercher Dieu dans une prière sans images.

Le chrétien orthodoxe, en s’ouvrant à Dieu et au prochain, en disant « toi » et non plus « moi », s’intériorise dans la mesure même où il devient un homme liturgique et communiant. Dans la communion, vie divine au cœur de la personne aussi bien qu’au cœur de la communauté, il apparaît que l’autorité est dans le peuple et non point au-dessus de lui et extérieure.

Ici, recueillons pieusement, pour notre intelligence de la vie spirituelle, cet enseignement de l’archimandrite SOPHRONY, témoin et disciple de saint SILOUANE du Mont Athos (XXème siècle).

« L’homme creuse la terre avec l’acier pour en extraire le pétrole et parvient à son but. L’homme sonde les cieux par son intelligence pour ravir le feu divin, mais Dieu le répudie à cause de son orgueil.

« Les contemplations divines sont accordées à l’homme, non point quand il s’efforce à les rechercher par lui-même, mais lorsque l’âme descend dans l’enfer de la pénitence et réalise qu’elle se trouve au-dessous de toute créature. Quant aux contemplations résultant d’une certaine contrainte imposée à l’intelligence, elles ne sont pas véritables, mais apparentes. Quand ces prétendues contemplations sont prises pour authentiques, il se produit dans l’âme un état qui empêche la possibilité même d’une intervention de la grâce et, par conséquent, de la vraie contemplation.

« La contemplation donnée par la grâce révèle des réalités qui surpassent en richesse l’imagination la plus féconde, comme l’a dit saint Paul : « Ce sont les choses que l’œil n’a pas vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme. » (I Cor 2, 9). Lorsque, pareil aux Apôtres, l’homme est surélevé par la grâce jusqu’à la vision de la Lumière éternelle, il ne se livre pas ensuite à la théologie spéculative, mais il « raconte » ce qu’il a vu et entendu. La théologie véritable n’est pas conjoncture, postulat, déduction ni résultat des recherches quelconques, mais le récit de la réalité à laquelle l’homme a eu accès sous l’action du Saint Esprit. Tantôt la parole coule de source, tantôt l’on a peine à trouver les notions et les expressions aptes à communiquer ce qui est au-dessus de tout concept et image terrestre. Cependant, en dépit de ces difficultés et de la diversité inévitable des traductions en termes humains, celui qui a connu saura reconnaître et distinguer, quel que soit son revêtement verbal, une contemplation véritable d’une perspective, fut-elle géniale, issue de la seule intelligence. »

L’ambiance existentielle

Nous appellerons « ambiance existentielle » tout simplement le climat intellectuel affectif, social dans lequel se trouve un être humain évoluant dans un milieu donné. Commençons par dire que l’ambiance chrétienne diffère des ambiances juive, musulmane, bouddhiste : le bouddhiste vit une imprégnation divine assez diffuse, en se sentant le frère intime des animaux, des plantes, des pierres, etc. ; le musulman, sensible à la grandeur majestueuse du Dieu unique, vit une sorte de geste chevaleresque dans un univers resté semblable au désert d’Arabie peuplé de nomades qui étaient guerriers et poètes ; le juif vit encore dans l’attente du Messie promis au peuple élu, et il considère que les justes, souvent inconnus de leurs proches, soutiennent le monde à la manière de puissantes et saintes colonnes…

Le chrétien confesse le Christ, Fils du Dieu

Vivant, qui récapitule en Lui toutes choses.

Mais le chrétien sait que le Messie est venu ; il l’appelle par son Nom : Notre Seigneur Jésus Christ. Il confesse le Seigneur dans la Trinité. Tout ce qu’il voit, entend, touche… est une parole du Christ à la gloire du Père, perçue dans le Saint Esprit.

La vie du chrétien, c’est l’Evangile dans l’attente de la Parousie.

AMBIANCE ROMAINE

AMBIANCE ORTHODOXE

– On porte l’accent sur les souffrances du Christ en Croix. D’où : crucifix, chemins de croix, etc.

Exaltation de la douleur purificatrice. On ressent une certaine culpabilité dans le joyeux exercice de la vie corporelle.

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– On dissocie la sainte humanité du Christ : culte des saintes plaies, culte du Sacré Cœur…

On voit le Christ exposant sa douleur, comme un reproche adressé à l’homme pécheur ; on met l’accent sur le péché qui coupe le courant de la grâce sanctifiante.

– Culte souligné du Très Saint Sacrement. L’Hostie adorée est, comme dans la communion des fidèles, séparée du Calice. Enfermée dans le « tabernacle », la divine Hostie est séparée du mouvement de l’histoire humaine.

– Idée juridique de la pénitence. Jugement, tribunal, expiation. C’est avec ces idées de souffrance expiatoire et de « mérites » acquis pour le salut qu’on se restreint pendant le Carême et qu’on récite des prières, sur l’ordre du prêtre, après la confession des péchés.

On se confesse au prêtre en se tenant pour coupable et en identifiant soi-même sa culpabilité. Autrement dit, on s’accuse et se juge soi-même comme devant un tribunal, en raison d’un code préalable estimant que telle faute est, en soi, « plus grave » qu’une autre.

– Deux extrêmes.

Ou bien : « on fait son salut » (« je n’ai rien qu’une âme et je dois la sauver », dit un cantique romain). Ainsi le chrétien sauve son âme, le prêtre dit sa messe : on espère ainsi accumuler des « mérites ».

Ou bien, comme aujourd’hui : on se lance à corps et âme perdus dans le social, voire dans la révolution et la lutte des classes… Et la vie intérieure devient « un luxe pour les riches. »

Pâques est au centre de tout. Vainqueur de la mort, le Seigneur est libérateur bien plus que souffrant.

Les icônes nous font contempler la joie paisible du monde transfiguré. Le corps participe au culte doxologique.

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Le Christ n’est pas divisé : on le voit dans toute sa gloire; Il est le Pantocrator Christ en majesté. Mais l’homme dont il s’agit chez les orthodoxes, c’est l’homme ressuscité avec le Christ, déjà réintroduit dans la lumière joyeuse de sa gloire.

Nous l’avons vu, pour les orthodoxes, le Corps ne peut jamais être séparé du Sang. Le Christ est engagé dans l’étoffe de l’histoire. Son « tabernacle », c’est l’évènement quotidien. La vie dans sa totalité.

La pénitence est un acte positif, consistant à voir plus clair en soi et à s’élever jusqu’à l’intelligence du repentir. En voyant son péché, écran entre elle-même et Dieu, la créature pleure des larmes où se mêlent une immense humilité du cœur et la joie à la pensée de ce que Dieu fait pour nous. Le jeûne du Carême (aucune nourriture animale) a pour but de nous rapprocher de l’état paradisiaque, où l’homme vivait en amitié avec toutes les créatures de Dieu. On se confesse au prêtre pour la libération de son âme, comme on se confie au médecin pour la guérison de son corps. La pénitence est une thérapeutique de l’âme.

Un chrétien ne saurait se sauver seul. Il ne fera pas son salut si cette préoccupation de « sauver son âme » l’incline à l’égoïsme. La vie spirituelle commence par l’ouverture aux autres; la liturgie « objectivise » :

elle fait sortir du « moi ». On réalise son salut en disant « toi » à quelqu’un d’autre.

Cela étant, les orthodoxes, comme tels, se gardent bien de déserter la vie spirituelle et le culte pour se livrer à des exercices d’extériorité militante dont les idéologies les plus étrangères à l’Eglise tissent le thème.

Enfin, chez les orthodoxes, qui ont un clergé marié, la virginité ne consiste pas en une condamnation, accompagnée de répugnance, de l’acte sexuel. Mais en l’acquisition, par la grâce du Saint Esprit, d’un état de transparence à Dieu, cet état cohabitant parfaitement avec le mariage et des activités professionnelles dans le siècle.

La virginité n’est pas un bien qui se « conserve » avec des craintes, des méfiances, des refoulements, un repli sur soi. Elle est un trésor qui s’acquiert avec la charité, un esprit d’ouverture aux autres, la sainte habitude de toujours dire « toi » et non pas « moi ». Léon BLOY avait une conscience orthodoxe quand il écrivit : « la main fermée, c’est la mort ! »

ÉPILOGUE

1 – L’ÉGLISE – Etant l’Eglise Mère de toutes les confessions chrétiennes, l’Eglise orthodoxe est seule pleinement légitime en tous lieux de la terre. Seul, l’évêque orthodoxe d’un lieu est l’évêque pleinement légitime de ce lieu. Elle est l’Eglise catholique. Il est l’évêque catholique.

Cela étant, nul homme intelligent ne peut tenir pour nul ce qui résulte de la suite des drames historiques dans le monde du péché. Que notre charité assume le passé de notre peuple.

Les évêques et prêtres romains restent authentiques évêques et prêtres. Qu’ils aient notre respect et notre amour fraternel.

L’Eglise est mystère de grâce, et non phénomène juridique.

2 – LIBERTÉ – L’Eglise existe pour le salut des hommes concrets, non pour une apothéose des abstractions.

Il y a abstraction chaque fois qu’une vérité se trouve séparée de la vie. Alors, il arrive que la vérité elle-même peut, en raison des réalités de l’existence, faire du mal et non du bien. Dieu ne s’impose jamais à l’homme qu’Il a créé libre. La vérité plénière, celle de l’Eglise orthodoxe, pas davantage.

Toute mission orthodoxe s’incline avec amour et respect devant la liberté de chacun et de tous.

On ne devient orthodoxe qu’en pleine et entière connaissance de cause. Librement.

3 – MOTIFS – Ce n’est pas parce qu’on ne s’entend plus avec son curé ou les membres de sa paroisse romaine, qu’on devient orthodoxe.

La paroisse romaine peut avoir ses défauts. Mais elle a certainement de grandes qualités, et, les choses étant ce qu’elles sont, elle est utile au salut des âmes On avance en direction de l’Orthodoxie ancestrale dans la mesure où l’on cherche la totale et inaltérée vérité du Royaume de Dieu, la foi et le culte catholique des Pères, le réveil du peuple dans sa prière authentique. En devenant orthodoxe, on réintègre l’Eglise ancestrale.

4 – TROIS ITINÉRAIRES

Itinéraire doctrinal – Celui d’une minorité. Au départ, il y a assez souvent une insatisfaction. « La doctrine romaine m’a déçu…, ou rebuté… ; le protestantisme n’allait pas assez loin… » Encore faut-il vraiment connaître la doctrine de la confession où l’on a été baptisé. Ne pas se contenter d’éléments insuffisants, vite transformés en caricature. Pourquoi ne pas en parler à son prêtre ou à son pasteur, ou à un prêtre ou à un pasteur, choisi à cause de sa réputation de science et de sagesse ?…

En cas de véritable insatisfaction, autrement dit en début de connaissance de cause, poser, aussi franchement et exhaustivement, les mêmes questions à un orthodoxe, clerc ou laïc compétent.

Mais il n’est jamais bon, en s’approchant de l’Orthodoxie, de limiter sa démarche au niveau intellectuel.

Où et comment réapprendre à prier ? à voir clair au fond de son âme ? Ne jamais tarder à élever sa démarche à ce plan.

Le recours au sacrement de la pénitence est la meilleure entrée en catéchèse.

Ne pas séparer l’étude de la prière et de l’expérimentation de soi-même. Et surtout, ne pas trop tôt se prendre pour un orthodoxe capable de porter témoignage et de convertir les autres.

On entre en catéchèse par la pénitence ; mais c’est la liturgie qui initie aux profondeurs de la doctrine.

Itinéraire liturgique – Assez fréquent. Surtout depuis le désarroi liturgique de l’Eglise romaine après Vatican II. Beaucoup cherchent, avec douleur, un nouveau milieu de prière et de cultes catholiques.

Mais il n’est jamais bon de limiter sa démarche aux émotions, aux satisfactions d’ordre affectif.

Beaux chants, encens et cadre intime ne suffisent pas. Il faut que l’intelligence entre dans le contenu de la foi.

Le recours au sacrement de pénitence est encore la meilleure entrée en catéchèse.

Etablir le lien entre cette liturgie qu’on apprend à aimer, et la théologie dont elle est le véhicule divin.

L’étude des dogmes et des Saintes Ecritures, nécessaire pour recevoir le contenu du culte et participer de tout son être à la liturgie.

Itinéraire pastoral – Parfois, celui de croyants (ou d’incroyants) qui ne se posent ni en théologiens ni en chercheurs de bonne liturgie. On a un problème vital très particulier à résoudre. Il peut arriver que le prêtre ou le diacre orthodoxe soit seul à donner la réponse.

Mais il n’est jamais bon de limiter sa démarche à la seule solution d’un problème individuel.

Les questions que nous nous posons avec intensité, nos grandes peines et nos grandes joies, ne sont nullement comme des écailles à notre surface. Pas davantage, les réponses qui nous sont données.

Tout cri intérieur conduit à poser le problème de la personne irremplaçable et unique, et, inséparablement, celui de la nature humaine. Ce qui conduit à la communion.

Le recours au sacrement de pénitence est la meilleure entrée dans un univers plus large, où notre cœur cesse d’être prisonnier de lui-même et où l’on cesse de se sentir à l’étroit dans son cœur.

Et comme les deux itinéraires précédents, catéchèse et liturgie deviennent deux inséparables nécessités vitales.

5 – SOCIOLOGISMES – Est-on arrêté dans sa démarche parce qu’on se soucie de ce que penseront les voisins, les relations, les amis ?…

Alors, on n’est pas prêt. Il faut attendre.

Il est écrit dans l’Evangile : Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur.

6 – HÉSITATIONS – On ne peut pas aller au Christ sans commencer par faire confiance à des témoins. Le savoir. Au besoin, se le rappeler.

Mais ne jamais s’écarter d’une intense et stable prière. Car c’est dans le Saint Esprit qu’on reconnaît que le Christ est le Seigneur notre Dieu.

7 – CONCLUSION

Quel que soit l’itinéraire suivi, on devient orthodoxe :

par l’étude – une catéchèse toujours adéquate et précise, jamais floue ni approximative, moins encore mélangée de doctrines étrangères ;

par la pénitence – on reçoit la catéchèse dans la paix de l’âme, et celle-ci en se libérant des poids qu’on a sur le cœur et en prenant un élan nouveau dans le pardon divin ;

par la prière liturgique – sans perdre de vue que, tout en apprenant à prier, la liturgie nous instruit, nous enseigne, nous illumine en dilatant notre intelligence dans l’atmosphère de Dieu.

Lecteur de ce texte, qui que vous soyez, nous saluons votre liberté : cette force périlleuse par laquelle resplendit en vous l’image ineffable de la Divine Trinité.

Gloire à Toi, Père et Fils et Saint Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible, gloire à Toi !