Pèlerinage au Mont Saint-Michel 2013


Pèlerinage Mont Saint-Michel 2013

Quelques membres de notre Église de France se sont rendus au Mont Saint Michel du 18 au 23 Septembre 2013 en pèlerinage organisé par la paroisse Sainte Marie Madeleine.

Voici quelques photos de ce beau et priant pèlerinage, suivies d’un résumé.

Ce pèlerinage au Mont, du 18 au 22 septembre 2013, fut pour les pèlerins l’évènement de la saison de fin d’été, début d’automne. Il rassembla seize personnes issues du Plan d’Aups (paroisse Sainte-Marie-Madeleine) et de Montpellier, Pau, Avranches, Paris et Lyon.

Le temps nous fut clément et ces quatre jours furent vécus dans la joie communicative et la bonne humeur fraternelle.

On ne tarira pas de louanges sur la bonne volonté, la disponibilité et le dévouement des trois protagonistes du pèlerinage : le prêtre Henry-Marie Regimbeau, Sophie son épouse, chef de choeur et servante de l’Église, et Éric Droit, acolyte et « miquelot permanent » de cette région du Mont-Saint-Michel et d’Avranches, la ville la plus proche. Celui-ci nous expliqua d’emblée que « miquelots(es) » est le nom fort ancien donné à ceux qui ont pèleriné et prié au Mont, de même que les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle sont appelés les « jacquets ». Ce parfum de Moyen Âge fut agréable à nos narines sensitives de chrétiens orthodoxes français.

Les journées étaient rythmées par les laudes au Groin du Sud et, si possible, les vêpres au gîte rural où le groupe était logé. Le Groin du Sud est un lieu-dit très proche du gîte
d’où l’on jouit d’une vue céleste sur le Mont et sa baie. Les couleurs de celle-ci sont infiniment variées dans les tons de gris, gris clair, argenté, plus foncé, bleuté, sablé, ocré, selon la lumière et les nuages au ciel. Le Mont ajoute ses couleurs de verdures, rochers et constructions de l’Abbaye. C’est un spectacle dont on ne peut se lasser. La flèche de l’abbaye est surmontée par la prestigieuse statue en bronze doré d’Emmanuel Frémiet, datée de 1896, comme dressée en apesanteur : saint Michel au visage d’adolescent, revêtu d’une armure et d’un casque, armé de l’épée et du bouclier, terrassant son adversaire, le dragon. Sa forme triadique, grâce aux deux ailes déployées pose un extraordinaire point culminant au-dessus de tout l’ouvrage presque parfaitement triangulaire : le rocher minéral, l’abbaye et la flèche. C’est bien la…« merveille », classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 1979.

Emmanuel (Dieu avec nous) Frémiet, sculpteur français (1824-1910), est également l’auteur de la très belle statue de sainte Jeanne d’Arc, place des Pyramides à Paris. Rappelons ici que saint Michel Archange et sainte Jeanne d’Arc sont fêtés ensemble le 8 mai.

Il y a environ quinze ans, ce monument de la statuaire devait être réparé et donc déplacé pour travaux, la douve étant en mauvais état. Cela ne pouvait se faire que par hélicoptère au moyen d’une manœuvre difficultueuse. Les ouvriers spécialisés avaient à peine réussi à fixer la statue sous l’hélicoptère pour la détacher ensuite de la flèche que le tonnerre s’est mis à gronder et la pluie à tomber avec violence. L’article de journal relatant le fait représentait une photo unique de l’hélicoptère transportant la statue sous les nuées en colère et le ciel assombri. Les intempéries se prolongèrent toute la semaine que les travaux durèrent. Mais, dès qu’elle fut replacée, resplendissant de tous ses feux d’or pur, la tempête se calma et le soleil revint, radieux. Le journaliste n’en disait pas plus mais les chrétiens, eux, savaient bien que saint Michel, patron de la France et tout spécialement de ces lieux, signifiait vigoureusement aux hommes : « Halte-là ! Pas touche à la statue qui me représente ! » Elle est en effet le symbole de la foi et du combat contre l’Adversaire.

Quand on prie devant le Mont-Saint-Michel et sa flèche vertigineuse, élevée si hardiment vers les hauteurs, on ne sait plus si l’on est déjà dans le ciel ou encore sur la terre.
Le mercredi 18 septembre, le groupe chanta les vêpres dans la salle à manger du gîte. Après les laudes au Groin du Sud, le jeudi 19 fut consacré à la ville de Saint-Malo, le port, l’architecture ancienne, la cathédrale. Puis à Dol-de-Bretagne au retour, visite de
« Médiévalys » (précédemment appelé «Cathédraloscope »), remarquable musée dédié à la construction des cathédrales. Films, maquettes, photos, dessins, la muséographie moderne ayant fait de grands progrès, nous étions captivés par ce musée. La baie du Mont-Saint-Michel, au coeur du golfe qui unit Normandie et Cotentin d’un côté à la Bretagne de l’autre comporte trois îlots rocheux : le Mont-Saint-Michel, l’amas de rochers de Tombelaine et le Mont-Dol lieu-dit où l’archange Michel, chef des armées célestes, fut vainqueur contre le démon. Dol fut longtemps l’un des six évêchés de Bretagne. Le père Henry-Marie conclut la journée par une causerie sur l’archange Michel, qui fut instructive pour tous, nouveaux comme anciens.

Le vendredi 20 fut la journée centrale du pèlerinage. Laudes, puis départ pour le Mont-Saint-Michel en minibus pour les uns qui n’étaient pas assez ingambes pour l’aventure. Pour les autres, traversée de la baie à marée basse, cinq kilomètres environ en deux heures de marche sportive, pieds nus et en short, tels les pèlerins de tous les temps. Nous avions la chance qu’il fasse assez beau et que l’eau ne soit pas froide. Nous avions rencontré successivement les écueils de l’ « herbu » (végétation), du sol glissant « la tangue » (boue argileuse gris sombre, très douce à la plante des pieds), des rivières qui continuent de couler, se mélangeant à l’eau de mer, du sable pur (le plus agréable) et enfin des surfaces d’eau qui alternaient avec des bans de sable. Le niveau de l’eau y montait parfois jusqu’à mi-cuisse, ce qui entravait sérieusement l’avancée. Quelle beauté ce Mont qu’on voyait se rapprocher petit à petit !

Le guide (obligatoire) nous avait donné la consigne suivante : « Ne jamais s’arrêter ». Cet impératif était valable à la fois pour les sables qui peuvent devenir mouvants et dangereux si l’on y stationne, et pour la vie spirituelle ou combat intérieur (les bonnes tendances luttant contre les mauvaises) qui ne doit jamais s’arrêter non plus. Lors des chutes sur la tangue glissante, il fallait se relever tout de suite, à l’image des chutes dans le combat spirituel : tomber, se relever, tomber, se relever, et ainsi de suite.

Cette traversée des grèves qui est l’une des composantes du pèlerinage à saint Michel est une expérience inoubliable, au même titre que lors des autres pèlerinages les plus connus : le chemin (El Camino) de Saint-Jacques-de-Compostelle, l’escalade de la montagne Saint-Patrick en Irlande, l’ascension de Saint-Michel d’Aiguille au Puy-en-Velay, la montée à la Sainte-Baume (« baume » : caverne, grotte en provençal), grotte de Sainte-Marie-Madeleine, les marches à monter à genoux devant l’autel de la première station du chemin de croix à Lourdes, etc.
Il y a des difficultés, des fatigues et même des dangers à affronter mais on se sent soutenu par la prière et par le grand saint, la grande sainte, qu’on a choisi d’honorer ainsi. À l’arrivée on éprouve une joie ineffable, celle d’avoir offert ses efforts et celle d’avoir été à la hauteur du défi qu’on s’était lancé. On sort grandi de l’épreuve, quelle qu’elle soit. Votre servante n’a pas parcouru les chemins de Saint-Jacques, c’était trop long et trop difficile pour elle, mais elle a pratiqué les quatre autres pèlerinages cités.

Ce fut ensuite la visite du Mont-Saint-Michel et de l’abbaye avec la montée des 400 marches environ. Là encore, cette élévation à la force des mollets faisait partie des épreuves réservées aux pèlerins. Celle-ci parut pénible à ceux qui venaient déjà de traverser les grèves. C’était une sorte de similitude avec les 400 kyrie à chanter à la limite du souffle lors de la fête de l’Exaltation de la Croix, le 14 septembre, quelques jours auparavant. Mais le résultat dépassa nos espérances : le conférencier, François Saint James, un ami d’Éric Droit, nous guida dans le dédale de l’abbaye et même dans des lieux où personne ne va : les deux cachots par exemple. Nous eûmes ainsi les honneurs de « Notre-Dame-sous-terre », la crypte des Gros Piliers, la salle des Chevaliers et le réfectoire de l’abbaye, prouesse architecturale aux multiples fenêtres. L’érudition historique et architecturale du conférencier rivalisait avec son profond sens spirituel et son humour désopilant. L’antagonisme ancestral entre les « guides bretons » et les conférenciers normands nous fit beaucoup rire. À notre arrivée sur l’esplanade, devant l’entrée de l’église, un panorama sur la baie et ses environs, unique au monde s’offrit à nos yeux éblouis, sous le soleil de l’occident.

La baie régulée par les marées a ses exigences horaires et ses dangers. Au Moyen Âge, l’îlot était appelé « Mont-Saint-Michel au péril de la mer ». Mais la puissance d’évocation du Mont n’a de sens que dans cet écrin de la baie et du mascaret qui vient mouiller le socle du Mont d’écume blanche. Si le sable devait envahir les lieux et que la mer ne vienne plus lécher le rocher, toute la symbolique du Mont : mer, terre et ciel serait rompue… Nous avions le coeur à rendre grâce au Créateur pour les splendeurs qu’Il nous offrait en ce jour comme immuablement à tous les visiteurs de bonne volonté. Quelle gratitude également pour tous les gens qui ont peiné, oeuvré et besogné pour que ces merveilles voient le jour : de saint Aubert, évêque d’Avranches en 708 qui érigea le premier sanctuaire, aux architectes et ouvriers de l’abbaye qui ont édifié son aspect actuel .

La journée se termina par les vêpres chantées dans l’église de l’abbatiale, et sa magnifique élévation, non loin du cloître monastique, un bijou lui aussi. L’office était chanté par les moines et moniales de la Fraternité de Jérusalem qui occupe actuellement ces lieux saints. La soirée se termina par quelques réjouissances gustatives : crêpes au cidre, fruits de mer, délicieuses galettes normando-bretonnes, beurre salé et crème fraîche. L’aspect gastronomique de notre passage en ces lieux ne fut pas dédaigné.

Le samedi 21 septembre commença par les laudes, puis la divine liturgie au gîte, les travaux de réfection du prieuré Saint-Léonard, tout proche, n’étant pas assez avancés. Visite l’après-midi du magnifique Musée des manuscrits du Mont-Saint-Michel qui en contient plus de 200. Là encore, que de reconnaissance dans nos âmes envers notre Dieu et Seigneur, les copistes et calligraphes, les enlumineurs et iconographes qui se sont succédés pour que naissent ces trésors précieux. Ce dernier soir au gîte, les pèlerins eurent droit, cuisiné par le dévoué Éric Droit lui-même, à un succulent gigot d’agneau élevé dans les prés salés ou polders qui entourent le Mont, donc spécialité locale.

Il y eut même une remise de « diplômes d’honneur » dotés d’une formule qui reflétait avec grâce les caractéristiques de chaque personne. Grand merci aux inventrices et réalisatrices, Sophie et Suzanne, pour leur ingéniosité et leur altruisme, de ces trouvailles charmantes ajoutant encore à la cohésion spirituelle et fraternelle du groupe qui se transformait ainsi en famille. La notion de « famille chrétienne » était chère au coeur de Monseigneur Jean de Saint-Denis, qui l’employait souvent dans les textes liturgiques :
« Jette un regard, nous t’en prions, Seigneur, sur cette famille pour laquelle notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas hésité à se livrer… »(fin des offices de nocturnes des Mercredi, Jeudi et Vendredi saints).
« Seigneur, reste avec nous invisiblement selon ta promesse et visite cette famille qui se réunit pour adorer ta glorieuse Ascension »(bénédiction des fidèles).

Dimanche 22, le pèlerinage fut couronné par les laudes et la messe dominicale à la paroisse « Notre-Dame-Source-vivifiante et Saint-Patrick » de Rennes. Ce local paroissial vénérable fut installé vers 1980 par le père Patrick Gérard, ordonné prêtre dès 1953. Après quelques vicissitudes, la paroisse renaît, solidement implantée dans le sol occidental et breton.

Ajoutons que le matin même, entre bagages et départ à la fraîche pour parcourir les 80 kilomètres qui séparent Avranches de Rennes, il fut trouvé un chaton pris dans un roncier. Une pèlerine adopta d’emblée ce petit animal né depuis trois semaines et qui demandait la vie – un cadeau de saint Michel ne se refuse pas – et la nomma, comme de juste, « Miquelote ».

Marie-France Guillaud-Tanazacq