Retour d’expérience des clercs et fidèles sur les mesures gouvernementales prises face au virus et sur leurs conséquences | Archevêque Germain : 29 juin 2020

Église Catholique Orthodoxe de France

Ce 29 juin 2020, fête des apôtres Pierre et Paul

Adresse de l’archevêque Germain au clergé majeur

 L’archevêque Germain propose dans les pages suivantes une synthèse de l’expérience auprès des clercs et des fidèles des mesures gouvernementales prises face au virus et sur leurs conséquences.

Sachant que la charité qui croit tout et qui peut tout, doit nous inspirer et nous guider, nous voici à l’issue d’une épreuve destinée à ouvrir les cieux au sein de la nation qui est nôtre, la France, comme aussi bien dans le cœur de chacun d’entre nous.

Les quelques propos présentés ici, sans ordonnance particulière, visent à justifier l’attitude de notre synode d’évêques au cours des quatre derniers mois et à discerner la valeur des comportements personnels de clercs et de fidèles au cours de cette même période.

Le Synode

Sa responsabilité est de construire avec clercs et fidèles l’Église orthodoxe occidentale. Pour mettre en œuvre l’ordre du Christ (« Allez, faites de toutes les nations des disciples », Mt 28,19), avec les apôtres les Pères de l’Église et les générations passées et à venir, nous nous fondons sur le dogme qui s’énonce ainsi : « Le Christ est Dieu et l’homme pleinement. Il allie les deux natures sans confusion et sans séparation. Sa personne est divine ».

Nous savons que l’histoire fait partie du dogme, elle l’universalise et le rend fécond.

Ces fondements (déisme, humanisme, appui sur la personne divine du Christ et continuité historique) nous confèrent la responsabilité de bâtir « en notre temps » l’Église du Christ avec et sur les principes de Notre Seigneur Jésus-Christ et non sur les nôtres (cf. à ce sujet la conférence donnée à la confrérie de Saint-Photius en 1937 par le père Eugraph Kovalevsky).

Nous vivons en ce siècle, en cette année, en ces mois, au sein d’une nation – la France – et de la société. Celle-ci est actuellement marquée par deux caractères principaux :

– un mondialisme financier et

– la technicité scientifique.

Ces deux caractères, conditionnent notre existence quotidienne. Ils obligent à nier et supprimer la personne, aussi bien celle de la nation, aussi bien celle qui élève tout individu au dessus de lui-même, jusqu’en la présence divine. Ils sont anti- Pentecôte, péchés contre l’Esprit.

Pour nous donner des directives maintenant, considérons le comportement du Christ à son époque très différente de la nôtre, son comportement au cours de sa vie publique :

  • Il participe aux noces de Cana en invité, un parmi les autres. Il accepte et respecte les coutumes juives du mariage et les lois de la nature, rien ne le distingue de la société juive.
  • Cependant, en de toutes autres circonstances, il opère des guérisons le jour du sabbat en contradiction avec les lois de Moïse.

Ainsi :

là Il respecte, ici Il libère !

là Il s’unit, ici Il se distingue.

Remarquons : le Christ et tous les grands êtres, ses disciples depuis la Pentecôte, ne veulent pas se montrer autres que ceux avec lesquels ils vivent et ils veulent simultanément ouvrir tout homme à la révélation divine. Ces deux attitudes crucifient et justifient les deux propos du Seigneur :

  • Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu

et

  • Je suis venu pour obéir à mon Père et vous révéler sa paternité.

Les clercs et les fidèles

 

Transposons ces deux modes dans notre participation existentielle (quotidienne) à la société dans laquelle nous vivons et dans la construction simultanée de l’Église (selon l’ordre du Christ).

Nous expérimentons d’être alors avec notre Maître et Seigneur attachés à l’arbre de la Croix, crucifiés :

  • clercs, fidèles, par la nécessité quotidienne et par son organisation, aux exigences de César (exemple le Christ à Cana ou Confinez-vous !)

et

  • tenus de nous comporter en enfants du royaume à venir (exemple le Christ guérit le jour du sabbat, et nous célébrons les mystères dans nos temples, passant outre les décisions gouvernementales circonstancielles, légales ou non).

Soumis à ce dilemme, les clercs et les fidèles ont en général accepté d’expérimenter les deux situations contradictoires ? Quelques uns pourtant se sont inclinés devant les seules instructions civiles, foudroyant même ceux qui se seraient permis de ne pas les suivre aveuglement et se félicitant même de refuser la poursuite simultanée du royaume des Cieux dans la célébration des mystères, au sein des églises.

Que des fidèles s’associent aux seules décisions civiles est compréhensible et recevable.

Que des clercs s’érigent en juges de ceux qui à la fois imitent le Christ à Cana et à la fois déposent leur vie dans la quête du royaume, indique leur doute sur la solidité de l’Église enracinée dans la personne du Christ (cf. encore la conférence de 1937 à la confrérie Saint-Photius)

Il est indispensable de distinguer en effet l’homme de sa fonction.

L’évêque, le prêtre, le diacre est certainement homme comme tous le sont. Cependant, en recevant le sacre de l’ordination et l’imposition des mains (la succession apostolique), il est libre de tout assujettissement familial, culturel, social, idéologique, etc.

Ceci rejoint l’évangile de Luc (Lc 14, 26-35) :  « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas la croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple…Le sel est une bonne chose, mais si le sel perd sa saveur, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? Il n’est bon ni pour la terre ni pour le fumier, on le jette dehors . Que celui qui a des oreilles entende. »

Le clerc qui ainsi se préfère, renonce à sa fonction. Il va se soumettre à une ou plusieurs autorités passagères et même il va les rechercher. Il en oubliera de servir, c’est-à-dire de se conformer à la manière divine qui se donne aux bons et aux méchants. Il recherchera une organisation personnelle ou collective pour remplacer la solidité de l’ancrage dans la personne divine du Christ. Il suivra ceux qui en nombre quittèrent le Christ, et les apôtres auxquels il fut dit : « Vous aussi vous voulez me quitter ? »

Tout ceci ne met pas en cause celle qui se lève au sein des tribulations contemporaines dans notre pays de France : l’Église catholique orthodoxe occidentale. Tout ceci ne condamne personne. Tout ceci éclaire et discerne un mal qui atteint périodiquement certains clercs des plus intelligents et dévoués de notre Église : le doute sur sa valeur devant les hommes et non devant Dieu.

Un protestant français disait un jour : « Nous, protestants, n’avons pas de pape mais nous avons pire : l’opinion publique. »