Deux mots ou noms : « catholique » et « orthodoxe »
Appliqués à l’Église du Christ, ces deux noms doivent être liés et examinés ensemble. On évitera ainsi de passer à côté de leur sens réel et d’affaiblir leur tonalité.
Tout mot, tout nom a une histoire, une vie propre avec des périodes de décadence et de prospérité. Ceux-ci demeureront éternellement. Ils sont au sommet de la hiérarchie des termes.
Catholique et orthodoxe ont été choisis par l’Église. Ils sont des portes de la connaissance parfaite, des clefs, des mystères s’ils sont employés avec prudence, respect et conscience.
Catholique et catholicité
Ces deux mots, conjoints et choisis par l’Église primitive, ont connu trois périodes différentes.
Aux premiers siècles, à l’époque dite des « Pères », Catholique est choisi comme critère de la Vérité, riche, éclatant. Objet de la foi (Credo de Nicée en 313), il exprime la qualité de la doctrine de l’Église :
Lieu où chaque membre, chaque église grande ou petite, désignée par l’élection divine reçoit la même valeur (plénitude) que l’Église tout-entière.
Peu à peu, cependant, ce terme tombe en décadence. Le schisme entre Rome et l’Orthodoxie (Églises à l’orient de l’empire), les luttes religieuses de la Réforme (16ème siècle et suite), font de lui un terme qui désigne l’universalité géographique de l’administration romaine.
Cependant ce mot Catholique est retrouvé par la pensée russo-orthodoxe qui dégage son âme. En russe, on dit « Sobornost ».
Repris alors par une pléiade de théologiens et de philosophes, accepté par le peuple, béni par la hiérarchie, « CATHOLICITÉ » resplendit à nouveau. Enrichi par l’expérience, il aide les êtres à goûter à la totalité spatiale de l’Église.
Au XXe siècle, il déborde les frontières de l’orthodoxie (les églises héritières de l’ancien empire romain d’Orient) et gagne du terrain chez les penseurs et théologiens occidentaux, et dans les mouvements du monde protestant et romain.
Les grandes questions comme : Culture et Église, Race et Église, Tradition et vie, sont résolues d’un coup par le mot Catholicité.
Lié à l’Église par le Concile de Nicée, le terme Catholique est anti-sectaire. Il ouvre à tout lieu de l’Univers où est semée la parole de l’Évangile, la capacité de former et de rassembler, selon le genre de ce lieu, une église Vraie et Libre.
Ajoutez ceci : à notre époque, toute Église dite orthodoxe (il y en a 17 au début du XXIe siècle) est mieux désignée et connue par ce nom vivifiant, « Catholique » que par le terme Orthodoxe qui, on va le voir, s’applique à la foi et non à l’Ecclesia.
Orthodoxe et orthodoxie
Il convient de lier ces deux acceptions.
Il n’y a guère de mot plus défiguré. Il est un grand mutilé de guerre spirituelle. Et pourtant ce mot céleste est celui qui peut apporter le salut au monde actuel et préparer à notre époque la gloire lumineuse de l’Église.
Si « l’Unité, la Sainteté, la Catholicité, l’apostolicité de l’Église (compris au sens le plus juste) dépeignent l’extérieur de l’Église, le Corps de l’Église, l’Église Corps du Christ, le mot « Orthodoxie » est la révélation du cœur, de l’âme de l’Église.
Si la Catholicité embrasse tout, l’Orthodoxie creuse tout. Elle est la mesure des profondeurs.
« Orthodoxie » est un mot d’origine grecque, composé de orthos , juste – droite et de doxie, glorification. Sans faire une analyse approfondie, on s’aperçoit aisément à quel point le sens véritable du mot est différent de ce que l’on pense généralement. Certes, dans le mot « orthodoxie », il y a l’idée de droiture (ortho) mais non la droiture d’esprit ou la droiture d’idée mais la droiture comme complément du verbe « glorifier » ! Et ? La glorification est beaucoup plus large qu’une pensée ou une conception. Elle peut être spontanée. Elle englobe l’être total, parfois elle réclame un geste ou un cri, et parfois toute une vie.
La vie des anges est la glorification. Selon le roi David, « tout ce qui respire loue le Seigneur ».
Le voisinage du qualificatif « juste » et du verbe « glorifier » peut paraître paradoxal et pourtant, c’est ce qui fait la richesse de ce mot. Le mot « Orthodoxie » exige la qualité de la glorification et en même temps réclame l’objet digne de cette glorification. Du même coup, il définit deux choses : l’attitude de ceux qui glorifient et la dignité de ce qui est glorifié.
Conclusion
Si à la notion de « Catholicité » s’oppose l’esprit partial, hérétique, sectaire, à l’ « Orthodoxie » s’oppose l’esprit de restriction, de diminution de la valeur religieuse, l’esprit de platitude et de profanation.
On pourrait dire que la notion catholique est horizontale, la notion orthodoxe (droite – glorification, mouvement du bas vers le haut) verticale, et que les deux forment la Croix du Salut du monde.
On ajoutera que toute Église, fondée sur « Unité – Sainteté- Catholicité- apostolicité » et qui loue la Trinité Divine, en esprit et en vérité, est une porte d’entrée à la Jérusalem céleste pour ses membres quels qu’ils soient.
Et enfin, là où le cœur s’endurcit, là, la Catholicité s’étouffe, et là où l’esprit se glorifie, là l’Orthodoxie se vide et s’abime.
L’essentiel de ces propos est tiré de l’édition des Cahiers Saint-Irénée (édition des amis de l’Orthodoxie en Occident – 1989) n° 2. p 3 à 6