Quasimodo (2011)

Montpellier le 20 avril 2011

Quasimodo et le message de Dieu à la communauté

1 Jn.5,4-10 – Jn 20, 19-31 – Lc 22. 35, 38

Aujourd’hui le Christ ressuscité fonde l’Eglise non pas en nommant un chef qui le remplacerait mais en soufflant son Esprit, l’Esprit divin, l’Esprit-Saint sur tous les apôtres sans les distinguer nommément. Ainsi chaque apôtre ira fonder une ou plusieurs Eglises.

 

A notre époque, la dernière clausule du credo est encore à vivre : « Je crois en l’Eglise une… » car l’oecuménisme est seulement un désir. L’Eglise est appelée à devenir pleinement l’Epouse de Dieu en étantparfaitement une dans la diversité des Eglises locales. Fondant l’Eglise, Jésus-Christ ressuscité entame en l’homme, l’émergence de deux transcendances : celle de la personne et celle de chaque peuple. Il est dit aux apôtres : « allez et enseignez tous les peuples et baptisez-les… ».

 

ll ne s’agit pas seulement de baptiser les individus mais aussi les peuples, les ethnies, les civilisations après les avoir instruits afin qu’ils convertissent leurs pensées à la vérité en plénitude. Cette conversion ne saurait être imposée par quelque esprit d’autorité , quelque raisonnement, quelque logique seulement humaine.

 

Enseignement, conversion et baptême d’un peuple ont déjà été entamés en France au siècle dernier, à partir de la rencontre entre la recherche liturgique d’Irénée Winnaert et des études inspirées d’Eugraph Kovalevsky et de la confrérie Saint Photius. L’aventure continue à se vivre dans l’Eglise Catholique Orthodoxe de France .

 

La divine liturgie selon Saint Germain de Paris est célébrée en français. Ainsi est baptisée la langue. Elle peut échapper aux scories de la scolastique et se prêter à l’écoute de cette pensée autre à quoi invite la révélation, pensée apophatique et antinomique, car la Parole dans l’approche du mystère qu’est la liturgie est servie par la mélodie dès qu’un compositeur liturge et instruit de la tradition vivante de l’Eglise, a su la composer avec justesse – travail réalisé en France par Maxime Kovalevsky.

 

Tout ce travail est encore à faire non seulement dans les pays d’Afrique, d’Asie…etc mais aussi dans les peuples qui en sont restés longtemps à une langue sacrée ancienne que la plupart des baptisés ne comprennent pas : grec ancien, latin, slavon…Et la langue n’est qu’un aspect de la culture encore à baptiser.

 

Les Pères de l’Eglise ont vu dans les 153 gros poissons pêchés par obéissance à la seule parole de Jésus ressuscité, les 153 peuples qui, à la fin des temps auront découvert leur être appelé à la déification et à la transfiguration. Nourris de prières justes, ils se seront révélés à eux-mêmes et auront accepté de grandir en vérité et vraie fidélité. En ce troisième millénaire, l’homme commence à vivre ce mystère.

 

Et le message que nous avons reçu ensemble, en tant que communauté, ce dernier mercredi saint – Lc.22, 35-38, peut être lu comme une invitation à consciemment s’inscrire et à persévérer dans cet enseignement et ce baptême d’un peuple. Contrairement à ce que vous avez fait quand j’étais avec vous, dit en substance Jésus, munissez-vous d’une bourse, d’une besace et échangez votre manteau contre une épée. L’homme est devenu sourd à la foi, fermé au miracle, ignorant de l’Eglise.

 

Les baptisés ne sont plus reçus comme des envoyés du Messie, du Sauveur. Ils doivent compter sur leur « bourse », leur « besace » et leur « épée » pour subsister dans le monde qui leur est hostile. La « bourse » nécessaire est la foi en Jésus, Dieu et Homme, Messie longtemps attendu, Sauveur. La « besace » est le fait de compter sur les sacrements que propose l’Eglise pour que l’esprit créé vive et ne soit pas anorexique, moribond ou dans le coma. « L’épée » n’est pas celle sur quoi comptait Pierre pour éviter à Jésus la condamnation à mort, mais elle est l’arme de la guerre intérieure nécessaire.

 

Pour acquérir cette arme il a fallu « vendre son manteau », c’est-à-dire renoncer à se sauver par les forces et les réalisations humaines. Si les talents croient suffire, l’homme tue en lui, le désir de la grâce. 

 

Un travail sur soi s’impose pour désirer devenir le vivant vainqueur de la mort en Jésus-Christ et par l’Esprit-Saint. La paresse, la prétention , tentation majeure dans l’ambiance individualiste actuelle, la tristesse, la résignation à l’absence de Dieu et du sens de la création, l’angoisse , l’accusation d’un autre ou des autres… sont autant d’ennemis intérieurs à combattre résolument.

 

Sans la volonté de repérer l’ennemi intérieur et de lui résister, la prière est comme un baume qui ne pénètre pas. Le consommateur à quoi le monde veut réduire l’homme , est anéanti sans le savoir car il s’est laissé dépouiller de toute clairvoyance, de tout désir de vivre selon l’esprit. L’ambiance actuelle pousse à l’ignorance de toute résurrection.

 

Pour l’homme qui résiste au contraire, une expérience de la résurrection , fruit du désir de vivre vraiment, de l’effort et de la grâce, devient possible : c’est le repentir et l’humilité dans le don des larmes, du pardon et de la lumière dans les ténèbres, qui est joie et paix disent les Pères de l’Eglise.

 

Cette année plus que jamais, nous voilà invités à résister à l’idéologie individualiste et à toute résignation morbide et à cultiver le désir non seulement de l’espérance mais de l’expérience de la résurrection .

 

Que Dieu un , Père, Fils et Saint-Esprit nous accorde la grâce de la lumière et de la force afin de persévérer dans la fidélité à la foi : foi en la Sainte Trinité, en Jésus Dieu et Homme, en l’Esprit-Saint en Personne, en Marie Vierge et Mère de Dieu, et en l’Eglise.

 

Que cette fidélté s’incarne en cette Eglise où nous avons rencontré la vérité en plénitude et en devenir, et qu’elle s’étende à notre évêque Germain dont la compétence égale celle de nos pontifes, Irénée et Jean de Saint Denis.

 

O Dieu, Trinité Sainte, donne-nous le goût de l’unité dans la diversité des personnes et des peuples, à Ton image et à Ta ressemblance.

 

Père Bernard