L’ivraie et le bon grain

4° dimanche après la Théophanie

L’IVRAIE ET LE BON GRAIN

 Montpellier le 9 février 2014  Saint Maire

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, bien aimés,

Le prophète Joël nous invite à entendre en cet Évangile, l’histoire de l’humanité et même de la création visible jusqu’à la fin des temps. Ni les anges ni les hommes ne pourront éradiquer « l’ivraie » avant le retour du Christ en gloire. Et de même qu’ « il y aura toujours des pauvres parmi vous » comme l’a souligné Jésus à ses disciples, il y aura toujours des méchants, des violents, du mal parmi les hommes. Dieu n’intervient pas pour le détruire afin de ne rien endommager du bien en son devenir.

Dieu laisse à la création son autonomie. Il ne lui impose pas sa Volonté. Il la propose comme on propose l’amour à qui l’on aime.

Dieu n’a pas créé le mal. Le mal n’a pas d’être. Il est le fruit d’une volonté pervertie, celle de «  l’ange de Lumière », Lucifer, devenu jaloux de l’homme dont il a vu le prodigieux destin.  « L’ennemi » c’est lui et « l’ivraie » sont des hommes qui se sont livrés à sa volonté d’accusation, de domination, de destruction et de sang versé. Ils font ce qu’il ne peut pas faire : ils agissent à partir des diverses formes de sa volonté pervertie. Cette volonté de l’ennemi de la vie peut germer dans le cœur de l’homme ignorant ou négligeant.

Si Dieu a créé une volonté qui peut s’opposer à Lui, c’est qu’ Il ne se réduit pas à sa toute puissance. Il ne saurait baser sa création sur la loi du plus fort. Et s’il donne son autonomie à la créature c’est  que, dans la liberté seule, elle devient capable de répondre à son amour. C’est ainsi que l’homme est appelé à devenir le roi et le prêtre de la création toute entière dans l’Amour.

La nature humaine libérée par le Christ, de l’emprise de cette volonté pervertie dont elle s’était faite esclave, est proposée à l’humanité. A chacun et à chaque nation de l’accepter ou de le refuser. «   L’ivraie » est ce refus, la chute dans les illusions et les prétentions des créatures qui oublient Dieu, se révoltent contre Lui , en font une idole à leur image de créature assoiffée de pouvoir et de sang versé, ou font tout pour le nier. Et l’histoire tragique de la création perdure.

L’Église propose à ce sujet, l’enseignement de l’Apôtre Paul. Il s’agit de rester fidèles quelles que soient les épreuves. Comment ? Le conseil est simple : quoi que vous fassiez, faites-le consciemment au Nom de Jésus-Christ. Que se passe-t-il alors ? Ce n’est plus l’œuvre qui compte, même la meilleure, ni l’ennui d’une corvée… L’esprit est libre. Il s’ouvre à la victoire du royaume de Dieu.

Vous savez que l’esprit de l’homme est comme un océan de calme, de mise au large. S’il s’ouvre, il peut se nourrir de la Parole de Dieu, la seule nourriture qui lui convienne et lui permette même à 80 ou 100 ans, de grandir encore.  Cette croissance n’aura pas de fin car elle oriente vers l’amour de Dieu dont l’intimité n’en finira pas de combler.

Là est le sens de l’Histoire de la création. Elle n’est pas un chemin de facilité ni une installation définitive. «  Je dors mais mon cœur veille » dit la bien-aimée dans le Cantique des cantiques. La suite du poème montre que c’est une tentation : la présence du Bien-Aimé, Dieu, est alors perdue.

Spirituellement, il est en effet nécessaire de ne plus dormir . Le cœur ne saurait veiller. Le croire est un sentimentalisme dangereux. C’est à l’esprit de veiller pour que le cœur ne se contente pas d’avoir aimé Dieu, oubliant que son Amour n’aboutit  pas à une béatitude définitive. Aimer Dieu c’est L’aimer en Personne ,ce n’est pas désirer  se fondre dans le divin, ce n’est pas non plus aimer l’Amour. «  Va vers toi » dit le bien-aimé, Dieu, à la bien aimée, l’humanité en devenir . ( dans le « Cantique des cantiques »).

L’Histoire humaine a un sens. Le Christ peut sembler dormir dans la barque de l’Histoire ballottée par les événements, En fait, Il est présent jusqu’à la fin des temps. Par Lui, la personne révélée à elle-même, bénéficie de la lumière de l’Esprit-Saint autant qu’elle peut la recevoir.

La personne est l’individu tourné vers Dieu et vers les autres dans l’Amour ; elle est aussi la communauté humaine, la nation libérée de toute idolâtrie par la traversée des épreuves dans la foi retrouvée. « Allez enseigner les nations et baptisez-les » dit l’évangile C’est dans ce sens qu’il est bon de voir dans les gouvernants quels qu’ils soient, les « serviteurs de Dieu ». S’ils sont mauvais, d’une part ils sont le fruit de l’Histoire du groupe et d’autre part ils deviennent l’épreuve qui révèle les illusions et les erreurs communes.

Aussi est-il bon de distinguer l’ivraie du bon grain dans la vie personnelle et dans l’Histoire.

Que le Père et le Fils et le Saint-Esprit, Dieu un, nous donne la grâce de désirer cette double lucidité, dans la patience, l’humilité et la confiance en son Amour.

        

Père Bernard