Le signe de la Croix

En Occident, on fait maintenant le signe de la Croix avec les cinq doigts, la main ouverte. Il ne s’agit pas d’une idée précise, mais d’un relâchement dans le cours de la pratique historique. En fait, autrefois dans tout le monde chrétien, et encore actuellement en Orient, on se signe en séparant deux doigts des trois autres. Ce simple geste exprime la base de toute théologie trinitaire. Le chiffre cinq étant le nombre de l’équilibre de l’homme, le trois représente la Trinité, base ontologique, et le deux, la dualité du monde : l’univers entier est enfermé dans ce geste.

Ainsi, avant d’expliquer à l’enfant que ce geste est le symbole, le véhicule de ces réalités, sans imposer rien au monde, on lui propose la plus profonde initiation trois, toute l’ontologie, deux, toute la sotériologie.

En Occident, l’on fait actuellement le signe de la Croix en partant de l’épaule gauche pour finir sur l’épaule droite. Autrefois, et chez les orthodoxes encore maintenant, on se signe en partant de l’épaule droite pour finir par l’épaule gauche. Saint Innocent III, pape de Rome, conseillait encore de faire le geste dans ce sens. C’est seulement au moment des Croisades, et pour prendre le contre-pied des Grecs, que les occidentaux changèrent le signe de la croix.

Que signifie notre façon de faire ?

On touche d’abord le front puis le cœur, formant une ligne de haut en bas, qui, si on la prolonge, symbolise les rapports entre le divin et l’homme, entre l’intelligence et le cœur. Cette ligne est à la base de l’enseignement orthodoxe dans l’hésychasme : placer l’homme devant Dieu. Ensuite, on forme la ligne horizontale, entre les épaules : toute notre vie. La première ligne, c’est le premier commandement : « Aime ton Dieu »  ; la seconde ligne, c’est le deuxième commandement : « Aime ton prochain comme toi- même ».

Conférence du père Eugraph Kovalevsky (1905-1970)[1], du 1er décembre 1952, publiée dans la revue trimestrielle Présence Orthodoxe n° 52.


[1] Saint Jean de Saint-Denis, reconnu saint par l’Église Catholique Orthodoxe de France en 2020 à laquelle il a voué sa vie.