15 décembre 2025 : 5e dimanche de l’Avent
La voix dans le désert
Homélie de Père Bernard Jakobiak,
Paroisse de la Théophanie, Montpellier
Église Catholique Orthodoxe de France
Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit,
Fils et filles de Dieu, en ce 15 décembre je suis peut-être un peu submergé par le fait que s’impose à moi un oubli. Depuis 89 ans que mon père est mort, j’oublie de me souvenir que c’est le 15 décembre, alors, c’est aujourd’hui même. Priez pour lui, je vous en remercie. Quel est son prénom ? François, il avait 29 ans.
Aujourd’hui, Isaïe nous montre ce qu’il en est de l’Avent et en particulier de cette cérémonie, de cette liturgie de l’Avent que nous célébrons maintenant. Il est dit par Isaïe que la servitude est finie, l’iniquité est expiée. Et il ajoute qu’elle a reçu du Seigneur au double de tous ses péchés, c’est-à-dire au double de tout ce qu’elle pouvait se souvenir, et comme péchés. Et cela, ça rejoint l’ensemble de ce que vous venez d’entendre dans les lectures, et dans l’Évangile : « aplanissez le chemin du Seigneur » ; afin qu’il devienne une route pour notre Dieu. Et il est dit que cette réalité, c’est le désert, et ce désert, c’est le monde. Désert de quoi ? Désert de Dieu. Le monde veut se passer de Dieu, de plus en plus au fur et à mesure qu’il acquiert des pouvoirs, disons matériels et des pouvoirs sur la nature. L’invitation est donc celle-ci : aplanir, pour notre Dieu, les lieux arides, les lieux qui ont oublié que Dieu existe. Et il est précisé que toute montagne et toute colline soit abaissée. Ici, la montagne, c’est tout orgueil, n’importe quel orgueil ; et la colline, c’est n’importe quelle vanité. Or, le monde qui veut se passer de Dieu est de plus en plus persuadé qu’il est le seul maître à bord. Et à ce moment-là, le monde refuse ce que le psaume 4 nous invite à relire ; c’est-à-dire le fait que – et c’est le Christ qui parle – comme il était depuis la fraude, le péché ; c’est à dire que l’homme en reste à la dureté du cœur au lieu d’aller vers l’évolution, seule valable pour que la vie triomphe, c’est-à-dire la douceur. Au lieu de la dureté du cœur, l’Évangile d’aujourd’hui nous invite à cultiver la douceur, et en particulier la douceur envers nos ennemis, envers ceux qui nous haïssent, envers ceux qui nous insultent, envers ceux qui veulent anéantir d’autres parce que soi-disant, ils méritent bien ça. Il y a une invitation aujourd’hui qui est presque à l’ordre du jour parce que les hommes ont beau vouloir se passer de Dieu, ils ne peuvent pas s’empêcher de voir que s’ils continuent à piller le monde au lieu d’en être le roi et le prêtre, comme ils ont été appelés à le faire, ils vont droit dans le mur. Donc, ce que dit Isaïe nous concerne de plus en plus au fur et à mesure que nous approchons du retour en gloire du Christ, retour en gloire avec tous les saints dans la lumière incréé qui fera que chacun sera devant l’évidence. Ce ne sera plus « Dieu n’existe pas », mais ce sera la stupéfaction de voir la lumière incréée envahir tout l’horizon, où qu’on soit sur la terre, à quelque nation qu’on appartienne, à quelque malheur où l’on soit arrêté ; il s’agit à ce moment-là de trouver, ce n’est pas évident, la juste place qui est la nôtre et cette juste place si on la trouve, nous est une grâce de la reconnaître. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de faire taire toute vanité, de faire taire tout orgueil, de faire taire, même sans doute, toute ambition autre que celle de trouver, au fond, dans son silence le plus intérieur, la présence indéniable de Dieu. Car en effet, nous sommes ce qu’on appelle souvent le « reste d’Israël », c’est-à-dire, nous ne sommes plus seulement dans la promesse qui était faite à Israël, dans l’espérance – Israël, c’est le peuple de l’espérance – eh bien, nous sommes beaucoup plus proches de la réalité de Dieu puisque nous devenons, si nous le voulons bien, le peuple qui connaît la réalité de la présence de Dieu dans son silence le plus intérieur ; c’est à dire le silence qui fait que la lumière divine est là, dans ce silence, et cette lumière divine est la présence du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en chacun de nous, selon l’ouverture de son cœur, l’ouverture à la douceur triomphante du vivant, et l’ouverture à tous ce qui existe. Nous sommes en effet arrivés non seulement à l’espérance, mais arrivés à concevoir que nous sommes sur le chemin où il nous est possible – selon l’ouverture de notre cœur, selon la transformation par le Tout-Puissant – de ce qui n’allait pas trop bien en nous. Nous sommes invités à découvrir le triomphe de la vie sur toute mort et sur tout manque ; à ce moment-là, de reconnaître en chacun, un frère ou une sœur en Jésus-Christ, quelle que soit sa nation, quelle que soit sa race – comme on dit – car il est évident qu’il y a une seule race – la race humaine – en de multiples variétés, en multiples diversités de cultures, de langues, etc.
Donc, nous sommes invités à cela plus que jamais, étant donné qu’autour de nous, dans le monde, des gens qui ont pris comme valeur absolue, leur propre ego ou leur souci de pouvoir ou leur souci de devenir des milliardaires afin de faire travailler les autres afin que leurs milliards deviennent encore plus grands que ceux du voisin. Et nous sommes – à ce moment-là – très capables de voir où est la vraie liberté ; la vraie liberté qui consiste à voir profondément, au plus profond de soi-même, que l’important, l’essentiel, est de concevoir que tout nous est donné dans une entière liberté de la personne qui est à l’opposé du personnage, même un grand personnage, et qui est complètement à l’opposé de l’envie de ce qu’a l’autre, et toute réponse aux flatteries à quoi nous invite la société de consommation qui voudrait suffire et limiter notre souci de vivre au pouvoir d’acheter, de profiter de tout ce qui est matériel.
Il faut voir qu’il nous est dit : « élève avec force ta voix, Jérusalem ». Eh bien, cette Jérusalem, c’est la Jérusalem Céleste, celle qui est en marche vers, justement, le retour en gloire du Christ qui fait que nous deviendrons à ce moment-là capables de dire « oui », le « oui » des Anges ou le « oui » de Marie, et de devenir totalement renouvelé et vivant à jamais.
Que ce souci soit le vôtre et qu’il soit le vôtre toute cette période de l’Avent qui est une période où nous devenons des pénitents, c’est à dire que nous sommes ouverts à ce que jusqu’à maintenant, nous n’avons pas su vivre avec assez de réalité. Alors que nous soyons avec cette réalité et que nous découvrions qui nous sommes appelés à devenir, car notre nom sera inscrit dans les cieux quand le Christ viendra en gloire, demain, après-demain ou dans 1000 ans, que le Père, le Fils et le Saint Esprit demeurent notre hôte bien aimé, quel que soit notre état.
Amen.
+ Père Bernard Jakobiak