In memoriam Serge Mouchin, évêque Cassien, né au ciel lundi de Pentecôte, 20 mai 2024

Extrait de J. O. I. E. n° 343-344, 2ème trimestre 2024
Journal Orthodoxe d’Informations Ecclésiales
Bulletin interparoissial de l’Église catholique orthodoxe de France

Christos Voskriésié ! Christ est ressuscité !

Pour Mgr Cassien qui célébrait ces dernières années selon le calendrier oriental, nous sommes au milieu de la période pascale, et nous pouvons, bien après sa naissance au ciel lui chanter ce que nous lui avons proclamé par téléphone pour la Pâque orientale depuis Pau, en nous réjouissant ensemble de la Résurrection du Christ, le vainqueur de la mort. En échangeant avec lui ce jour-là nous ne pensions pas que c’était la dernière fois que nous lui parlions, d’autant plus que nous avions sérieusement envisagé son retour au sein de notre Église catholique orthodoxe de France qu’il a beaucoup aidé en sa grande générosité, assurant pour nous la continuité de la succession apostolique. Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Et le Seigneur décide pour chacun de nous l’heure et le visage de notre mort.

Mgr Cassien a été tiré de cette terre peu de temps après ses 70 ans, deux semaines après avoir célébré la Pâque du salut. C’était un homme chaleureux qui communiquait la joie de la résurrection ; il laissait transparaître une flamme semblable qui brillait dans le regard d’un de ses congénères d’un autre siècle, saint Séraphin de Sarov. Il le vénérait, il pouvait même en avoir l’allure, et la première paroisse dans la laquelle il a servi à Paris était dédiée à ce grand saint qui s’adressait à ses visiteurs en leur disant : « Ma joie, Christ est ressuscité ! ».

Mgr Cassien laisse dans notre Église le souvenir de celui qui était heureux de vous rencontrer, qui vous regardait bien en face et vous apportait chaleur et lumière venues d’un autre monde. Il a été sacré évêque en Ukraine – il m’avait dit : c’est facile pour se souvenir dix, dix, dix » – le 10 octobre 2010, dans une église dédiée à saint Jean de Shanghai et de San Francisco, ce grand saint missionnaire originaire d’Ukraine qui a ensemencé la foi orthodoxe dans de nombreux pays du nouveau monde. Il nous disait aussi : Je ne savais pas bien pourquoi j’avais accepté d’être évêque. J’ai été poussé, je l’ai fait par obéissance (il était devenu moine après la dure épreuve de la mort de son épouse Natalia). J’ai mieux compris quand il s’est agi d’aider votre Église à élargir son épiscopat pour qu’elle continue sa mission. Et si je l’ai fait, c’est par fidélité à saint Jean de San Francisco qui avait déjà béni votre Église dans les années soixante. Beaucoup d’entre nous ici avons une dette envers Mgr Cassien, et il restera toujours dans notre prière comme celui qui nous a ouvert les bras à un moment où d’autres restaient dans l’hésitation ou le refus.

Nous prions pour lui, en demandant – pour le nouveau chemin qui s’ouvre dans sa nouvelle demeure hors du corps – la protection de son saint patron de baptême saint Serge de Radonège, de saint Cassien, moine de Marseille, fondateur du monachisme occidental après s’être imprégné des traditions spirituelles de l’Orient, bien sûr de saint Jean de San Francisco, et aussi de saint Irénée de Lyon, aussi originaire de l’Orient puisque que le 40e jour de la naissance au ciel de Mgr Cassien sera le 28 juin pour la fête de ce père de l’Église Irénée. Ce jour-là, selon ce que dit la tradition, l’âme est présentée devant la face de Dieu pour un jugement, pour lui assigner une place dans sa nouvelle demeure. Puisse saint Irénée être un bon avocat, lui qui a confessé devant l’Église la vérité de la foi droite sans déviation (ce qu’a toujours prôné Mgr Cassien), lui qui était selon son nom et son tempérament homme de paix entre les frères. Et Mgr Cassien, s’il savait défendre avec rigueur l’orthodoxie de la foi, ne supportait pas les disputes entre les frères, et cherchait toujours la réconciliation. En cela, il avait une âme catholique, universelle, bienveillante.

Évêque Benoît de Pau et d’Aquitaine Provence
Messe des funérailles
Funérarium de Marseille
Vendredi 31 mai 2024

Qui est Monseigneur Cassien ?

Nous reproduisons ici l’article paru dans le journal JOIE 282 du premier trimestre 2016.

Les premiers contacts entre Monseigneur Cassien et notre Église remontent à 2010. A cette époque, il s’adresse au recteur de notre paroisse de Juvisy, le père Jean-François Vincent, et lui demande la possibilité de célébrer la liturgie de temps en temps dans notre chapelle pour des fidèles russes et une communauté géorgienne. Le père Jean-François accepte (et des célébrations auront lieu pendant environ trois ans), notamment au nom de la mémoire commune de nos deux Églises envers cet homme de Dieu qu’était le saint archevêque Jean de San Francisco, Monseigneur Cassien
appartenant – comme lui le fut – à l’Église Russe Hors Frontières non rattachée au Patriarcat de Moscou. Les relations se sont intensifiées, surtout dans la région de Marseille, siège épiscopal et lieu de vie de Monseigneur Cassien, avec le père Henry Regimbeau et son épouse Sophie,
qui ont beaucoup œuvré et dialogué avec lui, notamment pour présenter la spécificité de l’Église catholique orthodoxe de France. Monseigneur Cassien s’est montré intéressé, quelquefois intrigué, toujours curieux, ouvert, participant aussi à une de nos « Journée Kovalevsky » organisée traditionnellement en décembre par notre Institut de théologie.

D’origine russe, issu d’une famille qui compta de nombreux prêtres, il est né à Paris en 1954 de parents émigrés. Le jeune Sergueï a toujours fréquenté l’Église orthodoxe et y a œuvré comme serviteur de l’autel et comme chantre, notamment dans l’église Saint-Séraphin-de-Sarov, rue Lecourbe à Paris (qui dépend du Patriarcat de Constantinople). En 1971, au monastère russe de Lesna (à Chauvincourt-Provemont dans l’Eure)(1), il rencontre le métropolite Philarète, primat de l’Église Russe Hors Frontières, et après de nombreux échanges, il décide de rejoindre cette
Église.

Marié en 1972 à Natalia Lefebvre, orthodoxe convertie, il occupe différents emplois, notamment au Ministère de l’Éducation Nationale, et plus tard comme caviste dans un magasin de négoce. Le 11 novembre 2003 (fête de saint Martin de Tours dans notre pays), il est ordonné diacre pour la paroisse Saint-Georges à Marseille, où il s’est installé pour des raisons de santé.

Le 17 mai 2007, l’Église orthodoxe russe hors frontières et le Patriarcat de Moscou, qui s’étaient séparés peu après la révolution bolchévique en Russie, décident de rétablir la communion eucharistique et l’unité canonique. Une petite fraction de cette Église, à laquelle le diacre Sergueï reste fidèle, refuse la communion avec Moscou. Pour assurer la continuité de la vie paroissiale, il accepte d’être ordonné prêtre et nommé recteur de cette paroisse.

Le 7 avril 2010, jour de l’Annonciation dans le calendrier julien, il reçoit la tonsure monastique, son épouse étant décédée trois ans auparavant des suites d’une longue maladie. Il prend le nom de Cassien, en l’honneur de saint Jean Cassien le Roumain, ce père du monachisme dont « le lieu de naissance et de la fin de jours appartenait à l’Occident, mais qui, selon l’esprit et l’éducation, appartenait à tout l’Orient (2) ».

Le 10 octobre 2010, le hiéromoine Cassien est sacré évêque, sur le siège épiscopal de Marseille, pour diriger le diocèse d’Europe occidentale de cette Église orthodoxe russe hors frontières non rattachée à Moscou. La consécration a lieu dans l’église Saint-Jean-de- Shanghai à Kiev (en Ukraine), sous la présidence de Monseigneur Vladimir, archevêque de San Francisco et de l’Amérique de l’Ouest, en présence de cinq autres évêques de cette Église.

Le 29 janvier 2016, Monseigneur Cassien a rejoint l’Église catholique orthodoxe de France. Les deux jours suivants, il a donc été, aux côtés de Monseigneur Germain, mon consécrateur dans l’ordre redoutable de l’épiscopat, m’accordant le bénéfice de ses conseils et de son expérience.

Qu’il reçoive multitude de bénédictions !

Évêque Benoît

1 – C’est dans ce monastère que sa mère, la moniale Barbara, passera une trentaine d’années de sa vie jusqu’à sa naissance au ciel l’an dernier, âgée de près de 100 ans.
2 – Cassien est né sur terre en Roumanie et né au ciel à Marseille en 435 (il est fêté le 29 février), dans l’abbaye Saint- Victor qu’il a fondé et où ses restes sont toujours vénérés.