Pèlerinage en Russie 1996

Pèlerinage en Sainte Russie
Du vendredi 18 au lundi 28 avril 2008

Béni soit notre Dieu qui nous a permis de réaliser ce superbe pèlerinage en Russie, mis en route et organisé par Vatelier d’iconographie Saint-Luc – Saint-Aubin durant la deuxième quinzai­ne de juillet. Trente-sept pèlerins étaient du voyage : parmi eux, Monseigneur Germain, les deux évêques de l’Église copte orthodoxe française, Abba Marcos et Abba Athanasios, notre évêque élu, l’archiprêtre Jean-Pierre Pahud, et cinq prêtres de notre Eglise.

À Moscou, je suis surpris par la pauvreté et la grisaille des bâtiments, l’état délabré de la chaussée et de la plupart des voi­tures, la file des centaines de pauvres gens vendant debout des produits hétéroclites devant la gare de Kiev, non loin de notre hôtel. Moscou-la-Belle nous montre d’abord son côté sombre qui contraste avec la beauté de la Place Rouge et de la célèbre église Basile-le-Bienheureux, qui dévoile ses couleurs chaudes surtout au coucher du soleil. Magnifique encore la forteresse du Kremlin encadrant de nombreuses églises aux coupoles bleues ou dorées, bâties les unes à côté des autres, témoins de la foi d’un peuple et de ses souverains.

Saint Serge de Radonège

Le hasard du circuit élaboré par une agence de voyages veut que nous nous rendions à la Laure de la Trinité Saint-Serge, à Serguei Possad (anciennement Zagorsk) pour l’une des fêtes de ce grand saint russe, le 18 juillet, jour de l’invention de ses reliques. Il y a là une foule fer­vente, revêtue d’habits de fête, plusieurs milliers de fidèles de tous âges et de toutes condi­tions. Deux ou trois d’entre nous réussiront à se frayer un chemin dans l’église de l’Assomption où célèbre le patriarche Alexis II, tandis que des évêques président les litur­gies dans les autres églises de la Laure. Là où nous sommes, un prêtre et un diacre sont ordon­nés, au sein d’un office captivant où la foule chante avec le chœur le Credo et le Notre Père.

Il y a bien trois à quatre heures d’attente dans une file pour pouvoir vénérer les reliques de saint Serge de Radonège : grâce à l’interven­tion de notre guide du moment, un étudiant de l’Académie de théologie de Moscou intégrée dans la Laure, tout notre groupe est admis par une porte latérale dans l’église de la Trinité pour se recueillir sur le tombeau de ce géant spirituel de l’Eglise russe. Les pèlerins russes acceptent ce passe-droit sans broncher, intri­gués à notre égard, heureux d’apprendre que nous sommes des orthodoxes venus de France.

Nos évêques et nos prêtres sont souvent sollicités pour donner la bénédiction aux adultes et aux enfants ou pour recevoir une intention de priè­re, ce qui sera fréquent au cours de notre voyage, même, à notre grande surprise, dans le métro moscovite.

Moscou et le patriarche Serge

Le lendemain, nous nous rendons au monastère Daniloe, dans la banlieue de Moscou, où se trouve le siège du départe­ment des relations extérieures du patriarcat. Après que notre évêque et une délégation aient été reçus par l’évêque Clément, nous visitons les églises du lieu fondé par saint Daniel, fils du prince saint Alexandre Nevsky. Dans une chapelle latérale, nous chantons un hymne à saint Séraphim de Sarov devant son icône disposée auprès d’un morçeau de la pierre, sur laquelle il pria mille jours et mille nuits, et d’une de ses sandales en cuir.

C’est un vendredi : l’après-midi, en Russie, on célèbre tra­ditionnellement les mariages. Entre deux célébrations, l’archiprêtre de l’église de la Théophanie nous accorde de pouvoir remercier le patriarche Serge, auprès de son tombeau, pour la bénédiction qu’il accor­da à notre Eglise orthodoxe occidentale en 1936, de chanter un extrait de l’acathiste qu’il composa en l’honneur de la Mère de Dieu et de lui souhaiter “Mémoire étemelle

Entretien avec un métropolite

Monseigneur Germain s’envole pour Paris afin de pour­suivre ses activités pastorales en France tandis que nous conti­nuons notre pèlerinage avec Serguei G., un ami, autrefois interprète auprès du patriarcat, qui saura ouvrir pour nous les portes de l’Église russe. Ainsi nous aurons la chance d’être reçus pendant une heure par le métropolite Nicolaï de Nijni- Novgorod, la troisième ville du pays : avec chaleur et passion, il nous parle de la reconstruction de l’Eglise dans son diocèse et répond avec franchise et bien­veillance à toutes nos questions.

Avec la révolution communis­te, il n’y avait plus en 1940 qu’une seule église ouverte au culte dans cette ville d’un mil­lion et demi d’habitants. Aujourd’hui, elle compte vingt paroisses et deux monastères, remis en service avec l’aide du gouvernement local mais sur­tout celle des fidèles et des “babouchkas” qui puisent sur leurs maigres revenus pour sub­venir aux besoins grandissants de l’Église. Sans elles, l’Église russe n’aurait pas tenu dans les temps difficiles. Les prêtres manquent et les séminaires ont du mal à fonctionner convena­blement faute de moyens. Les fidèles demandent à être ins­truits des bases de la foi ortho­doxe (ce qui ne pouvait se faire pendant les soixante-dix années de régime communiste), et l’on a instauré des “écoles du dimanche” pour les enfants comme pour les adultes.

Nous chantons au métropoli­te un vigoureux “Ton despotin” ( ‘J’ai cru entendre chanter des russes. ” nous dit-il), après quoi chacun de nous reçoit de sa main une médaille de saint Séraphim bénie lors du retour de ses reliques au monastère de Diveevo en 1991 [1]

Nous nous rendons compte des difficultés de la rénovation lorsque nous visitons un des monastères de Nijni-Novgorod, au bord de la Volga, habité par un moine et cinq novices, dans un état de délabrement telle­ment avancé que les moines pas­sent et se découragent devant les travaux à accomplir. Nous sommes très émus quand celui qui nous reçoit nous raconte que les moines ont été noyés dans le fleuve lors de la révolu­tion : selon les témoins, l’on entendit quelques minutes un chant à la Vierge montant du dessous des eaux.

Encouragement pour notre Eglise

A Moscou à nouveau pour un jour, pour visiter la galerie Tretiakov (et notamment les fameuses collections d’icônes anciennes), j’ai la joie d’être reçu pendant une heure par le père G., recteur d’une paroisse dans le centre ville. Je suis sur­pris que son collaborateur, un jeune homme d’une trentaine d’années, connaisse si bien l’existence des trois frères Kovalevsky et que notre Église leur soit connue. Tous deux encouragent à poursuivre la route tracée malgré les embûches, malgré l’appréhen­sion que peut susciter une expé­rience nouvelle dans l’ortho­doxie. Le père G. me pose plusieurs questions satisfait d’avoir un témoignage direct sur notre Église qu’il connaît surtout par ouï-dire.

Novgorod est une grande ville, célèbre pour son école d’iconographie. La cathédrale Sainte-Sophie est l’église la plus ancienne de la Russie, nous y contemplons une fresque de saint Constantin et sainte Hélène datant du XIe siècle. Nous sommes invités à y concé­lébrer les vêpres : deux de nos prêtres sont revêtus de l’étole et de la chasuble, proclamant cha­cun une doxologie en français tandis que notre chœur chante des hymnes et des cantiques ves­péraux, en alternance avec la chorale russe, et que les deux évêques coptes oignent les fidèles présents avec l’eau béni­te. Bénédiction divine dans ce creuset de l’orthodoxie russe, en ce jour de la fête de saint Jacques le Majeur.

Hommages aux anciens

A Pskov, dans la cathédrale de la Trinité, nous pouvons admirer une iconostase récente du père Zénon, quelquefois appelé le “nouveau Roublev”, actuel supérieur d’un monastère de la ville. Notre guide nous parle du staretz Nicolas qui vit sur une île de la rivière Volkof, possède une icône de la Mère de Dieu suintant de l’huile et qui prodigue conseils spirituels à tous ceux qui le visitent.

Nous aurons aussi beaucoup d’émotion au monastère des Grottes à Petchori, lieu de paix profonde et de grande beauté, qui me rappelle le mont Athos. Marchant à la lueur des cierges dans les couloirs interminables creusés dans le sable, nous chan­te “Accorde le repos” et “Mémoire éternelle” pour les centaines de moines qui y sont enterrés, ces perles précieuses de l’Église. L’archimandrite Tikhon nous gâte, offrant le pain et un déli­cieux kvas fabriqués dans le monastère, des reproductions d’icônes pour les clercs et pour chacun un disque des chants des cloches, fierté du monastère, qui sonneront pour nous en guise d’adieu.

A Saint-Petersbourg, tandis que certains ne veulent pas man­quer les célèbres collections de tableaux de l’Ermitage, d’autres vont à la liturgie dans l’église Saint-Nicolas des Marins : les évêques et les prêtres sont admis dans l’immense sanctuaire de style baroque, nous sommes sai­sis par la superbe voix de basse du diacre chantant l’évangile de la multiplication des pains. Nous remarquons que le prêtre donne l’absolution générale avant la communion, à laquelle beaucoup participent dans cette ville où vécut saint Jean de Cronstadt, défenseur de la com­munion fréquente.

Nous ne pouvons pas résister à nous rendre au 14, quai Griboiedova devant l’immeuble habité par les Kovalevsky avant leur départ pour la France lors de la révolution. Nous nous y recueillons et chantons en plei­ne rue les trois tropaires “O saints martyrs,.. ” efi l’honneur de l’évêque Jean. A gauche, il y a l’église Notre-Dame de Kazan, non entièrement rendue au culte : en mémoire de la famille Kovalevsky dont c’était l’église paroissiale, nous offrons à son recteur une icône de sainte Anastasie. À droite, se dresse l’église du Sauveur sur le sang versé, bâtie sur le lieu où a été assassiné Alexandre II, qui abolit le servage : c’est là que la “niania” d’Eugraph l’emmenait sou­vent à l’office.

Nous sommes obligés d’abréger notre programme, car le jour du départ est proche. Une de nos dernières visites sera pour le monastère de femmes de saint Jean de Crondstadt, récemment réouvert sur le lieu même où le saint a été enterré ; auprès de son tombeau, dans la crypte, nous chantons son tropaire et une moniale demande au père Jean-Pierre d’oindre les fidèles avec l’huile en train de brûler dans la veilleuse posée sur sa sépulture. Elle nous indique qu’encore aujourd’hui de nombreux miracles de guéri­son s’accomplissent ici [2]. On remet à chacun d’entre nous une fiole de cette précieuse huile, avant de nous régaler avec un thé et de délicieux pirochkis.

eglise du sauveur sur le sang versé

Eglise du sauveur sur le sang versé (rebaptisée de la résurrection du Christ) où la « niania de l’évêque jean l’emmenait quand il était enfant. »

Le jour même du départ, une poignée de pèlerins se risque à courir vers l’extérieur de la ville pour vénérer sainte Xénia, cette folle en Christ née au ciel vers 1800, protectrice des habitants de Saint-Petersbourg : personne ne connaît le chemin et pour­tant, munis seulement d’un plan de métro, nous sommes guidés sans perdre de temps jusqu’au cimetière qui est un immense bois touffu. Puis nous parvenons directement à la chapelle où repose le corps de la sainte que nous prions quelques instants, avant d’arriver pile à l’heure du départ de notre autobus vers l’aéroport.

Merci à l’Église orthodoxe russe, à son clergé et à ses fidèles qui nous ont chaleureu­sement accueillis et qui nous ont permis de partager leur vie spiri­tuelle, dans la lumière des nom­breux saints et martyrs de la terre russe, dans la contempla­tion des temples et des icônes destinés à la gloire de la Divine Trinité, à qui appartient hon­neur et adoration aux siècles des siècles. Amen.

Prêtre Jean-Louis Guillaud

[1]. En 1990, les reliques de saint Séraphim de Sarov ont été retrouvées dans la crypte de l’église Notre-Dame de Kazan à Saint-Petersbourg, transfor­mée depuis les années trente en musée de l’athéisme (cette église était celle que fréquentaient les Kovalevsky). En juillet 1991, elles sont transportées solennellement au monastère de Diveevo fondé par le saint, non loin de Nijni-Novgorod, ce qui donna lieu, tout au long du parcours, à d’impor­tantes manifestations de la ferveur du peuple russe.

[2]. Nous avons également l’occasion d’y vénérer une icône miraculeuse du manteau de la Vierge, qui s’est renou­velée en 1992.