L’Avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle

L’AVÈNEMENT DES CIEUX NOUVEAUX
ET DE LA TERRE NOUVELLE

Père Gilles Bertrand Hardy

Cette conférence a été faite par le Vicaire Général de notre Eglise de France, pendant le temps de l’Avent 1970, à Nice, lors de l’hommage rendu à la Présidente des « Amitiés philosophiques internationales », Mme de Buttafoco, née au Ciel peu auparavant. Le T.R.P. Gilles rappela que Mgr Jean disait d’elle qu’elle était une des femmes les plus intelligentes qu’il ait rencontrées, et dont il remarquait l’honnêteté intellectuelle, et il souligna l’importance de la pensée humaine qui peut engendrer des événements considérables et modeler le monde.

Pourquoi choisir un sujet aussi vaste et aussi peu défini ? Parce que nous sommes à une époque où l’on voit se produire un certain nombre de catastrophes guerrières, cosmiques. Il y a eu un tremblement de terre au Pérou, puis cette immense vague qui a détruit le Pakistan ! Nous arrivons vers la fin du XXe siècle et je connais beaucoup de gens qui disent : « Ah ! Ah ! Vous allez voir, c’est la fin des temps… » Peut-être est-ce la fin des temps ! Mais peut-être est-ce le renouvellement du monde… d’une autre manière ? Cela nous ne le savons pas, nous devons simplement chercher.

Je voudrais vous parler de ce phénomène : « les Cieux Nouveaux et la Terre Nouvelle » comme quelqu’un qui est nourri par la Tradition Patristique. « Le Ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas », dit le Christ dans le discours sur la Fin des Temps – que nous retrouvons chez tous les Evangélistes. Il ne dit pas exactement quand cela va arriver, Il ne donne pas de précisions historiques : en 1940, 1970 ou en l’an 2000, mais il donne des étapes que nous pouvons repérer. Prenons l’Évangile de Luc pour avoir un schéma.

Première étape : « Il y aura des guerres et des désordres, et une nation va se lever contre une nation ».

Deuxièmement : tremblement de terre, peste, famine et signes dans les cieux.

Ensuite ce ne sont plus les nations qui s’élèvent les unes contre les autres ni la peste ni les tremblements de terre sur la planète, mais : « vous serez persécutés à cause de mon Nom » ; les disciples du Christ mis à mort.

Quatrièmement : « Jérusalem sera investie » c’est l’étape de la destruction du Temple. Nous pouvons prendre « Temple » dans une multitude de sens, mais je ne peux m’y arrêter.

Il ajoute : « Malheur à celles qui seront enceintes ! » Ici nous avons un signe ; le monde naturel (car qu’y a-t-il de plus naturel que d’être enceinte ?) est mis en cause et commence à être détruit de même que l’homme.

Après, Il passe au bouleversement cosmique et enfin à l’arrivée du Fils de l’Homme et Il dit : « le Royaume des Cieux est proche ». Vous voyez, il y a ici six étapes successives dans le changement, la transformation du monde, annoncés par l’Evangile :

– guerre entre les nations,

– bouleversement de la planète Terre,

– persécution des disciples,

– investissement de Jérusalem et du Temple,

– bouleversement cosmique,

– et « Venue du Fils de l’Homme ».

Passons maintenant à Jean l’Evangéliste. Dans l’Apocalypse au chapitre 20, 21 : « Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle », tout le panorama est posé. D’un côté les bouleversements de toute nature, physiques, psychiques, naturels, spirituels dans l’humanité, d’un autre côté bouleversements cosmiques et, après, un certain jugement.

Première constatation : le monde ancien passera et le nouveau sera.

Deuxième constatation ou première conclusion : nous croyons et confessons avec les évangélistes la destruction de toutes choses et leur renouvellement. Voilà pourquoi le Christ a dit : « vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas de ce monde ». Nous pouvons commettre deux fautes. Que signifie « être de ce monde », être métaphysicien, philosophe, scientifique, socialiste, monarchiste ou démocrate ? – je prends exprès des domaines excessivement disparates – Non pas que nous ne devions pas être métaphysicien, philosophe etc. mais nous ne devons pas absolutiser tous ces domaines de l’esprit ou de la vie pratique, parce que les Cieux Nouveaux et la Terre Nouvelle doivent apparaître à la suite du renouvellement ; ou bien, nous devons les considérer comme des instruments d’enseignement ou de transformation de notre être ou du monde mais tenant compte des Cieux et de la Terre Nouvelle. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, en ouvrant les journaux, les livres – je parle de notre époque tout à fait concrète – nous installons le monde, comme s’il devait durer selon un mode linéaire et continu de génération en génération où la survie est celle de père et mère à enfant. Il n’y a pas du tout cette irruption de la notion de Cieux Nouveaux et de Terre Nouvelle. On est de ce monde : la Science avance, elle installe des sismographes à droite et à gauche, elle repère les lignes de force des tremblements de terre, elle envoie des satellites dans les cieux où ils décèlent les ouragans (l’ouragan qui a dévasté le Pakistan était prévu au moins huit jours à l’avance, les journaux ont commenté tout cela). Progressivement on veut domestiquer, arranger la terre et les cieux selon un certain processus. La destinée de l’homme est d’essayer de domestiquer mais aussitôt il va lui échapper beaucoup de choses : il veut domestiquer le cancer ? Alors apparaîtront de nouvelles maladies. L’homme croit saisir les rênes de la vie et celle-ci lui échappe par ailleurs.

Etre de ce monde consiste à absolutiser des conceptions qui sont transitoires. Mais il y a la faute inverse qui consiste à mépriser le monde. Nous ne pensons pas du tout que cette poussière, que cette personne désagréable, que cette société qui me brime ou qui ne satisfait pas mes désirs, seront renouvelées. Etre de ce monde avec trop de force ; mépriser ce monde avec encore plus de force, détermine deux attitudes : le monisme et le dualisme.

Malgré notre infirmité nous devons arriver à une certaine conception de « ciel et terre ». Ouvrons le livre de la Genèse : « Dans le principe (au commencement) Dieu créa le ciel et la terre ». De même nous chantons dans le Credo : « Dieu Créateur du ciel et de la terre, du visible et de l’invisible ». Laissons de côté toutes les subdivisions possibles. La terre c’est le visible, tout le visible, depuis les innombrables systèmes solaires que l’on découvre (Mars est déjà un système solaire, mais il y en a des milliers), jusqu’à la cellule biologique. Cette terre c’est le cosmos-matière ; et le ciel ce n’est pas l’inverse, c’est l’invisible – ce n’est pas Dieu – c’est le monde invisible, spirituel, noétique, comme le disent Teilhard de Chardin et un certain nombre de penseurs contemporains, ou angélique ; ou bien encore ce qu’est l’esprit par rapport à la matière. Ce sont deux mondes différents, réels, coexistants, mais pas deux aspects d’une même réalité. Saint Basile le Grand, qui était Evêque au IVe siècle, disait « chronos » et « épichronos » sur-temps ou ce qui dépasse le temps, ajoutant : « Nous devons nous habituer à nous mouvoir dans ces deux mondes ». L’Evangile ne dit pas « chronos, épichronos », mais : « La terre c’est : 1, les cieux : 99 ». Le Christ précise : « J’ai 99 brebis, Je Suis le bon Pasteur, Je laisse les 99 pour aller chercher la centième. » La centième est ce qui complète 99 (100 = la plénitude), c’est l’humanité, qu’Il vient prendre sur ses épaules. Alors on peut dire ciel-terre, esprit-matière, chronos-épichronos, temps-sur-temps, 1-99, ou 1-999, ou 1-9999 : c’est en effet la proportion de la terre par rapport aux cieux. Les mondes invisibles sont d’une immensité prodigieuse par rapport aux mondes visibles. Supposez que je ne sois pas prêtre, que je sois un homme de science qui vous fasse un discours sur les espaces célestes. Nous allons jongler avec les milliards d’années-lumière, 50 milliards d’années-lumière, eh bien ! vous saisirez ! C’est inimaginable, mais vous serez transportés ! Ensuite l’on rentre chez-soi et l’on fait cuire le bifteck, ou l’on s’occupe du chat… Les milliards d’années-lumière, et le bifteck et le chat, c’est le rapport entre le visible et l’invisible, le céleste et le terrestre. Nous vivons dans ce « chronos » qui nage dans l’immensité du monde invisible. Vous savez que le livre de la Genèse commence par : « Béréchit Elohim bara ». Il commence par Bêt il ne commence pas par Alpha, Aleph, il commence par Bêt : l’origine du monde est duel ! Que sont ces deux ? Ciel et terre, haut et bas, lumière et ténèbres, sec et liquide, jour et nuit, intérieur et extérieur… Nous pourrions ajouter une liste interminable.

Ayant bien posé « ciel et terre », qui coexistent, voyons maintenant l’homme. Dans le livre de la Genèse, l’homme c’est Adam, qui commence par Aleph et signifie par conséquent 1. Ici nous avons la vision de cette chose sublime, qu’on oublie je ne sais pourquoi : l’homme est la synthèse de cette terre et de ces cieux, de tous ces dualismes originels. L’homme unit le ciel et la terre, le visible et l’invisible, le haut et le bas, esprit et matière, tous ces dualismes qui aspirent à l’unité. Leur unité se trouve dans l’homme. Voilà ce qui fait que l’homme n’est ni un esprit dans un corps ni un corps avec un esprit surajouté. L’homme n’est pas l’esprit et l’invisible. L’esprit et l’invisible c’est l’Ange ou le démon. L’homme n’est pas non plus le corps et le visible. Le visible c’est le cosmos, ce sont les milliards de systèmes solaires. L’homme est l’union, la synthèse, disons le mot : le mariage sacré du visible avec l’invisible. C’est la rencontre unique de ces deux ! Mais l’homme n’est pas seulement la synthèse il est aussi le libérateur de tous ces mondes là. Nous lisons dans l’Ecriture : « le monde entier gémit dans l’attente de la liberté glorieuse des Enfants de Dieu ». C’est le problème de la personnalisation de chaque parcelle, dans la vision du monde eschatologique que l’on retrouve dans toutes les traditions. « La terre bondit comme un bélier », elle a sa liberté, elle se promène comme nous nous promenons maintenant et l’on verra les étoiles, la terre, les choux, les carottes, les chèvres, danser… avoir une certaine autonomie, autocéphalie. Comment la synthèse s’accomplit-elle en l’homme ? Par la descente du supérieur vers l’inférieur : l’esprit informe la matière, descend dans cette matière, l’invisible vient vers le visible et le haut vers le bas. Attention ! L’esprit peut vivre sans la matière, il est subtil, il est vivant, il peut très bien se passer de la matière mais il n’est pas justifié. Quant à la matière, et je crois que c’est un aspect de notre culture, elle peut persécuter l’esprit, lui disant : « Je te prends ton dynamisme et je te lie ». Beaucoup de matérialistes font cela. Mais la matière ne peut vivre sans l’esprit, elle meurt ; mais elle peut par contre persécuter l’esprit. L’esprit peut vivre sans la matière mais il n’est pas justifié. Ce qu’il faut c’est que la terre entre dans le domaine céleste ou invisible. Je prendrai un seul exemple. Le monde angélique – c’est le monde invisible – s’abaisse jusqu’au monde matière, temps-espace, il se penche et tout à coup ce monde là commence à vivre une vie nouvelle. Pourquoi n’est-ce pas palpable ? Parce que le monde invisible lorsqu’il est exact ne nous viole pas ; autrement dit, il meurt pour que nous vivions, il ne s’impose pas : c’est tout le dynamisme du monde qui commence à apparaître.

Le métier d’un Ange c’est de mourir, et tout ce qui est supérieur meurt – ce n’est pas autre chose que – par exemple – la machine à vapeur de Denis Papin : le chaud donne sa chaleur au froid et la machine tourne ! On retrouve cela dans tous les domaines. S’il s’agit du ciel et de la terre (c’est-à-dire là ou il y a coupure et en même temps désir d’entrer en rapport) lorsque la synthèse des deux commence à s’accomplir, l’humanité commence à vivre. Que s’est-il passé ? Cet homme synthèse, Adam primordial, devait accomplir un mouvement semblable, s’abaisser vers ces mondes pour les transformer et les humaniser. Un grand saint, Maxime le Confesseur disait : « Qu’est-ce que la vision du monde Transfiguré ? C’est l’homme déifié, les animaux humanisés, les végétaux animalisés et les minéraux vitalisés ». Mais cette vision n’est possible que par la descente du supérieur vers l’inférieur. Comment en effet l’inférieur peut-il monter ? Prenons l’exemple des syndicats. Quelle tension ! Ils disent : « Nous voulons la transformation du monde ! »… et ils exigent de ceux qui sont au-dessus d’eux qu’ils s’abaissent vers eux pour qu’ils procèdent vers le même niveau. Mais la différence de niveau n’est pas considérable, c’est pour cela que l’élévation ne sera pas remarquable. Si Marx n’avait pas été un homme cultivé, un intellectuel, s’il ne s’était pas penché sur le monde industriel, sur le sort de l’ouvrier, s’il avait été un petit ouvrier de New-Castle en Angleterre, on n’aurait jamais entendu parler de lui ! Il n’y aurait pas eu de Marxisme. C’est le mouvement du supérieur vers l’inférieur qui commence les transformations. Mais quand l’homme refuse Dieu, la nature lui devient hostile. Une certaine culture officielle et athée dit : « Bah ! Dieu, vas-t-en ! » Pour la nature, voilà ce que disait un vieux sage chinois : « J’admire beaucoup la technique et la science de l’Occident particulièrement européen, vous faites des choses admirables, vous prenez les minéraux, les minerais, vous prenez tout à la terre et ensuite vous construisez des machines ; mais il y a une chose que je n’ai jamais comprise : pourquoi ne dites-vous pas merci à la terre ? » Tout ceci ne se fait pas en un jour, mais procède lentement vers un certain homme isolé, coupé de Dieu, coupé de la nature cosmique. Alors le visible et l’invisible se détachent, et le ciel et la terre partent en guerre l’un contre l’autre car ne l’oublions pas, l’homme est la synthèse des deux. L’homme moderne est une fausse synthèse : il profite du cosmos mais ne l’élève pas. Je peux vous raconter une histoire qui m’est arrivée avec Mgr Jean. Nous étions un jour au Portugal devant un magnifique paysage sur les bords de l’Océan. Nous allions partir, c’était le soir. Mgr me dit : « Tu sais j’étais pris par la beauté de ce lieu, j’ai commencé à en profiter et j’ai pensé : Non c’est à toi de dire quelque chose. Alors j’ai dit : « Christ est ressuscité ! » La réponse a été :« Cela fait douze siècles que personnes ne me l’a dit !… »

D’un côté l’homme profite du cosmos mais ne l’élève pas, de l’autre il profite des lois, du monde invisible, mais il refuse Dieu. Nous arrivons à ce paradoxe que dans la pensée nous sommes monistes : le monde sans l’invisible et dans la pratique nous sommes dualistes, et les rapports horizontaux deviennent prépondérants. Par exemple le phénomène social qui envahit tout. On dit : « Monsieur vous devez être social ! » Tout est « social » ! Peut-être est-ce bien, mais ce phénomène social commence à cacher les rapports verticaux qui sont du ciel et de la terre. Qu’est-ce que les Cieux Nouveaux et la Terre Nouvelle ? C’est la restauration des rapports du monde visible avec le monde invisible, de ce qui est en haut et de ce qui est en bas, de l’intérieur avec l’extérieur ; c’est la restauration de tous ces rapports exacts avec les êtres vivants.

Revenons au discours du Christ sur la fin des temps. « Une nation s’élè­vera contre une nation », cela veut dire que l’homme a la nostalgie de restaurer l’Unité, et ce désir peut procéder de l’esprit de domination : une nation veut nourrir toutes les autres à cause des séparations dans le domaine horizontal.

« Peste, famine, tremblement de terre ». C’est la nature hostile car nous vivons dans le monde sans ciel. Le ciel est là, réellement, mais nous ne lui rendons pas hommage ! Aucune synthèse !… « Persécution des disciples » cela c’est le phénomène central, le refus de la pénétration de Dieu dans le destin même de l’humanité.

« Jérusalem investie » c’est le monde naturel, j’ai parlé des femmes enceintes, c’est l’hostilité !

« Bouleversements cosmiques » c’est la terre sans les cieux. La terre sans les cieux subit automatiquement les bouleversements cosmiques. Le monde invisible s’agite, faute d’arriver à cette synthèse. La terre s’agite également, faute d’arriver à cette synthèse pour laquelle elle est créée, c’est-à-dire établir les rapports horizontaux dans le monde. La terre convoite le ciel et réciproquement, car ils sont fait pour le mariage, mais la pénétration du supérieur devient difficile. Nous élevons des murs mais au lieu d’y placer une coupe nous y mettons un dôme ! C’est un peu le même cas avec la prière. Une des méthodes de la prière consiste à faire le vide à l’intérieur de nous-mêmes, de ne pas dire : « Ah ! Qu’est-ce que je vais faire ? Construire une cathédrale ? » et énumérer tout ce dont on va l’orner. Nous posons un dôme et rien ne peut entrer et l’on est trop occupé à en faire l’historique ! Mieux vaut le vide, cela attire le monde invisible…

La restauration se fait par la Croix. La Croix est la restauration des rapports verticaux, du ciel avec la terre, et en même temps horizontaux : l’homme avec lui-même, l’homme avec la nature, et puis avec ce qui est au-dessus de lui, Dieu, le Fils de Dieu. C’est la « solution du monde » ; mais comme nous n’appliquons pas « la solution du monde » tout est détruit pour être refait individuellement et collectivement, et l’homme ne permet pas la restauration de ces rapports libres entre le ciel et la terre. Nous avons nos thèses ! « Moi je pense que… je sens que… je veux que… » au lieu de constater que les rapports libres du monde visible et de l’invisible, physique et spirituel, ont leurs propres lois. Nous voulons imposer nos lois. Telle est la grande difficulté, que l’homme ne permet pas cette restauration.

Cependant nous avons un exemple de ces Cieux Nouveaux et de cette Terre Nouvelle dans l’histoire. Unique exemple ! Il porte un nom : Marie. Pourquoi Marie est-Elle Vierge et Mère, qu’est-ce que la virginité par rapport à ce que nous venons de dire ? La virginité de Marie consiste à préserver ce monde visible, c’est-à-dire de ne pas se précipiter dans toutes les situations du monde horizontal, activité professionnelle ou psychologique, de le garder intact pour le monde supérieur. Tel est le phénomène de la virginité de Marie. C’est une terre ancienne ! parce qu’Elle est née de toute cette humanité qui progresse lentement pour donner ce personnage absolument unique et central, cette virginité de la terre, terre attentive au monde invisible, angélique, noétique, à tel point que la tradition rapporte qu’Elle connaissait les Anges et ne s’étonnait pas de les voir, étant perpétuellement dans leur intimité.

La maternité de Marie, c’est la restauration des rapports libres du ciel et de la terre. Il ne suffit pas d’être attentif aux cieux, encore faut-il qu’ils entrent en rapport avec la terre, sinon quel intérêt, ces cieux qui ne servent à rien ?

Un monde spirituel, angélique, même idéaliste dans un autre domaine, qui ne peut se concrétiser dans notre existence, à quoi peut-il servir ? Quel intérêt peut-il avoir ? Peut-être devons-nous « tirer les Anges par les pieds » pour les faire descendre jusque dans notre existence concrète ? Vérifiez, si c’est possible ! Autrement nous devenons ces idéalistes qui ne volent pas très haut…

Marie est cette terre ancienne mais qui refuse le dualisme du monde terrestre de la planète. Que se passe-t-il ? Elle attire les cieux, Elle fait descendre les Anges et les démons. Lorsque nous nous ouvrons, ne serait-ce que dix minutes par jour, au monde invisible, vous remarquerez que les Anges arrivent mais aussi les démons. C’est une des raisons pour laquelle les moines n’ont pas une vie si facile ! Ils s’extraient de ce monde, pour garder une certaine virginité terrestre ; qu’est-ce qui prend place ? Tout le monde invisible, qui est immense, et certains moines deviennent malades ou sont très atteints parce que le monde invisible les envahit. Nous n’avons pas cette difficulté parce que nous n’avons pas tellement ouvert la porte à ce monde invisible, alors il ne nous agite pas trop… mais si nous commençons à lui ouvrir la porte, il va s’agiter ! C’est pour cela que nous avons besoin d’un Père spirituel. La personne qui se préserve dans cette virginité devient une terre nouvelle et elle recrée le mouvement antique du visible et de l’invisible. Alors qu’advient-il ? la nouveauté absolue : c’est la naissance du Verbe dans les entrailles de la Vierge. Elle est le monde ancien où tous les rapports sont exacts : l’invisible est 99 et le visible 1 dans Marie. Elle est cette terre ancienne qui aspire au renouvellement. Ce monde qui devient totalement nouveau par la descente du Verbe dans ses entrailles. C’est pour cela que la tradition l’appelle « Paradis raisonnable ». Ciel et terre sont revenus aux origines par la conquête de l’humanité, parce qu’Elle n’est pas seule, il y a les générations qui la précèdent et de son sein jaillit le Restaurateur des Cieux Nouveaux et de la Terre Nouvelle.

Nous avons un petit exemple dans la vie quotidienne. Un enseignement spirituel, puissant, fécond entre dans l’un d’entre nous. Comme il nous renouvelle ! N’avez-vous jamais été profondément secoué par un mot qui pénètre dans votre esprit ou dans votre cœur ? Quelque fois la vie entière en est transformée : prémices des Cieux Nouveaux et de la Terre Nouvelle. Tel est le mécanisme mais pour pouvoir l’entendre il faut provisoirement faire cesser les « bruits » qui nous entraînent de tous côtés dans le monde actif, professionnel, etc.

L’Avènement des Cieux Nouveaux et de la Terre Nouvelle, c’est le monde qui a la nostalgie de ses origines et qui veut entrer dans le mouvement même selon lequel il est construit.

Alors il y a les troubles et les tremblements de terre, dans notre vie individuelle, comme dans la vie des civilisations car on ne peut dire qu’il y ait des tremblements de terre uniquement sur la planète ! Il y a des tremblements de terre en nous ! Quelqu’un vit normalement et puis, admettons au bout de 40 ans, le tremblement de terre intérieur a lieu. Parce que cette terre qui est notre corps, qui est tout notre monde visible, aspire à entrer en rapport avec le monde invisible. Mais si l’invisible qui est le notre, à la mesure de chacun, ou notre culture devient statique, il viendra un autre bouleversement parce que le monde entier aspire aux Cieux Nouveaux et à la Terre Nouvelle !