Rapport préconisant un concile orthodoxe

RAPPORT PRÉCONISANT UN CONCILE ORTHODOXE

La Divine Contradiction, Vincent Bourne,

Librairie des Cinq Continents, p. 87-92 (extraits).

LA CONFRÉRIE DE SAINT-PHOTIUS

WLADIMIR LOSSKY – Le 11 mai 1928, en l‘église confrériale, Wladimir Lossky devient membre de la Confrérie. Il est placé sous les ordres du Frère Eugraph Kovalevsky à la section Saint-Irénée et il sera nommé plus tard président de la Confrérie. Pendant plusieurs années, il est l’ami-disciple du futur Mgr Jean de Saint-Denis.

PRÉMICES DE L’INSTITUT DE THÉOLOGIE

« Le 22 octobre 1928, a lieu l’inauguration de la Commission Saint-Jean le Théologien dont le but est l’établissement d’un programme scolaire. E. Kovalevsky est nommé président et W. Lossky secrétaire. Elle est, en vérité, le début de l’Institut Saint-Denys pour les questions dogmatiques et théologiques et, en particulier, la révision de l’histoire en Occident ». (R. 1947)

L’Orthodoxie occidentale, elle revient sans cesse sur les lèvres du Frère Eugraph !

RAPPORT PRÉCONISANT UN CONCILE ORTHODOXE

(Nous laissons de côté pour l’instant l’année 1930, lourdement chargée du « schisme eulogien » et de la déchirure dans la Confrérie ; nous l’examinerons ultérieurement.)

1931, Eugraph a vingt-six ans. l’Église universelle est son souci, sa raison de penser et de vivre. Le rapport exprime tout son esprit ; il est dédié vraisemblablement au locum tenens du Patriarche de Moscou, le Métropolite Serge.

« La Confrérie, au nom de notre Père Saint Photius le Confesseur, salue Votre Sainteté, ainsi que toute Votre Église en ce jour du « Triomphe de l’Orthodoxie » (1er dimanche de carême) où la Sainte Église témoigne au monde sa victoire sur les ennemis de l’Hadès, impuissant à vaincre la Fiancée du Christ qui repose sur la Pierre de la confession de la foi véritable et de la sauvegarde de la succession apostolique dans la hiérarchie. Nous prions Dieu glorifié dans la Trinité, afin qu’Il élève et fortifie Votre Sainteté et tous les évêques orthodoxes, pour l’instruction des croyants et le zèle dans la Vérité, ainsi que pour le maintien de l’unité de la Sainte Coupe, afin que par cela nul ne se trouve hors du Corps du Christ, mais que tous demeurent fidèles au Christ qui sanctifie Sa fiancée pour la « présenter à Lui-même toute glorieuse, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. » (Eph. 5, 27)

Profitant de l’occasion, la Confrérie se permet d’adresser à Votre Sainteté une filiale demande d’instruction et d’éclaircissement au sujet de toute une série de questions qui surgissent pour elle, touchant la réunion préconciliaire qui doit être convoquée, en l’été 1932, sur l’initiative du Patriarche Œcuménique.

La Confrérie garde l’espoir qu’en dépit de la multitude des préoccupations pastorales, Vous ne la priverez pas de Votre parole instructive sur les questions suivantes.

Est-ce que le pro-Synode étudiera, au préalable, les décisions des grands Conciles orthodoxes :

– I –

1. celui de Constantinople (879), confessant et confirmant la doctrine sur le Saint-Esprit ;

2. celui de Constantinople (1351) et les suivants défendant et définissant la doctrine des Énergies incréées du Saint-Esprit et de la grâce ;

3. du grand Concile de Moscou (1667) apaisant les tendances papistes de Sa Sainteté Nikon, et affirmant la différence entre le muable et l’immuable dans l’Église ;

4. de Bethléem-Jérusalem (1672), convoqué au sujet de Cyrille Lukaris, affirmant la vraie doctrine des Sacrements et votant aussi d’autres décisions importantes, en liaison avec le Concile de Iassy ;

5. la réunion des Patriarches orientaux qui publia ce que l’on nomme Épître des Patriarches d’Orient en réponse au Patriarche de Rome 1848 – ainsi que l’Épître de Sa Sainteté Anthime VII – 1895 – acceptée par toute l’Église et consacrée aux mêmes problèmes ?

Ces Conciles seront-ils assimilés à l’autorité des Conciles Œcuméniques, de telle manière que le Concile en préparation devienne le quatorzième dans l’ordre des Conciles Orthodoxes ou, en tout cas, leur autorité infaillible sera-t-elle affirmée ?

Cela prouverait au monde occidental que l’Église orthodoxe, après le départ du Patriarcat de Rome, n’a pas cessé d’instruire, et que semblable à l’arbre nourri de l’Esprit Saint, elle continue de croître, préservant de l’attentat des hérésies de tous les temps et de tous les pays, les traditions de la Vérité évangélique. Alors, pour les Orthodoxes aussi, le Concile Oecuménique en préparation deviendrait plus explicite, en couronnant la doctrine véritable de l’Église.

Si, d’une part, au cours des sept premiers Conciles Œcuméniques, avant le « Triomphe de l’Orthodoxie « , les Pères ont confirmé dogmatiquement toutes les vérités, fortifiant notre foi en l’humanité salvatrice du Christ, d’autre part, depuis Photius le Grand jusqu’à nos jours l’Église défendait les vérités liées à la mystérieuse Pentecôte (procession du Saint-Esprit du Père, incréation des Dons, transmission apostolique, sacrements, l’Église et le monde etc.). On peut dire aussi que si l’Église jusqu’au IXe siècle dut défendre la Vérité exprimée dans la première partie du Symbole de la Foi, jusqu’au Ve siècle, celle du Dieu Créateur contre les hérésies antitrinitaires (l’arianisme et autres), jusqu’au IXe particulièrement l’incarnation du Fils de Dieu et la vénération des icônes comme dogme découlant de celui de l’Incarnation ; on peut dire aussi qu’à partir du grand Photius, du IXe siècle jusqu’au XVe siècle, elle lutta contre les « filioquistes >, les « bogomils », les « barlaamites » et autres adversaires du Saint-Esprit et, à partir du XVe siècle jusqu’à nos jours, combattant les adversaires de la hiérarchie, des sacrements, de la Tradition (les peu chrétiens (sic) anti-épiclésistes, Vieux-croyants, monothéistes) et se trouvant face aux nouvelles doctrines hérétiques ( cosmothéistes, etc.) l’Église, incontestable ment, défend la deuxième partie du Symbole jusqu’aux mots je confesse ».

Ce développement logique et mystérieux de la défense de la Vérité est le signe sublime que l’Église n’est pas sans Chef, mais que son Grand Archevêque et Pasteur est lui-même la Sagesse hypostatique, le Verbe de Dieu. Aussi, pensons-nous que les décisions des Conciles énumérés élèveront sûrement les croyants et serviront au Triomphe de l’Orthodoxie dans l’univers.

– II –

C’est pourquoi nous nous intéressons à l’opinion de Votre Sainteté sur la guérison du mal de l’Orthodoxie actuelle qui se traduit, avant tout, par la négligence de l’unité doctrinale, dans l’Église orthodoxe (nous ne parlons pas des domaines où sont admis des théologoumènes (opinions théologiques) »).

Certains se prennent à penser que dans l’Église il n’existe point d’unité doctrinale, mais un total arbitraire d’opinions ; d’autres, aussi bien orthodoxes que surtout hétérodoxes, critiquent qu’il n’y ait point chez elle de voix d’autorité, et enfin, ce qui est le pire, nombre de croyants, intéressés par les nouvelles fausses doctrines que permet le silence de l’Église, s’en vont, loin de la simplicité de la Tradition.

Votre Sainteté, ne trouve-t-elle point que la négligence de l’unité doctrinale provient du fait que l’humanité actuelle, intéressée avant tout par la recherche de la paix extérieure, a rompu le commandement divin qui nous enseigne que la Vérité procède de la paix ? Nous pensons qu’à cause de cela s’est produit le fait que la sauvegarde de la Vérité, considérée comme la préoccupation de l’Église catholique tout entière, non seulement des évêques niais de tout le peuple (voir l’Épître des Patriarches orientaux de 1848) est devenue ces derniers temps, le travail des théologiens spécialisés, ou de telle ou telle autre Église locale. l’Église orthodoxe est alors placée au même niveau que les autres Églises et sectes, privées de la plénitude doctrinale.

– III –

Nous désirerions avoir votre opinion sur les mesures que le Pro-Synode compte prendre pour mettre fin aux tristes divisions à l’intérieur de l’Église, provenant de la rupture de la Tradition de l’unité de la Coupe. Nous parlons de la tentation pour les croyants, ainsi que pour les hétérodoxes attirés vers l’Église, tentation qui découle des frontières indistinctes de l’Église.

Nous considérons de notre devoir de vous dire que seuls l’affirmation et le renforcement des décisions des Saints Pères peuvent rendre le pouvoir et l’autorité aux évêques de l’Église, restaurer au sein du peuple la conscience de son unité, en gardant à l’Orthodoxie la liberté qui lui est propre et que recherchent les chrétiens d’Occident qui l’ont perdue, mais à cause des désordres ecclésiaux durant les dernières décades ils arrivent à l’idée néfaste que là où est la liberté il ne peut y avoir d’ordre salvateur.

En dehors de ces questions essentielles que nous osons soumettre à l’attention de Votre Sainteté, laissant de côté pour l’instant une multitude de questions pratiques nous concernant, et d’autres plus particulières comme par exemple : l’examen du calendrier (nouveau style) la proclamation et glorification universelle de certains Saints locaux qui apparurent comme des défenseurs de la Vérité Catholique, tels que Saint Photius, Saint Marc d’Éphèse, Saint Séraphin de Sarov… l’autorité centrale de l’Église, les possibilités de la réunion de certains Chrétiens, aussi bien orientaux qu’occidentaux, la mission de l’Église parmi les païens, les établissements d’enseignement supérieur de l’Église, etc., moi, suppléant du président de la Confrérie, je me permets d’attirer l’attention de Sainteté sur deux questions encore qui intéressent vivement deux sections de notre Confrérie :

Saint-Irénée (occident), et Saint-Alexis (orient).

Étant donné l’intérêt de nombreux Chrétiens occidentaux pour l’Orthodoxie, le Pro-Synode discutera-t-il les questions suivantes, et quelle est votre opinion à leur sujet ?

a) la possibilité de la restauration d’un Siège romain,

b) les droits des Églises locales d’Occident, dans le cas de leur

réintégration au sein de l’Église chrétienne,

c) la possibilité de reconnaître le rite occidental et son maintien

pour les Orthodoxes occidentaux,

d) les relations avec les hétérodoxes et la connaissance de leurs

limites (intercommunion, réunion pour des questions pratiques).

Servant au Triomphe de l’Orthodoxie et aspirant à l’affermissement de l’autorité des Évêques de l’Église, en tout lieu, la Confrérie Saint-Photius se fait un honneur d’être au service de Votre Sainteté et sollicite les saintes prières et la bénédiction de Votre Sainteté. »

Le suppléant du Président : Eugraph Kovalevsky [traduit du russe].

Dès 1931, Eugraph Kovalevsky exprime avec clarté le but de son action : redonner à l’Occident sa conscience propre au sein de l’universalité de l’orthodoxie. Sa pensée restera inchangée jusqu’à son départ de la terre.