Entretiens 1986

DOCUMENTS CONCERNANT LES ENTRETIENS
AVEC LE SAINT SYNODE DE L’EGLISE DE ROUMANIE.

20 décembre 1986

I – Lettre du Conseil épiscopal de l’Eglise orthodoxe de France

A PROPOS DE L’ENTRETIEN DE SA BEATITUDE THEOCTIST,

PATRIARCHE DE ROUMANIE, AVEC MONSEIGNEUR GERMAIN DE SAINT-DENIS,

EN DATE DU 19 NOVEMBRE 1986

Le Conseil épiscopal informe tous les clercs et les fidèles de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France des faits suivants, car il les juge graves pour l’avenir de notre Eglise.

LES FAITS

Notre évêque Mgr Germain, ayant été invité à prendre part à l’élection (9 novembre 1986) et aux cérémonies d’intronisation (16 novembre 1986) de Sa Béatitude Théoctist nouveau patriarche de Roumanie, a eu le privilège à Bucarest de s’entretenir avec ce dernier ainsi qu’avec deux membres du Synode permanent de l’Eglise de Roumanie. Or, les nouvelles exigences formulées à cette occasion par le patriarche et les membres du Synode permanent remettent en cause les conventions signées en 1972 et tout particulièrement, en ce qui concerne :

– le nom de notre Eglise,

– le rite,

– la compétence territoriale

En ce qui concerne le nom de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France, il est exigé de supprimer le terme « EGLISE » pour le remplacer par celui de « DIOCESE » afin que nous ne prétendions plus être autre chose que le « DIOCESE CATHOLIQUE ORTHODOXE DE FRANCE DU PATRIARCAT DE ROUMANIE ».

En ce qui concerne le rite, il est exigé que le RITE BYZANTIN soit officiellement célébré le dimanche dans toutes nos paroisses, ce qui sous-entend l’adoption et du calendrier et des ornements orientaux. La liturgie de saint Germain de Paris n’est pas interdite mais devient secondaire.

En ce qui concerne la compétence territoriale, il est interdit à l’évêque Germain d’accorder sa sollicitude à tous les occidentaux orthodoxes hors des frontières de la France. Il est demandé à l’évêque Germain d’imposer ces mesures dans les plus brefs délais.

Une visite en France du métropolite Nicolas du Banat, en février prochain, en serait l’échéance.

EVOLUTION DE NOS RELATIONS AVEC L’EGLISE DE ROUMANIE

Pour comprendre la situation présente, rappelons brièvement l’historique de nos relations avec l’Eglise orthodoxe de Roumanie.

En 1967, alors que notre Eglise était en quête d’un lien canonique avec une Eglise-sœur, l’évêque Jean de Saint-Denis rencontrait Sa Béatitude Justinien, patriarche de l’Eglise de Roumanie. Ce dernier, attentif à l’universalité de l’Eglise Orthodoxe et aux besoins de notre Eglise, demandait à l’évêque Jean de fournir au Saint-Synode roumain un dossier permettant de vérifier la canonicité de notre Eglise, tant dans la confession de la Foi à travers la vie ecclésiale, que dans la pratique liturgique et la vie spirituelle.

Le Saint-Synode de Roumanie, après avoir soigneusement étudié le dossier, a effectivement reconnu l’authenticité de la restauration de l’ancien rite des Gaules et, en 1972, a béni notre Eglise en l’accueillant au sein de la juridiction de l’Eglise orthodoxe de Roumanie.

Entre-temps, l’évêque Jean de bienheureuse mémoire est né au ciel (1970) mais l’Eglise de Roumanie consolidait sa décision en consacrant un nouvel évêque pour l’Eglise catholique orthodoxe de France, Mgr Germain, ceci en date du 11 juin 1972.

Or, dès 1974, le patriarche Justinien apportait des restrictions quant à l’interprétation à donner aux statuts signés en 1972. Cependant les choses sont restées en l’état, aussi bien durant le patriarcat de Sa Béatitude Justinien que de son successeur Sa Béatitude Justin et ce, jusqu’à la naissance au ciel de ce dernier le 31 juillet 1986.

Pour lever toute ambiguïté sur l’avenir des relations entre l’Eglise de Roumanie et l’Eglise catholique orthodoxe de France, le Conseil épiscopal a cru bon d’écrire, le 4 octobre 1986, au Saint-Synode de Roumanie afin que soient redéfinis clairement les termes de nos statuts.

Lors de l’entrevue du patriarche Théoctist avec l’évêque Germain, en novembre dernier, la réponse apportée fut sans équivoque. Non seulement elle ne répond pas à l’attente de la lettre du Conseil épiscopal, mais elle formule des exigences qui dénient les actes signés en 1972.

CONSEQUENCES DES NOUVELLES EXIGENCES

Il est évident que ces nouvelles exigences dénaturent profondément la personnalité de notre Eglise et remettent en cause ses principes fondamentaux face à sa mission historique.

Si ces exigences devenaient effectives, nous devons comprendre que le départ de notre évêque serait inéluctable à double titre :

– parce que l’évêque Germain, ayant étésacré pour être évêque de l’Eglise catholique orthodoxe de France, jugera impossible d’accomplir sa mission au service d’une Eglise qui renie sa spécificité,

– parce qu’il laissera la place à un autre hiérarque qui sera mandaté pour la mise en application des nouvelles dispositions. La situation est grave et appelle une résolution urgente étant donné que l’échéance probable est février 1987.

En conséquence, le Conseil épiscopal demande à l’ensemble du clergé et des fidèles de se prononcer à nouveau sur le Statut de notre Eglise (décisions réciproques prises entre l’Eglise orthodoxe de Roumanie et l’Eglise catholique orthodoxe de France, en 1972) et, plus précisément, sur les trois mesures imposées dernièrement par l’Eglise de Roumanie à travers notre Evéque, mesures décrites au début de cette lettre.

Le Conseil épiscopal réunira les documents ainsi fournis et enverra trois de ses membres en délégation auprès du Patriarche et du Saint-Synode permanent de l’Eglise de Roumanie, afin de leur remettre ces déclarations sur l' »Eglise catholique orthodoxe de France ».

On espère de cette façon permettre à l’Eglise orthodoxe de Roumanie de renouveler la responsabilité des actes canoniques produits par elle en 1972, actes qui fondent l’autonomie de notre Eglise.

Le Conseil épiscopal

21 septembre 1987

POUR MEMOIRE : Mgr Germain adresse au patriarche Théoctist la « Lettre ouverte » publiée en annexe page 248.

7 octobre 1987

II – Documents de la Chancellerie du Saint-Synode de l’Eglise de Roumanie :

(adressés aux paroisses de l’Eglise catholique orthodoxe de France, aux autres Eglises orthodoxes et aux autres Eglises chrétiennes).

AU SUJET DE SON EXCELLENCE GERMAIN ET DE

L’EVECHE ORTHODOXE CATHOLIQUE DE FRANCE

Le 6 juin 1972, l’Eglise Orthodoxe Roumaine a décidé d’accorder assistance canonique à un diocèse orthodoxe de France siégeant à Paris, en vertu de la demande et de la « profession de foi » de celui-ci, présentées par écrit au Saint-Synode.

Par cet acte, l’Eglise Orthodoxe Roumaine a considéré recevoir ainsi sous sa juridiction une unité ecclésiastique ayant l’autonomie dont bénéficie tout diocèse, selon la tradition et les règles canoniques orthodoxes.

Mais, bientôt après, le chef de ce diocèse, Son Excellence l’Evêque Germain, a manifesté des tendances d’individualisation et de non observation des règlements et des canons orthodoxes, de cette manière n’arrivant pas à s’intégrer dans l’orthodoxie oecuménique. La situation créée a suscité de l’inquiétude et a entraîné de nombreuses discussions dans le cadre du Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine et du Synode Permanent, chaque fois lui étant recommandé d’observer les règles liturgiques et canoniques orthodoxes.

En vue d’une réglementation, depuis l’année 1974 la situation du diocèse a été analysée avec l’évêque Germain et les représentants de celui-ci, aboutissant à la conclusion d’un « Protocole » concernant le développement d’une activité correcte qui conduise à la communion avec les autres hiérarques orthodoxes de France et qui évite tout écart qui pourrait nuire à la bonne coexistence avec les autres Eglises chrétiennes de France et d’autres pays.

Quoique l’Evêque Germain et ses collaborateurs aient assuré qu’ils respecteront le Protocole conclu, par la suite ils ont fait preuve d’individualisation de la vie ecclésiastique et de tendance à s’éloigner de la doctrine orthodoxe, créant ainsi une atmosphère de confusion et de suspicion, de nature à influencer de manière négative les rapports entre l’évêque, les prêtres et les fidèles, ainsi qu’avec les autres diocèses orthodoxes de France et d’autres pays.

Dans ce contexte, le Patriarcat Roumain invite Son Excellence l’Evêque Germain et les représentants du clergé et des fidèles de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France, en vue de clarifier la situation où l’on est arrivé et de l’intégration de son chef et de son clergé dans les règlements canoniques.

CHANCELLERIE DU SAINT SYNODE

N.B. Cette circulaire fait état de ce que : « Son Excellence l’Evêque Germain (..) n’arrive pas à s’intégrer dans l’Orthodoxie œcuménique ; ce qui « nuit à la bonne coexistence… ; et elle justifie cette situation par des « tendances d’individualisation » de l’Evêque. Comme, de l’ensemble de ce texte, transparaissait manifestement la méconnaissance de l’ordonnance édictée en 1975 parle Patriarche Demetrios interdisant toute relation avec l’Evêque Germain, ce dernier prit la liberté d’en informer le Synode roumain qui, en effet, n’en avait pas eu connaissance, et qui demanda que lui soit envoyée une photocopie de ce document.

16 octobre 1987

III – Lettre de Monseigneur Germain (en commentaire au texte précédent).

AUX CLERCS ET AUX PAROISSES DE
L’EGLISE CATHOLIQUE ORTHODOXE DE FRANCE

Mes clercs et fidèles bien-aimés,

Vous avez reçu, ou vous allez peut-être recevoir prochainement, un texte intitulé : « AU SUJET DE L’EVEQUE GERMAIN ET DE l’EVECHE ORTHODOXE CATHOLIQUE DE FRANCE » texte publié et diffusé par la Chancellerie du Saint-Synode de l’Eglise Roumaine[1].

Vous comprendrez facilement, à la lecture de ce document, l’embarras réciproque ainsi créé entre notre Patriarcat et nous-mêmes quant au statut ecclésiastique et canonique de notre Eglise. Ce statut est-il remis en cause, doit-il être aménagé et comment cela pourrait-il se faire ? Autant de questions que ce document, transmis également aux autres Eglises orthodoxes et aux autres Eglises chrétiennes, ne laisse pas facilement percevoir.

Empli d’émotion et d’inquiétude devant une initiative synodale que rien ne me permettait d’attendre sous une telle forme, je demande à notre Patriarche Théoctist ce qu’il convient de penser et de faire maintenant. Je vous ferai part, dès que possible, de la réponse et des entretiens entre Sa Béatitude le Patriarche et nous-mêmes sur ce sujet.

En attendant ce temps je vous prie de garder la paix, la confiance dans l’Eglise et de vous souvenir que nous avons donné à notre Patriarche, au mois de février dernier, avec notre foi, tout précision sur notre personnalité ecclésiastique, sur notre ardeur à la promouvoir sans préjudice pour quiconque et sur notre fidélité à l’Eglise de Roumanie qui bénit avec cœur et vérité, en 1972, notre Eglise sur son chemin.

Il semble, à travers les lignes du texte invoqué, que la Chancellerie du Saint-Synode soit mal informée sur nos relations réciproques et qu’elle soit aussi sollicitée pour suspecter notre foi et notre vie d’Eglise par quelques uns des autres diocèses orthodoxes en France et par leurs correspondants dans d’autres pays d’Occident.

Je veux croire pour le moment que la seule question posée soit celle de la personnalité de notre Eglise. Je crois que cette personnalité continue, comme elle le fait depuis cinquante ans, de promouvoir une ecclésiologie à laquelle les héritiers de l’Église d’Orient ne sont pas tous habitués.

Je vous prie tous, en conséquence, de prier ardemment la Très Sainte et Divine Trinité et tous nos fondateurs et précurseurs, particulièrement les Saints Evêques, Archevêque et Patriarches :

Jean de Saint-Denis, Jean de San-Francisco, Serge de Moscou, Justinien et Justin de Roumanie pour que les yeux et les cœurs de nos frères orthodoxes s’ouvrent à cette cause qui est la nôtre et que les patriarches précédemment nommés ont unanimement appelé :

« L’EGLISE ORTHODOXE D’OCCIDENT’

En vous bénissant, je fais appel à votre fidélité, à celle qui vous engendra à la foi et à la vie orthodoxes.

                       X Germain

7 novembre 1987

IV – Déclaration de l’Assemblée Générale Extraordinaire de l’Église Catholique Orthodoxe de France

A SA BEATITUDE LE PATRIARCHE THEOCTIST ET
AU SAINT-SYNODE DE L’EGLISE DE ROUMANIE.

Statutairement convoquée par son Président Monseigneur Germain de Saint-Denis et le Conseil Episcopal, l’Assemblée Générale Extraordinaire de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France s’est réunie le samedi 7 novembre 1987, à 14 heures, en l’Eglise Cathédrale Saint-Irénée, 96 boulevard Auguste Blanqui 75013 PARIS. A l’Ordre du Jour:

– Information et discussion du texte diffusé par la Chancellerie du Saint-Synode du Patriarcat de Roumanie le 7 octobre 1987 et intitulé : « AU SUJET DE SON EXCELLENCE GERMAIN ET DE L’EVECHE ORTHODOXE CATHOLIQUE DE FRANCE ».

– Réponse à apporter par l’E.C.O.F. à ce texte.

– Vote des décisions prises.

Rassemblée autour de l’Evêque Germain, l’Assemblée a examiné les implications ecclésiales du texte cité dans l’Ordre du Jour.

Etant donné la gravité des termes du texte de la Chancellerie de l’Eglise de Roumanie, l’Assemblée doit maintenant se prononcer. Elle le fait, tout d’abord, en proclamant sa fidélité à son Evêque, Monseigneur Germain.

L’Assemblée assure Sa Béatitude le Patriarche Théoctist de son profond respect et de son attachement filial, de son désir sincère et véritable de conserver la sainte bénédiction de l’Eglise de Roumanie. Elle formule l’ardent espoir que Sa Béatitude le Patriarche Théoctist et le Saint-Synode accepteront avec une paternelle sollicitude, de l’aider à clarifier la situation pour trouver la paix avec les autres frères orthodoxes.

L’Assemblée dans une attitude filiale, présente à Sa Béatitude quatre réflexions :

1- La confession de la Foi et la Doctrine Orthodoxes demeurent au centre de la vie de l’E.C.O.F.

Si des maladresses d’expression dans des écrits et des erreurs de comportement ont pu prêter à mettre en doute la vérité et la solidité du dogme, l’Assemblée est prête à amender ce qui devrait être et demande conseil à Sa Béatitude dans ce domaine essentiel.

2 – L’Assemblée espère que les dispositions fondamentales des Statuts canoniques de 1972 demeurent inchangées dans l’esprit de Sa Béatitude. Elle suggère que certains éléments du protocole de 1974 servent de base au dialogue entre Sa Béatitude, le Saint-Synode et les représentants de l’E.C.O.F., afin de rechercher des aménagements pratiques devant faciliter la reconnaissance de l’E.C.O.F. par les autres éparchies orthodoxes en France et permettre d’entrer en communion avec celles-ci.

3 – L’Évêque Jean de Saint-Denis écrivait à Sa Béatitude le Patriarche Justinien, en date des 28 et 29 juin 1969, au nom de l’Assemblée Générale de l’E.C.O.F. :

« La renaissance de l’Orthodoxie en Occident, en France particulièrement, renaissance qui a derrière elle plus de quarante années de labeur, de lutte et de fidélité, présente un intérêt pour l’Orthodoxie tout entière. Elle restaure dans les temps présents l’ampleur de l’Orthodoxie des premiers siècles qui unissait l’Orient et l’Occident dans la même foi, les mêmes dogmes et la même ecclésiologie. L’Eglise de France est le messager de la richesse inépuisable de la tradition orthodoxe dans tous les milieux et tous les pays d’Occident. Vers elle se tournent les Orthodoxes occidentaux de l’étranger : Suisses, Allemands, Norvégiens, etc. conscients qu’elle seule peut apporter une solution à leur recherche angoissée. (Cf. « Présence Orthodoxe« , 3ème trimestre 1972, n° 19, page 17, 4ème alinéa)

L’Assemblée sait, cependant, que l’existence de clercs et de communautés en dépendance de l’Evêque Germain dans divers pays d’Occident crée des difficultés à l’Eglise de Roumanie avec les autres Eglises Orthodoxes représentées dans ces pays.

Pour préserver le principe de « communauté orthodoxe occidentale », l’Assemblée demande à Sa Béatitude le Patriarche Théoctist d’accepter que soit réexaminée, cas par cas, la situation de chacune des personnes et des communautés en question.

4 – L’Assemblée approuve que l’Evéque Germain, accompagné de représentants de son clergé et de ses fidèles, se rende à l’invitation qui lui est faite par Sa Béatitude le Patriarche Théoctist, dans le but de clarifier la situation et apporter la paix fraternelle au sein des communautés orthodoxes et des autres Eglises chrétiennes. La présente déclaration a été soumise au vote de l’Assemblée Générale et approuvée à l’unanimité des délégués présents, selon la liste de présence ci-jointe.

Certifié conforme pour valoir ce que de droit