ANNONCIATION
Mgr Germain, évêque de Saint Denis
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
C’est l’archange Gabriel qui a annoncé à Marie le mystère de l’Incarnation. Lorsque les femmes sont venues au tombeau du Christ pour annoncer la Résurrection, c’est lui qui a dit aussi«Ne cherchez pas, il n’est pas là, il vous attend en Galilée».Il y a là une cohérence du mystère qui est tout à fait remarquable. Je souhaite que la grâce de cette fête extraordinaire profite à tous ; cela consiste à regarder de tous les côtés, car le mystère nous échappe de manière centrale, mais ne nous échappe pas à côté, sur les pourtours.
Marie est le seul personnage que le Christ nomme dans l’Évangile du nom de«Femme»avec un grand F. Il lui donne deux fois ce nom de Femme, il ne lui dit pas Mère ou Marie, il dit Femme. Aux noces de Cana, par exemple, il dit :«Femme que me veux-tu ?»,et sur la Croix, il s’adresse à elle en montrant l’apôtre Jean :«Femme, voici ton fils».Il ne s’adresse jamais à un homme en lui disant «Homme», par contre il s’adresse à la femme. Ce qui montre que le nom de Femme tel qu’il le luidonne est totalement accompli, réalisé en Marie.
Qu’est-ce qui est réalisé en Marie qui lui permet d’avoir cette plénitude ? C’est qu’elle a engendré dans ses entrailles un Dieu, ce qui ne s’est jamais produit dans l’univers. Le rôle de la femme, ou plutôt sa fonction unique, c’est d’engendrer, de mettre au monde ; nous sommes tous passés par le sein de la mère. Marie est le chef-d’œuvre de toute l’humanité passée, présente et à venir. Dieu l’a désignée, l’a regardée non parce qu’elle avait un mérite particulier mais parce qu’en elle converge tout le génie de l’humanité, et tous les efforts possibles et imaginables qui ont donné une créature sublime et unique en son genre.
Considérons la chose suivante : lorsqu’après la création, Dieu s’est approché de l’homme, il lui a fait une proposition:«Si tu veux, je te propose de m’aimer et si tu aimes en vérité, aime par exemple, le monde inférieur, le monde cosmique avec les animaux, les plantes, la terre sèche ; si tu fais cela, moi je t’aimerai et je te donnerai ma propre vie».Ainsi, dans l’initiation chrétienne, Dieu nous propose :«Si tu veux, je vais devenir ton intime et ton ami, c’est-à-dire, je vais m’engendrer à ta propre vie. Je suis ton créateur, eh bien je deviendrai en même temps un homme parmi les hommes».La proposition du Créateur est une sorte de paradoxe : il ne force pas la porte pour venir, c’est ce qu’on appelle la justice divine. La justice consiste à préserver coûte que coûte la liberté de l’Être, la liberté des hommes : il est venu en demandant la permission et la porte s’est ouverte sur la venue de Dieu parmi les hommes. La dernière porte qui s’ouvre, c’est Marie, et Il fait irruption dans son sein.
Marie était dans le Temple et elle connaissait parfaitement bien les anges, ce n’est donc pas la visite de l’ange Gabriel qui l’a surprise, mais ce qu’il disait, et ensuite elle lui répond :«Oui, je suis la servante du Seigneur».
Arrêtons-nous là un moment : je ne sais pas si dans votre propre vie vous éprouvez de temps en temps que notre être, notre vie est une sorte de prison. Nous sommes ficelés par les circonstances, la profession, une multitude d’événements, même par notre âme, nous n’avons jamais eu autant de crises d’angoisses, de neurasthénie qu’à notre époque. Pourquoi ? Parce qu’on a chassé Dieu de la civilisation depuis quatre siècles. Aussi, lorsque nous sommes dans cette sorte de prison nous pouvons dire intérieurement :«Ô Dieu, viens à mon aide !».Il viendra et à ce moment là faisons comme Marie, faisons taire notre mentalité, nos soucis, nos inquiétudes pour comprendre comment ce Dieu-là pense ou agit. C’est ce que Marie a fait pour ouvrir la dernière porte ; l’ange Gabriel lui a dit tu vas concevoir, mais comment une vierge peut-elle concevoir sans homme. Marie à posée la seule question de possibilité :«Je vais engendrer, mais je ne connais pas d’homme».
Nous pouvons tous faire la même chose avec Dieu selon la manière dont il se comporte avec nous, c’est-à-dire qu’il va nous révéler une sorte d’impossibilité, et celle-ci va venir au devant de nous et précédera en général la question qu’on va nous poser, elle se résoudra parce qu’on l’on viendra sans cause au devant de Dieu, c’est-à-dire librement, Il donnera une réponse libre. C’est ce qu’il y a de plus sublime dans Marie, c’est cette sorte de liberté totale de l’être qui regarde ou écoute l’auteur même de la liberté et les deux se rencontrent pour donner le fruit de leur relation réciproque. Marie est la synthèse du ciel et de la terre et des relations entre le ciel et la terre. C’est un personnage d’une présence et d’une puissance tout à fait extraordinaires.
Soyons tous des êtres libres et qu’à notre Dieu soit honneur et gloire aux siècles des siècles.
Amen !