Synode Russe HF 1960

ORDONNANCE SYNODALE

Synode des Evêques de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières

29 et 30 juin 1960

L’Ordonnance du Synode des Evêques de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières des 29 et 30 juin 1960 est, après le célèbre Décret de 1936 de feu le Patriarche Serge de Moscou, la deuxième date historique de notre Eglise.

Les responsables de notre Eglise Orthodoxe de France ont depuis longtemps pris connaissance du texte intégral de la dite Ordonnance. Il nous semble opportun, aujourd’hui, de la répandre plus largement, en en donnant du moins de grands extraits :

Le Synode des Evêques de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières à

Son Eminence Jean, Archevêque de Bruxelles et de l’Europe Occidentale

Le Synode des Evêques de l’Eglise Orthodoxe Russe « hors frontières, 16/29 et 17/30 juin 1960,

Attendu :

La cause des Paroisses orthodoxes françaises, de l’organisation de leur vie, de leur développement ultérieur et de l’approbation canonique de leur administration.

Le Synode des Evêques s’est informé de l’histoire complète de ce mouvement, et de son évolution depuis le moment de son apparition jusqu’à ce jour.

L’Ordonnance retrace objectivement l’historique de l’Orthodoxie occidentale, depuis les premières démarches de l’Evêque Louis Charles Irénée Winnaert auprès du Patriarche de Constantinople, jusqu’à nos jours. Cet exposé se termine par le texte de la Décision du Concile des Evêques, promulguée à l’intention de notre Eglise le 11 novembre 1959, fête de Saint Martin (v. n° 23).

Notons, avant d’aller plus loin, deux mises au point qui reflètent la compréhension du Synode :

a) Au sujet de la réunion de la communauté de Mgr Winnaert au Patriarcat de Moscou, il écrit :

« Cette communauté considérait son entrée dans l’Orthodoxie non comme une conversion à une nouvelle confession, mais comme le retour à la foi de ses Pères, c’est-à-dire comme la reconnaissance de l’E­glise des Gaules, absorbée en son temps par Rome et arrachée par elle au monde Orthodoxe. »

b) Et, en face des crises survenues entre les Français et les Orthodoxes orientaux, il porte le jugement suivant, sans charger qui que ce soit :

« L’autonomie des communautés françaises n’était pas précisée canoniquement de façon claire au temps de son appartenance au Pouvoir ecclésiastique de Moscou, ni, par la suite, lorsqu’elles passèrent sous la juridiction du Métropolite Vladimir, en tant qu’Exarque du Patriarche Œcuménique en Europe Occidentale. Une compréhension différente de l’am­pleur de l’autonomie provoqua les crises.

Après l’historique de notre Eglise et la citation de la Décision du Concile des Evêques de novembre 1959, l’Ordonnance continue :

« La Décision du Concile et les conditions prévues par lui pour la réception de l’Eglise Orthodoxe de France furent communiquées par l’Archiprêtre Eugraph Kovalevsky à son troupeau, par sa lettre pastorale du 12 mars 1960[1].

« Dans la correspondance qui suivit cette lettre, les représentants de l’Union des Associations cultuelles orthodoxes françaises, Eglise Orthodoxe de France, sollicitèrent l’approbation des statuts de leur Eglise, et demandèrent à plusieurs reprises de sacrer le plus rapidement possible leur Evêque en la personne de l’Archiprêtre Eugraph Kovalevsky, en tant que leur pasteur à qui ils se sentent profondément redevables, et dont l’élection s’est renouvelée à chaque Assemblée Générale.

« De Votre côté, Eminence, Vous soutenez pleinement cette demande, de même que celle de l’approbation du projet de statuts, auquel Vous considérez utile d’ajouter un paragraphe. »

Puis, l’Ordonnance écrit que le Synode des Evêques a entendu, de plus, les lettres des laïques français faisant partie de l’Administration de l’Eglise Orthodoxe de France, un rapport détaillé de l’Archiprêtre Eugraph Kovalevsky, un exposé du représentant laïque de notre délégation et, enfin, il a considéré utile d’entendre également une matière non officielle comportant les documents opposés à notre cause.

AVONS ORDONNÉ :

« Le fait de la conversion à l’Orthodoxie d’un nombre appréciable de croyants français qui s’est produit au cours des dernières années dans les différentes villes et localités de France, à Paris principalement, constitue un évènement significatif sur l’arrière-plan de la vie religieuse de ce pays. Ceux qui entrent et continuent à entrer dans le sein de l’Eglise Orthodoxe proviennent en majorité des milieux intellectuels du peuple français. Ils reçoivent l’Orthodoxie en pleine conscience et avec la conviction de sa supériorité sur les confessions Catholique Romaine et autres. Il ne fait pas de doute que ce mouvement ecclésial – qui peut, en vérité, être appelé Orthodoxe – est lié intimement à la renaissance spirituelle de la France, dans l’esprit gallican qui a poussé sur le sol de ce pays dès l’époque apostolique de l’histoire de l’Eglise.

« L’Eglise de France est redevable, par excellence, au grand Pontife, Docteur Universel de l’Eglise, l’Evêque et Martyr, Irénée de Lyon, un de ses principaux fondateurs.

« L’Eglise de France des temps anciens se glorifiait par sa fidélité inébranlable aux dogmes inaltérés et à l’enseignement de la foi apostolique, de même que par son zèle dans la défense de la liberté de l’Eglise des Gaules et de ses Evêques, liberté que l’autoritarisme romain s’est efforcé de briser dès les temps reculés. Le même besoin de l’indépendance intérieure de toute personne vit encore dans la profondeur des consciences et les incite actuellement à se rapprocher de l’Eglise Apostolique Conciliaire Orthodoxe, libre, avec une croyance sincère en Sa Vertu et en Sa Grâce salvatrice.

« Parmi les oscillations spirituelles générales et dans l’éloignement de la Tradition léguée par les Apôtres, l’Eglise Orthodoxe de France est étrangère à toute décadence maladive de la pensée théologique moderne… ».

L’Ordonnance conclut :

« En tant que l’Union des Associations cultuelles orthodoxes françaises s’efforce de demeurer fidèle à l’Eglise Orthodoxe Catholique, en tant qu’elle se développe et grandit par le nombre de ses membres en se fortifiant dans son organisation, elle peut donner à ce nouveau mouvement une force et une autorité telles que, en toute justice, il est légitime pour elle d’être nommée l’Eglise Orthodoxe de France, nom que revendiquent dès maintenant ses dirigeants responsables.

« Tenant compte en conscience de la valeur missionnaire de cette Eglise d’avenir pour toute l’Eglise Universelle, l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières estime de son devoir de lui apporter un soutien total dans sa vie constructive extérieure et intérieure.

En accord avec tout ce qui précède, le Synode des Evêques décide : d’approuver, en premier lieu, nos Statuts, revus par S.E. l’Archevêque Jean. En voici le texte :

STATUTS
de l’Eglise Orthodoxe de France
(Union des Associations cultuelles orthodoxes françaises)

1. Son enseignement.

Unie à l’Eglise des premiers siècles et aux Eglises Orthodoxes d’Orient dans les Dogmes salutaires, l’Eglise Orthodoxe de France (Union des Associations cultuelles orthodoxes françaises) confesse ce que l’Eglise Orthodoxe confesse et rejette ce que l’Eglise Orthodoxe rejette.

2. Ses bases canoniques.

Dès ses origines, l’Eglise Orthodoxe de France, fondée par les Saints Apôtres et leurs successeurs, était conforme aux règles canoniques de l’Eglise Orthodoxe Universelle et à des règles canoniques locales. Elle était une Eglise en communion avec les autres Eglises Sœurs, et cela jusqu’au Schisme de 1054.

Actuellement, eu égard au fait qu’elle n’a pas encore retrouvé une ampleur suffisante, par le nombre de ses Paroisses et de ses fidèles, pour prétendre à tous les droits qu’elle a perdus par le Schisme, une Instance canonique supérieure et la dépendance canonique d’une autre Eglise Orthodoxe sont nécessaires à sa vie.

3. Les Pouvoirs canoniques supérieurs.

L’Eglise Orthodoxe de France reconnaît comme Pouvoir canonique supérieur le Sacré Synode de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières et son Représentant en Europe Occidentale, qui est actuellement Son Eminence l’Archevêque Jean.

Cette reconnaissance du Pouvoir canonique supérieur du Sacré Synode de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières et de son Représentant n’implique en aucune façon, et ne pourra impliquer, l’Eglise Orthodoxe de France dans les affaires de l’émigration russe. L’Eglise Orthodoxe de France sauvegarde son rite, ses coutumes, son autonomie dans ses nécessités spirituelles et l’indépendance de ses intérêts nationaux.

4. Administration de l’Eglise Orthodoxe de France.

L’Eglise Orthodoxe de France est administrée par un Evêque.

a. Cet Evêque fait rapport sur la marche de l’Eglise au Pouvoir Canonique supérieur dans la personne de son Représentant, et reçoit de lui des instructions.

b. Cet Evêque dirige l’Eglise avec un Conseil épiscopal, en se conformant aux Règles Apostoliques, à celles des Conciles œcuméniques et locaux, ainsi qu’aux instructions des Pères de l’Eglise.

c. Obéissant aux règles canoniques et aux coutumes de l’Eglise Orthodoxe d’Occident, cet Evêque est élu par les clercs et par les laïques. Cette élection doit être ratifiée par le Pouvoir canonique supérieur, qui veille sur la canonicité du candidat élu. Le Pouvoir canonique supérieur fixe la date du sacre.

d. Jusqu’au sacre de l’Evêque, ou en cas de décès de celui-ci, l’Eglise est dirigée par l’Administrateur Prêtre, Adjoint du Président, avec l’approbation du Représentant du Saint Synode en Europe et sous sa direction générale.

e. L’Evêque doit être citoyen français et il représente l’Eglise Orthodoxe de France devant les Pouvoirs publics.

f. Au fur et à mesure du développement de l’Eglise Orthodoxe de France, et avec le. consentement du Pouvoir canonique supérieur, cette Eglise pourra être partagée en plusieurs Diocèses ayant leurs Evêques respectifs.

g. Pendant la Divine Liturgie sont évoqués les Patriarches Orthodoxes, le Président du Sacré Synode – actuellement le Proto-hiérarque Métropolite Anastase -, le Représentant en Europe Occidentale du Sacré Synode de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières – actuellement Son Eminence l’Archevêque Jean -, et, après le sacre, l’Evêque de l’Eglise Orthodoxe de France.

Ces Statuts, tout en procurant à l’Eglise Orthodoxe de France le Pouvoir Canonique Supérieur indispensable à son existence, délimitent sans équivoque ses droits sacrés et ses intérêts par rapport à ceux de l’Eglise de l’émigration.

En deuxième lieu, le Synode des Evêques nomme l’Archiprêtre Eugraph Kovalevsky Administrateur de l’Eglise Orthodoxe de France et prévoit son sacre, et, en troisième lieu, il préconise une Commission liturgique sous la présidence de S.E. l’Archevêque Jean.

L’Ordonnance est signée par le Président du Synode Episcopal, Métropolite Anastase, et l’Administrateur des Affaires de la Chancellerie Synodale, Archiprêtre Georges Grabbe.

[1]. v. n° 22.