14ème DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE
LE LYS DES CHAMPS
L’Évangile de ce dimanche insiste sur l’absence d’inquiétude qui doit caractériser le chrétien : “Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Dieu qui nourrit les oiseaux du ciel et revêt les fleurs de splendeur y pourvoira. Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain : le lendemain s’inquiètera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.”
L’expression : ne vous inquiétez pas revient, sous une forme ou une autre, à cinq reprises dans ces dix versets.
Et cependant l’inquiétude règne partout, même chez nous et en nous. C’est une question très actuelle dont l’intensité ne décroît pas, bien au contraire, avec les extraordinaires avancées de la science.“Ne vous inquiétez donc pas du lendemain”,demande le Christ ; or l’inquiétude du lendemain transparaît maintenant aussi fortement que jamais : inquiétude pour l’emploi, pour la santé, pour l’avenir de la planète, etc. Cette inquiétude monte dans nos cœurs, et y sème l’angoisse, la dépression parfois, le stress, cette forme moderne de l’inquiétude.
Et pourtant le Christ nous affirme que cette inquiétude ne sert à rien :“Qui de vous par ses inquiétudes peut prolonger tant soit peu son existence ?”.
Sous l’influence du monde au sein duquel nous vivons, nous avons tendance à vivre en païens, soucieux avant tout des biens matériels. Est-ce à dire que nous devrions abandonner toute inquiétude ? Non, pas à proprement parler, car ce sentiment est le signe que l’homme n’a pas la plénitude en lui-même, qu’il a besoin d’autre chose. De quoi a-t-il besoin ? De toute parole qui sort de la bouche de Dieu : aujourd’hui cette parole est la suivante :“Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu et toutes ces choses vous seront données par surcroît.”C’est un complet renversement de la perspective : nos racines, notre subsistance, notre nourriture, notre avenir, ce ne sont pas comme nous le croyons celles que procurent le monde mais c’est Dieu lui-même.
Certes nous connaissons par cœur, cette phrase de l’Évangile mais dans les faits la mettons-nous vraiment en pratique ? Le Christ nous la présente sous une autre forme que nous pouvons peut-être trouver injuste ou choquante, mais ô combien percutante, dans l’épisode de Marthe et de Marie cité par Luc, chap. 10, versets 38 à 42. À Marthe qui demandait au Seigneur de dire à sa sœur Marie qui, assise à ses pieds, se contentait d’écouter la parole du Sauveur, de l’aider aux soins de la maison, Jésus répond“Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire, Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée.”
À ce sujet on peut se rappeler un épisode de la vie de saint Silouane de l’Athos, notre contemporain qui a été canonisé il y a quelques années par l’Église orthodoxe. Voici ce qui lui arriva quand le Conseil du monastère le chargea de la gérance du magasin et des bâtiments de son monastère au Mont-Athos. En prenant ses fonctions il pria ainsi :“Seigneur, Tu me charges de m’occuper de notre grande communauté, aide-moi à bien faire ce travail.”Le saint starets, après avoir longuement prié reçut cette réponse dans son cœur :“Garde la grâce qui t’a été donnée.”Il comprit alors que garder la grâce du Saint-Esprit est plus important et plus précieux que toute autre activité. C’est pourquoi, ayant pris ses fonctions, il veilla à ce que sa prière ne souffrit aucune interruption.
Le but de notre passage sur la terre n ‘est pas tout d’abord de l’exploiter et de nous y installer, mais de régner sur notre propre cœur par l’obéissance aux commandements de vie donnés par Dieu dans l’Ancien Testament et dans l’Évangile, d’acquérir la pureté du cœur à laquelle est promise, dans les Béatitudes, la vision de Dieu, car c’est lui “l’unique nécessaire” de l’Évangile. C’est la voie de l’amour de Dieu par l’homme qui répond ainsi à l’amour de Dieu qui a aimé l’homme le premier.
Ne vous inquiétez de rien ! Si à chaque instant de notre vie nous donnons l’absolue priorité à l’acquiescement à la volonté de Dieu, nous serons, et ceci est le comble de la Grâce, rendus semblables à lui, Père, Fils et Saint-Esprit,unique Seigneur, auquel soit rendues gloire et adoration aux siècles des siècles. Amen !