Ascension

ASCENSION

L’HUMILITÉ QUI ÉLÈVE

Monseigneur Jean, évêque de Saint Denis
19 mai 1955

Chaque mystère divin renferme une multitude d’aspects, une force et une richesse inépuisables !… J’ai souvent abordé le mystère de notre nature périssable, devenue par le Christ, impérissable. J’ai souvent parlé des apôtres et de leur tristesse en voyant le Seigneur les quitter.

Si je ne pars pas, l’Esprit ne viendra pas à vous…Jean 16, 7.

Aujourd’hui, mes amis, je voudrais exalter une vertu liée à cette fête de l’Ascension, une vertu qui nous élève au-dessus des hommes et nous rend inébranlables, qui ferme la bouche au tentateur, qui donne les ailes pour nous élever à la Droite du Père. Les Pères de l’Églisel’appellent l’œil droit du cœur de Jésus.

Cette vertu, c’est l’humilité.

Plus l’humilité est authentique, plus nous montons au-dessus des cieux; plus l’orgueil est grand, plus nous descendons dans l’abîme.L’orgueil, disait saint Grégoire de Nysse,c’est la montée vers le mal; l’humilité, c’est la descente vers le haut.

Ne vous y trompez pas, un peu d’orgueil – et nous en avons tous – nous aide à monter au début de notre vie spirituelle, mais, à la fin, il nous précipite vers le mal. L’homme a besoin d’orgueil, de vanité, quand il débute. Malheur à lui s’il ne jette pas ensuite ce fardeau.

L’humilité se manifeste dans le Verbe incarné. Il a ditJe suis doux et humble de cœur(Matthieu 11, 29).

L’ascèse n’est pas grand chose. La connaissance spirituelle, la Virginité ? C’est bien. Faire la charité envers son prochain ? Rien ne semble supérieur à cela. Mais, disons-le, le Diable est un ascète ; il possède la connaissance, la virginité et fait parfois de bonnes actions. Quand l’antéchrist viendra sur terre, il sera l’homme le plus charitable. Saint Paul nous annonce que le Diable sera capable de donner son corps, capable d’être brûlé pour les hommes mais une seule chose lui est étrangère, « inréussissable » : c’est de devenir humble, car s’il avait été humble, il serait resté dans les hauteurs.

Quand sommes-nous humbles ?

Ce sont des coquetteries que de dire : je suis pécheur, je courbe la tête, je verse des pleurs pour une faute…

L’humilité vraie, ainsi que la douceur, se vérifient lorsqu’on nous dit des choses désagréables et que cela ne nous touche pas; lorsqu’on nous dit soudain que nous sommes pécheurs et que cela nous laisse indifférents. L’humilité se vérifie, non point quand on découvre soi-même sa faute, mais quand l’autre la découvre et nous la communique ; si, en cet instant, on est troublé, c’est qu’on n’est pas encore humble.

On disait un jour à un saint : « tu es pécheur », « oui » répondait-il ; « tu es meurtrier », « oui » répondait-il ; mais lorsqu’on lui dit : « tu es séparé du Christ », alors il s’écria «non !»

Ce sont les jugements du voisin qui montrent notre humilité. Il faut les accepter sans remous intérieurs car tout homme a ses faiblesses et peut tout à coup être surpris.

Les hommes nous aident à atteindre l’humilité; les êtres invisibles aussi. Nous ne sommes pas remplis seulement du Saint-Esprit, mais de quantités d’esprits. On les appelle le conscient et le subconscient. Ils nous soufflent : « tu as raté ta vie, tu n’es rien, tu as perdu ta journée ! » Et nous sommes tourmentés parce que nous ne sommes pas humbles.

Pourquoi la vertu d’humilité est-elle tellement sublime ? Parce qu’elle nous introduit dans l’immuabilité de Dieu. L’homme humble est inébranlable et Dieu peut habiter en lui.

L’humilité est dans la parole du Christ : Cesse ! (Cette injonction résume ce que le Christ dit en Luc 22, 38 et 51 :Cessez(toute agitation)…assez, cela suffit !)Plus l’homme est humble, plus il est conforme à Dieu inchangeable ; moins il est humble, moins il est lumineux.

L’orgueil projette à l’extérieur, l’humilité nous introduit à l’intérieur. Ce sont les vapeurs d’amour-propre qui nous empêchent de reconnaître en nous la Trinité.

Pourquoi, me direz-vous, avoir parlé de l’humilité en ce jour de l’Ascension ? Souvenez-vous des paroles de saint Paul :Celui qui est monté est descendu et celui qui est descendu est monté.

Il est monté parce qu’il est descendu. Et Marie chante dans le Magnificat :Tu as regardé l’humilité de ta servante(Luc 1, 48).

Méditons sur l’humilité et surtout vérifions-nous. L’homme humble est un être clarifié, un cristal transparent à la lumière du Christ en lui, l’œil droit du cœur de Jésus.

Considérez par exemple les autres vertus : le courage, l’honnêteté ; l’humilité les dépasse parce qu’elle ignore le trouble qui vient de l’extérieur. Si on se reconnaît comme le dernier, comme indigne d’être écouté, si l’on se dit : le paradis n’est pas pour moi, comment peut-on être troublé ?

Lorsque l’homme devient humble non par son propre mérite mais dans l’économie de Dieu, alors il est glorifié par Dieu.