4ème de l’Avent

4ème DIMANCHE DE L’AVENT

LE MESSAGER DE L’AVENT

Mgr Jean, évêque de Saint Denis
14 décembre 1969

Au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. Amen !

L’évangile d’aujourd’hui prépare la venue du Christ. Ce dimanche de l’Avent est un dimanche de réjouissance où selon la Tradition de l’Église occidentale, les prêtres s’habillaient en rose car, bien que le jour diminue et que la nuit augmente, bien que la nature ne soit pas encore réveillée visiblement bien que nous soyons dans l’attente du Christ, par anticipation, par folie spirituelle, l’Église s’habille en rose, elle revêt les couleurs du printemps et de la jeunesse éternelle. Telle est la psychologie du chrétien : elle ne peut pas s’arrêter dans la tristesse, dans l’impatience, elle ne peut pas céder à l’abattement, d’avance elle saisit la joie, et se réjouit.

L’Eucharistie que nous recevons chaque dimanche et pour certains chaque jour c’est déjà aussi une certaine anticipation le saisissement de l’avenir dans le présent, car elle est l’union au Corps et au Sang du Christ, elle est le banquet nuptial de Dieu avec la matière et sa création vers la fin des temps.

Nous sommes dans le présent, nous nous unissons au passé, oui, mais nous sommes déjà entrés dans l’avenir et l’accomplissement des temps. J’ai souvent parlé de ce sujet, et j’insiste sur le dialogue entre les prêtres, les lévites, et Jean-Baptiste, puis les pharisiens et Jean-Baptiste : ceci nous concerne.

Les prêtres et les lévites sont des traditionalistes, des gens plutôt extérieurs, désireux de se renseigner et, de même qu’aujourd’hui on aime à être renseigné par les journaux, eux procèdent par interview.

Jean a une réputation? on veut savoir : que pense-t-il lui-même de lui-même ? On veut prendre des notes sans s’engager.

«Es-tu le Christ ?» Il dit non ! «Es-tu Élie ?» Il dit non ! «Es-tu le prophète ?» Il dit non ! Pourtant il est oint du Saint Esprit, comme le Christ, Jean-Baptiste est oint du Saint Esprit. Pourquoi sommes-nous des chrétiens ? Parce que nous sommes oints du Saint Esprit.

Jean-Baptiste est prophète, le plus grand des prophètes. «Es-tu Élie ?» Il est venu dans l’esprit d’Élie, il répond toujours «non ! je ne suis pas le Christ», «non ! je ne suis pas le prophète». «Mais alors qui es-tu ?». «Je suis la voix qui crie dans le désert pour préparer le chemin», comme dit le prophète Isaïe.

Mes amis, ici se dresse l’homme par excellence l’homme le plus grand, Jean-Baptiste. Il dit exactement ce qu’il est. Voici le travail que nous devons faire c’est de n’être point un «autre», c’est de trouver notre propre place, ni plus haute, ni plus basse, ni à droite, ni à gauche. Tout être possède une phrase dans les Écritures Saintes, comme si l’un de vous par exemple, trouvait cette exclamation dans les Psaumes : «Aie pitié de mois Seigneur», ou «Louons le Seigneur».

Nous vivons, voyez-vous, et Jean-Baptiste nous le montre ; nous avons notre place unique, car il n’y a pas que l’unité et la multiplicité mais aussi l’harmonie. Plus, chacun de nous est unique, unique que dans ce qu’il est vraiment. Oui, nous sommes des chrétiens oui, Jean-Baptiste est dans un certain sens le Christ, oui, il est prophète selon l’esprit d’Élie, et voici qu’il déclare : «Non !non !» parce qu’il ne devait pas être autre chose que sa mission. Ainsi que pense l’apôtre Paul : «Beaucoup de dons, un seul Esprit ; beaucoup de missions mais un seul Christ ; beaucoup d’actions mais pour chacun son action par excellence, sa mission par excellence, son action par excellence. Surviennent les pharisiens. Ce ne sont plus des informations qu’ils veulent saisir, ils ont l’intention d’attraper, de coincer. Pourquoi si tu n’es pas Élie, ni prophète, pourquoi baptises-tu ? La question a adopté une autre forme, qui va mettre le Christ en faute, espèrent les pharisiens. Ah ! Trouver une défaillance. Souvent, nous sommes des questionnaires dans le genre des pharisiens. Mais avez-vous remarqué ? Jean ne répond pas : «Je baptise parce que je suis la voix dans le désert, parce que je suis prophète : je baptise parce que je suis Jean-Baptiste. Le « Baptiste », en vérité, ne répond pas, éclairé par l’Esprit-Saint, il sait qu’aux questions des pharisiens, on ne répond pas directement, on discerne ce qu’il y a derrière afin de les amener plus loin. «Je baptise dans l’eau, mais quelqu’un vient et qui est parmi vous et vous ne le connaissez pas». Il les conduit de l’ignorance à la nécessité de scruter plus profondément le domaine de celui qui baptise dans l’Esprit.

«Je ne suis pas digne de délier la sandale de ses pieds». Merveilleux ! Merveilleuse réponse ! D’une part il a précisé pour sa personne, je ne suis ni prophète, ni Christ: et voici qu’il se place devant Celui qui vient après lui et qui était avant lui. Il parle comme un ami, un serviteur, un précurseur, dont il n’est pas digne, même de se pencher sur les pieds. Mes enfants, oui le Christ est notre frère, oui le Christ est en nous, Il a pris notre nature, oui, nous sommes en Christ un seul corps, mais si Jean-Baptiste n’ose même pas délier sa sandale, c’est qu’il y a un langage avec Jésus-Christ qui nous dépasse… de combien !

Si le Christ était parmi nous, nous serions anéantis devant Celui qui baptise dans l’Esprit, le Fils de Dieu devenu Homme. Ces derniers temps, face à Jésus Christ, nous prenons une attitude, disons bêtement sentimentale et déplacée, sans comprendre pourquoi Jean Baptiste n’a pas osé. Vous souvenez-vous de sa main tremblante, de son refus d’accepter que le Christ s’incline pour recevoir le baptême. Et maintenant, de quelle manière traitons-nous Jésus ? Nous disons : certes, Il est notre frère, mais c’est Lui qui veut l’être, et nous, nous ne sommes aucunement dignes de Lui.

Quelque chose de déformé subsiste dans notre esprit et alors Jean-Baptiste ne répond pas directement aux Pharisiens. Lui, le plus grand des hommes, se place devant Celui qui vient, et Celui qui vient, qui est toujours parmi nous tous, qui vient toujours en nous et que nous ne connaissons pas.

C’est la réponse à toutes les civilisations et aux hommes qui ne croient au Christ. Il est partout, Il vient vers tous, même vers ceux qui L’ignorent !

Lorsque nous fêtons l’Avent, nous préparons le mystère de l’Incarnation, n’oublions pas de la recevoir en nous.

Amen !