L’ivraie et le bon grain

4ème DIMANCHE APRÈS THÉOPHANIE

L’IVRAIE ET LE BON GRAIN

Saint Grégoire Palamas (+ 1359)

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit

Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla.

Et le Seigneur ajoute : L’ivraie ce sont les fils du Mauvais. Puisqu’ils accomplissent les mêmes oeuvres que lui, ils portent, en effet, son empreinte et demeurent ses rejetons et ses fils adoptifs. Et le temps fixé pour la moisson, c’est la fin de ce monde. Car, cette moisson qui a commencé il y a bien longtemps et s’effectue aujourd’hui encore par la mort, parviendra alors à son total achèvement. Et les moissonneurs, ce sont les anges.

Ceux-ci, en effet, sont les serviteurs du Roi des cieux, et ils le seront surtout à cette heure-là. De même, dit Jésus, qu on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin -de ce monde. Le Fils de l’homme, qui est aussi le Fils du Père, du Très-Haut, enverra donc ses anges et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres.

Ainsi, les serviteurs du Seigneur, autrement dit les anges de Dieu, s’aperçurent qu’il y avait de l’ivraie dans le champ, c’est-à-dire que les impies et les méchants étaient mêlés aux bons et vivaient avec eux, même dans l’Église du Christ. Ils dirent au Seigneur : Veux-tu que nous allions enlever l’ivraie ?, en d’autres termes : «que nous ôtions ces gens de la terre en les faisant mourir» ? Mais le Christ leur répondit : Non , de peur qu’en enlevant l’ivraie vous n’arrachiez le blé en même temps.

Si les anges avaient ainsi enlevé l’ivraie, s’ils avaient frappé à mort les méchants pour les séparer des justes? comment auraient-ils donc pu déraciner aussi le blé? c’est-à-dire les bons ? Beaucoup d’impies et de pécheurs, vivant avec les gens pieux et les justes, en arrivent avec le temps à se repentir et à se convertir; ils se mettent à l’école de la piété et de la vertu, et cessent d’être de l’ivraie pour devenir du blé. Ainsi les anges risquaient-ils, s’ils saisissaient de force ces hommes avant qu’ils pussent se repentir, de déraciner le blé en enlevant l’ivraie. De plus il s’est trouvé souvent des hommes de bonne volonté parmi les enfants et les descendants des méchants. Voilà pourquoi Celui qui connaît toutes choses avant qu’elles soient n’a pas permis d’arracher l’ivraie avant le temps fixé. Au temps de la moisson, a-t-il dit, je dirai aux moissonneurs: Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier.

Aussi celui qui veut être sauvé du châtiment sans fin, et veut hériter du Royaume éternel de Dieu, ne doit-il pas être l’ivraie, mais le blé. Qu’il s’abstienne de toute parole vaine ou méchante, qu’il exerce les vertus contraires à ces vices et produise les fruits de la pénitence ! C’est ainsi, en effet, qu’il deviendra digne du grenier céleste, qu’il sera appelé fils du Père, le Très-Haut, et que, tout joyeux et resplendissant de la gloire divine, il entrera comme héritier dans son Royaume.

Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l’amour de notre Seigneur Jésus Christ. A lui, la gloire avec son Père éternel et l’Esprit très Saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen