20ème DIMANCHE APRÈS PENTECÔTE
LES CRITÈRES DE LA FOI AUTHENTIQUE
Saint Macaire
De la foi parfaite en Dieu
1. Le Seigneur, voulant conduire ses disciples à la foi parfaite, a dit dans l’Évangile : «Celui qui a la foi à l’égard des petites choses, aura aussi la foi à l’égard des grandes; et celui qui manque de foi à l’égard des petites choses, manquera aussi de foi à l’égard des grandes» (Lc, 16, 10). Qu’est-ce que les petites choses, et qu’est-ce que les grandes ? Les petites, ce sont les promesses concernant le siècle présent, et portant sur des choses que le Seigneur s’est engagé à fournir à ceux qui croiront en lui, comme la nourriture, le vêtement et tout ce qui assure le repos du corps, ou la santé et les choses du même genre. Il a prescrit de ne se soucier aucunement de tout cela, mais d’espérer avec confiance que le Seigneur sera en toutes choses la providence de ceux qui recourent à lui (cf. Mt., 6, 31). Les grandes choses, ce sont les dons du siècle éternel et incorruptible, qu’il a promis d’accorder à ceux qui croiront en lui, et à ceux qui s’en soucient constamment et qui les lui demandent. Il a en effet donné ce précepte : «Pour vous, cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît» (Mt., 6 , 33). Ainsi, les petites choses d’ordre temporel sont pour chacun la pierre de touche de sa foi en Dieu, puisqu’il a promis de nous les accorder, pourvu que nous n’en ayons aucun souci, et que nous ne soyons préoccupés que des choses à venir et éternelles.
2. Il est manifeste que quelqu’un a la foi à l’égard des choses incorruptibles et cherche réellement les biens éternels, quand il garde une foi saine à l’égard des choses visibles. Il faut donc que chacun de ceux qui obéissent à la Parole de vérité s’éprouve lui-même et s’examine, ou se soumette à l’examen et au discernement d’hommes spirituels, pour savoir de quelle façon il a la foi, et comment il est abandonné à Dieu : est-ce réellement et véritablement, d’une manière conforme à sa Parole, – ou n’a-t-il qu’une justice et une foi imaginaires, qu’il s’est forgées en croyant avoir en lui la foi ? Chacun est mis à l’épreuve et authentifié par sa foi à l’égard des petites choses, je veux dire des choses temporelles. Comment ? Écoute: tu prétends croire que le Royaume de Dieu t’est accordé, que tu es fils de Dieu, né d’en haut, cohéritier du Christ, que tu régneras avec lui dans tous les siècles, et que tu jouiras des délices dans la lumière ineffable pendant les siècles innombrables et sans fin, comme Dieu lui-même ? Assurément, tu répondras: «Oui ; c’est pour cela que j’ai quitté le monde et que je me suis donné à Dieu.»
3. Examine-toi donc, afin de voir si les soucis terrestres ne te captivent pas encore, ainsi qu’une grande préoccupation pour la nourriture et le vêtement du corps, et pour les autres occupations et le repos, comme si tu devais les acquérir par tes propres forces et te faire ta providence, alors qu’il t’est prescrit de ne te faire absolument aucun souci à leur sujet. Si tu crois que tu recevras les biens immortels, éternels, durables et inépuisables, combien plus dois-tu croire que le Seigneur t’accordera ces biens transitoires et terrestres, qu’il accorde aussi aux hommes impies, aux bêtes et aux oiseaux ; et donc, tu ne dois aucunement t’en soucier, ainsi qu’il l’a prescrit en disant : «Ne vous souciez pas de ce que vous mangerez, ni de ce que vous boirez, ni de ce dont vous vous vêtirez ; tout cela en effet, les païens le recherchent» (Mt. 6, 31-32). Si tu te soucies encore de ces choses, et si tu ne te confies pas totalement à sa parole, sache que tu ne croies pas encore que tu obtiendras les biens éternels, qui sont le Royaume des cieux, bien que tu t’imagines le croire, alors que tu es encore sans foi à (égard des petites choses destinées à périr.
Il est dit encore : «De même que le corps est plus précieux que le vêtement, ainsi l’âme est-elle plus précieuse que le corps» (Mt., 6, 25). Crois-tu, en conséquence, que ton âme recevra de la main du Christ la guérison des blessures éternelles et incurables pour l’homme, des passions du péché, pour la guérison desquelles le Seigneur est venu ici-bas, afin de guérir dès maintenant les âmes des fidèles de ces incurables passions, et de les purifier de toute la souillure de la lèpre de la malice, lui, le seul vrai médecin et guérisseur ?
4. Tu vas dire : «Certainement, je le crois. J’y compte, et je nourris cette espérance et cette confiance» Connais-toi donc toi-même, et examine-toi : est-ce que les maladies du corps ne te conduisent pas parfois chez les médecins terrestres, comme si le Christ, à qui tu t’es confié, ne pouvait pas te guérir ? Vois comment tu te trompes toi-même, puisque tu t’imagines avoir la foi, alors que tu ne crois pas vraiment, comme il faudrait. Si tu croyais que les blessures éternelles et incurables de l’âme immortelle et ses maladies causées par les vices sont guéris par le Christ, tu croirais aussi qu’il peut guérir les maux et les maladies transitoires du corps, et tu n’aurais recours qu’à lui seul, en négligeant les ressources et les soins des médecins. En effet, celui qui a créé l’âme a créé aussi le corps, et celui qui guérit l’une, qui est immortelle, peut aussi guérir le corps des maux et des maladies transitoires:
5. Mais tu vas sûrement me dire : «Dieu nous a accordés, pour soigner le corps, les herbes de la terre et les médicaments, et il a prévu les soins des médecins pour les maladies du corps, en disposant que celui-ci, tiré de la terre, puisse être guéri par les diverses productions de la terre.» J’en conviens, il en est ainsi ; mais fais attention; et comprends de quelle manière et à qui cela a été donné, et en faveur de qui Dieu en a ainsi disposé par économie, mû par son amour des hommes et sa bonté suprême et infinie. Quand l’homme eût transgressé le commandement qu’il avait reçu, quand il se trouva soumis à la sentence de colère, quand il fut exilé et tomba en captivité et en disgrâce, devenu comme un condamné aux mines, quand des délices du paradis il fut jeté en ce monde et soumis à la Puissance des ténèbres, installé dans l’incroyance parce qu’égare par les passions, – alors il fut soumis aux passions et aux maladies de la chair, lui qui était auparavant impassible et exempt de maladies. Et sans aucun doute, tous ceux qui sont nés de lui sont soumis aux mêmes passions.
6. Dieu a donc disposé ces moyens par économie en faveur des faibles et des infidèles, ne voulant pas que disparaisse complètement la race pécheresse des hommes, à cause de son immense bonté. Aussi a-t-il donné des remèdes aux hommes de ce monde et à tous ceux du dehors, pour le réconfort, la guérison et le soin du corps, et il en a permis l’usage à ceux qui ne peuvent pas encore se confier totalement â Dieu. Mais toi, qui mènes la vie solitaire, qui t’es approché du Christ, qui désires être fils de Dieu et naître d’en haut, de l’Esprit, qui as reçu des promesses plus élevées et plus grandes que le premier homme, qui était impassible, à savoir la bienveillance divine manifestée par la venue du Seigneur, toi qui es devenu un étranger en ce monde, tu dois acquérir une foi, une manière de penser et de vivre toutes nouvelles et étranges par rapport à tous les hommes de ce monde.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles. Amen.