15ème après Pentecôte

15ème DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE

LE CHRIST, SOURCE DE BONHEUR

Mgr Jean, évêque de Saint Denis

Épître : Gal 5, 25-26 et 6, 1-l0 – Évangile : Luc 7,11-16

Au nom du Père, du Fils et du Saint‑Esprit. Amen !

Ce dimanche de la Veuve de Naïm nous découvre les rapports entre l’Église et le monde. Naïm, la ville de Naïm. Que signifie ce mot ? Naïm veut dire bonheur, ville de plaisance, belle ville, ville du bonheur.

L’évangile nous raconte qu’un jour : « Jésus Se rendait à une ville appelée Naïm », et que « Ses disciples allaient avec Lui ainsi qu’une foule nombreuse », précise saint Luc. Nous avons donc devant les yeux une foule marchant derrière le Christ entouré de Ses disciples. Où va cette foule ? Vers la ville du Bonheur. Nous apprenons plus loin qu’une autre foule vient à leur rencontre. Comme ils arrivaient « près de la porte de la ville, il se trouva qu’on emportait un mort, fils unique de sa mère, et celle-ci était veuve, et beaucoup de gens de la ville l’accompagnaient ». Cette autre foule qui s’avance vers le Christ, quittant la ville du bonheur, porte un mort. Saint Luc souligne toute la tragédie, toute la douleur de ce deuil : « C’est le fils unique d’une veuve », un jeune homme emporté dans la fleur de son âge,et sa mère qui a perdu son mari n’a pas d’autre enfant, la mort lui a tout enlevé. Deux foules, deux mouvements. En tête de la première foule, c’est la Source de vie, le Christ; en tête de la deuxième, c’est la jeunesse morte, porteuse de désespoir, conduisant sur une route sans issue. Les uns marchent vers le bonheur, les autres le laissent derrière eux. Voici, dira saint Augustin, l’image du Christ entouré de ses disciples en face du monde, voici l’image de Leur rencontre.

L’Église ! L’Église, c’est cette foule que le Christ entraîne vers le bonheur. Nombre de chrétiens ne réalisent pas qu’en s’engageant à Le suivre, ils se sont engagés à poursuivre le bonheur. La majorité croit que le chemin du Christ, de la religion est plutôt celui de la tristesse, d’un certain courage pour supporter les épreuves, et, pour beaucoup d’entre eux, le bonheur leur semble presque une mauvaise action. Ce qui est désagréable est vertu, ce qui est agréable est péché. je n’invente pas ; grattez votre propre âme et vous constaterez que souvent vous avez honte du bonheur. Le Christ nous emporte vers lui, le chrétien est donc un homme marchant vers le bonheur. Il peut lui arriver d’être triste, écrasé par la vie, mais son but est lumineux.

Comment parviendra-t-il à ce bonheur ? Quelle sera la méthode pour l’atteindre, le secret de sa route ? Ce sont les commandements du Christ.

Eh oui, mes amis, les commandements du Christ ne sont qu’un enseignement de la sagesse qui conduit au bonheur. Ils ne nous sont pas donnés dans un but didactique et moraliste, pesant. Non, ils renferment la sagesse du bonheur. « Aimez vos ennemis » prenons par exemple, ce commandement. Si j’aime mes ennemis, si je ne hais personne, je suis déjà dans le bonheur parce que c’est la haine qui détruit la joie. « Ne comptez pas sur les princes et sur les fils des hommes, comptez seulement sur Dieu », quel admirable commandement pour aller au bonheur ! Nous comptons sur les hommes, nous sommes déçus car ils nous trompent. Étant déçus, nous sommes malheureux. L’obéissance, quel bonheur ! Combien d’inquiétudes effacées par elle. Je pourrais énumérer des dizaines d’exemples. Considérez les Béatitudes et vous verrez qu’en accomplissant les commandements du Christ, vous acquerrez le bonheur en vous, la paix que nul ne peut vous ravir. Les autres joies vous leurrent, elles durent un instant puis se fanent comme l’herbe des champs. Ce sont de simples constatations et pourtant je crains que ce critère du bonheur ne soit guère ancré dans l’esprit des chrétiens. La perfection en Christ nous guide vers le bonheur; la foule suivait notre Seigneur parce qu’Il Se rendait vers Naïm.

Et de l’autre côté, cet autre côté qui se nomme  » monde », que voyons-nous ? Le monde est un Naïm extérieur qui enfante le désespoir. Le Christ est pris de compassion. Ceux qui sont avec Lui et écoutent la parole de Ses commandements, prennent aussi en pitié la foule en deuil ; c’est la seule attitude valable du chrétien vis-à-vis du monde. Non l’indignation devant l’injustice, des sentiments artificiels ou un jugement théâtral, mais la compassion. Derrière les profiteurs de ce monde, ces soi-disant réussites en dehors du Christ, ces habitants de Naïm qui vivent dans le bonheur avant l’arrivée de Dieu, se cache en général la route du désespoir. Au travers de cette quiétude, monte déjà le deuil.

Le Christ arrête le cercueil « de Sa main déifiée, remplie de la puissance du Verbe », dit saint Cyrille d’Alexandrie. La main arrête le cercueil, la foule s’arrête aussi, c’est l’Incarnation du Christ. L’humanité, en définitive, s’avance avec la veuve qui enterre son fils unique, mais l’Incarnation du Fils Unique de Dieu suspend cette douleur extrême. Notre mission n’est autre que d’arrêter en Christ la procession de l’enterrement du monde.

Le Christ commande alors : « Lève-toi ». Et la foule stupéfaite, voyant la résurrection, s’écrie : « Dieu a visité le monde ! »

Pour que l’Église puisse ressusciter toutes choses en Christ, il est nécessaire de commencer par le commencement : suivre le Verbe vers le bonheur en obéissant à Ses commandements.

Voici ce que je voudrais souligner aujourd’hui. Je voudrais que vous renonciez à une religion triste, à cette conviction que le chemin de l’Ami de l’homme est dur. Il a dit: « Mon fardeau est doux et Mon joug est léger. Je suis humble et doux de cœur. Venez vers Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous soulagerai ».

Tout ce dont l’apparence paraît lourde : jeûne patience, courage, pardon, devient en réalité, si nous l’acceptons pleinement, sans équivoque, un joug, un fardeau et une croix débordants de consolation. C’est pourquoi nous pourrons dire en ce jour qui clôt l’octave de l’Exaltation de la Sainte Croix, que la Croix est le symbole, le chemin et la porte de la ville de Naïm, la ville du bonheur.

Amen.