Dormition – Assomption

dormition – assomption

Mgr Jean, Evêque de Saint Denis

Au nom du Père et du Fils et du saint Esprit !

Le Nouveau Testament ne renferme pas d’allusion à l’Assomption de la Très Sainte Vierge. Celle-ci apparaît pour la première fois dans l’histoire sous le couvert de traditions apocryphes.

La relation de l’Assomption nous est parvenue en plusieurs langues, grecque, syriaque, latine, arabe, sous des formes parfois remaniées en vue d’un usage liturgique. Le prototype, grec ou peut-être syriaque, peut remonter au 4e ou au 5e siècle. Les traductions latines sont attestées dès le 5e siècle.

On y rapporte la mort de la Vierge Marie à Jérusalem, le rassemblement des Apôtres autour d’elle, son désir de quitter la terre pour rejoindre son Fils, ses funérailles solennelles, puis la venue du Christ vers sa Mère pour la ramener à la vie et l’emporter au Ciel. On remarquera cette mention des Apôtres comme témoins du fait. L’existence et la diffusion de ces textes sont un indice important, qui atteste une croyance répandue dans le peuple chrétien à une époque relativement ancienne.

Les fêtes liturgiques fournissent des indices précieux dont les premiers connus à ce jour remontent au 5e siècle. Dès cette époque, en Orient, est attestée une fête de la Dormition, qui succéda peut-être à la simple “mémoire” célébrant la mort de Marie ; la fête porte aussi, parfois, le nom de Translation, ou de Passage, ou d’Assomption. Au cours du 6e siècle, il semble qu’il y ait eu une indécision entre ces deux significations possibles: mort et dormition d’une part, assomption proprement dite de l’autre. Quoiqu´il en soit, l’empereur Maurice, à la fin du 6e siècle, en fixant au 15 août la solennité de la Dormition, a consacré un usage déjà établi.

En général, l’icône représente les Apôtres réunis miraculeusement des extrémités du monde évangélisé et groupés autour de la couche sur laquelle Marie s’est allongée pour s’endormir.

Les trois évêques présents sont connus par le récit de saint Denys, qui fut témoin de la Dormition avec l’apôtre Timothée, premier évêque d’Éphèse et Hiérothée, disciple de saint Paul (Les Noms divinsde saint Denys l’Aréopagite).

Derrière le lit de la Toute Pure, dans la splendeur éclatante, le Christ se tient parmi les cohortes angéliques. Le Fils unique de Dieu tient dans Ses mains l’âme de Sa Mère et la remet à l’archange Michel,“gardien du paradis et prince de la nation des Hébreux”.L’âme est représentée comme un nouveau-né emmailloté, symbole de la nouvelle naissance. Les bâtiments situent la scène dans le contexte historique. Ceux où elle a vécu sont vides et des femmes se lamentent sur une terrasse.

Les apôtres sont courbés par la douleur et émus dans leur prière,l’horizontalitéest marquée par l’action volontaire de Marie qui se confie au dernier sommeil. Laverticalitédynamique est en Christ qui élève et enlève l’âme dans sa “naissance au Ciel”. Le monde angélique, en mouvement autour de Celui qu’il ne cesse de servir et de chanter, compose la sphère du monde invisible, les Cieux.

L’icône de la Dormition nous raconte le passage de la vie à la Vie et nous enseigne sur un événement que nous connaîtrons tous. Elle montre à propos de la Très Pure, que le Christ est présent au moment redoutable, Lui, Fils du Père“créateur du Ciel et de la Terre et de toutes les choses visibles et invisibles”dans lesquelles nous entrerons accompagnés et soutenus par le monde angélique.

De nos jours, dans notre Église, nous célébrons, le 14 août en Vigiles, la Dormition de Marie. Son icône est portée en procession et déposée sur un tombeau fleuri, autour duquel sont psalmodiées les strophesdu Chant du Départde saint Jean Damascène.

Le 15 août, pendant la Divine Liturgie, l’icône est redressée en même temps que retentit la proclamation“Marie est élevée au ciel, alléluia”.

L’ancien rite de Jérusalem, que nous avons repris dans notre Église, complète la solennité connue de l’Assomption, en introduisant la fête traditionnelle et vénérable de la Dormition de Marie.La “Mère intacte et vierge féconde”,selon les textes gallicans des 4e et 5e siècles, est celle“qui sort du désert, couverte de riches étoffes, appuyée sur son Bien-Aimé”(Cn 8, 5).

Pour l’évêque Jean de Saint-Denis, qui restaura en France le rite de la Dormition tel que nous le célébrons chaque année dans toutes nos paroisses, Marie,“Empérière de pureté, la première Fleur, le premier rayon du soleil éternel, manifeste déjà le monde transfiguré”en rejoignant son Fils bien-aimé.

À Lui soit la gloire aux siècles des siècles. Amen !

ASSOMPTION

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

La fête de l’Assomption, que nous célébrons aujourd’hui, a toujours eu une grande importance tant en Orient qu’en Occident. Saint Grégoire de Tours en parle. Elle n’a pas de fondement scripturaire.

Mais la Tradition nous rapporte que la Mère de Dieu, ayant eu la révélation de sa naissance au ciel trois jours à l’avance, se rendit d’abord au Mont des Oliviers, puis dans sa maison. C’est là que les Apôtres se réunirent des extrémités de l’univers. Elle s’endormit entourée d’eux. Ils l’ensevelirent à Gethsémani. Mais trois jours après elle leur apparut et ils surent qu’elle était au ciel avec son corps…

Ce mystère nous donne un enseignement très important sur le salut. Ce salut n’est pas une désincarnation. Au contraire Dieu veut assumer l’âme et le corps, l’être tout entier. C’est nous, par notre péché, qui les dissocions. Ce salut de tout l’humain y compris le corps est un des enseignements les plus forts de la Révélation. Le Christ a vaincu la mort.

Une séparation de l’âme et du corps, conséquence du péché, ne peut plus être que provisoire, situation d’attente. La mort n’est pas un anéantissement. Elle est un repos, une « dormition ». Le mot même de « cimetière » est un mot grec qui veut dire « lieu de repos ».

“Qu’il repose dans la paix !”disons-nous de nos défunts. Celui qui porte Jésus en lui-même et qui Le suit en toute chose « ne verra pas la mort ». Au contraire, il sera, comme Marie l’est sur l’icône, portée par le Christ.

De ceci se dégagent deux aspects pour notre prière. D’une part, confions nos défunts au Christ, afin qu’Il les porte comme Il porte Sa mère. La prière pour les défunts est une dimension fondamentale de la vie. Elle est fondée sur la certitude que Dieu veille sur Sa créature après le trépas. Nous le supplions de leur pardonner tous leurs péchés, car« nul homme n’est sans péché ».Mais nous savons que tous, vivants et défunts sont, par le baptême surtout, en Christ. Toute joie, toute souffrance est en Lui. Tout péché même est en Lui, portée et assumé par Lui.

D’autre part, prions la Mère de Dieu, car son fils la porte sur son cœur. C’est par Elle que nous allons à Lui. Libérée du péché originel dans le mystère de l’Annonciation, par la venue de l’Esprit Saint et par l’Incarnation du Verbe divin, Elle s’est abstenue librement de tout péché personnel. Elle a toujours fait la volonté du Père. Elle a mise au monde cette volonté… Elle est incomparable. Aussi nous lui disons :Très Sainte Mère de Dieu, sauve-moi pécheur, sauve-nous, sauve tous les hommes, conduis-nous au Christ ton fils, montre-nous l’accomplissement parfait de la volonté du Père.

À Lui soit la gloire aux siècles des siècles

Saint Jean Damascène,
Deuxième Homélie sur la Dormition de la Vierge Marie (extraits)

Aujourd’hui la sainte et l’unique Vierge est amenée au temple céleste, le temple qui se tient au-delà du cosmos, elle qui a brûlé d’une telle ardeur pour la virginité qu’elle fut transformée en elle comme en un feu très pur.

Toute vierge perd sa virginité en enfantant, mais celle-ci, vierge avant l’enfantement, demeure vierge en enfantant et après la naissance.

Je me la représente, plus sainte que les saints, sacrée entre toutes, vénérable entre toutes, cette douce demeure de la manne, ou plutôt et plus véritablement, sa source, étendue sur un lit de repos, dans la divine et renommée cité de David, dans cette Sion illustre et couronnée de gloire, où fut menée à son terme la loi selon la lettre, et proclamé le nom de l’esprit ; où le Christ législateur mit fin à la Pâque allégorique et où le Dieu de l’ancienne et de la nouvelle Alliance a transmis la Pâque véritable ; où l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde a initié ses disciples au repas mystique, et pour eux s’est immolé comme le veau gras et a foulé la grappe de la vraie vigne.

Là, le Christ ressuscité des morts se fait voir aux apôtres et amène Thomas, et par lui l’univers, à croire qu’Il est Dieu et Seigneur, ayant en Lui deux natures, même après sa résurrection, avec deux opérations qui leur correspondent et des décisions libres qui demeurent pour l’éternité. C’est là la métropole des églises, c’est là le séjour des disciples. Là, l’Esprit très saint est survenu avec grand bruit, multitude de langues et apparence de feu, et fut répandu sur les apôtres. Là, le héraut de la parole de Dieu, qui avait reçu chez lui la Mère de Dieu, subvenait à ses besoins. Cette demeure, qui est la mère des églises de la terre entière, devint la résidence de la Mère de Dieu après le retour de son Fils d’entre les morts. C’est donc là que la bienheureuse Vierge reposait sur son lit trois fois béni.

Ensuite le corps est porté au lieu très saint de Gethsémani. Ce sont encore baisers et embrassements, encore louanges et hymnes sacrés, invocations et larmes ; la sueur de l’angoisse et de la douleur s’épanche. Et ainsi le corps très saint est placé dans le glorieux et magnifique monument. De là, après trois jours, il est emporté dans les hauteurs vers les demeures célestes.

Il fallait que celle qui dans l’enfantement avait gardé intacte sa virginité, conservât son corps sans corruption, même après sa mort.

Il fallait que la Mère de Dieu entrât en possession des biens de son Fils et fût honorée comme Mère et servante de Dieu par toute la création. L’héritage passe toujours des parents aux enfants ; ici cependant, pour emprunter l’expression d’un sage, les sources du fleuve sacré remontent vers leur origine. Car le Fils a soumis à sa mère la création toute entière.

Vous voyez, chers pères et frères, tout ce que nous révèle ce tombeau plein de gloire. Et comme preuve qu’il en est bien ainsi, voici ce qui est écrit en propres termes dans l’Histoire euthymiaque, au troisième discours, chapitre 40.

On dit plus haut comment sainte Pulchérie éleva dans Constantinople de nombreuses églises au Christ. L’une d’elles est celle qui fut édifiée aux Blachernes au début du règne de Marcien, de divine mémoire. Ces souverains donc, ayant bâti en cet endroit un sanctuaire dédié à la glorieuse et toute sainte Théotokos, Marie toujours Vierge, et l’ayant orné de tout le décor possible, étaient à la recherche de son corps très saint, qui avait reçu Dieu. Ils firent appeler l’archevêque de Jérusalem, Juvénal, et les évêques de Palestine, qui se trouvaient alors dans la capitale à cause du concile qui s’était tenu à Chalcédoine, et ils leur dirent :« Nous apprenons qu’il y a, à Jérusalem, la première église de la toute sainte Théotokos et toujours Vierge Marie, magnifique entre toutes, à l’endroit appelé Gethsémani, où le corps de cette Vierge, qui fut le séjour de la vie, fut déposé dans un cercueil. Ornous voulons faire venir ici cette relique pour la sauvegarde de cette capitale. »

Prenant la parole, Juvénal répondit :« Dans la sainte écriture inspirée de Dieu, on ne raconte pas ce qui se passa à la mort de la sainte Théotokos Marie, mais nous tenons d’une tradition ancienne et très véridique qu’au moment de sa glorieuse dormition tous les saints Apôtres, qui parcouraient la terre pour le salut des nations, furent assemblés en un instant par la voie des airs à Jérusalem. Quand ils furent près d’elle, des anges leur apparurent dans une vision et un divin concert des puissances supérieures se fit entendre. Et ainsi, dans une gloire divine et céleste, la Vierge remit aux mains de Dieu sa sainte âme d’une manière ineffable. Quant à son corps, réceptacle de la divinité, il fut transporté et enseveli, au milieu des chants des anges et des apôtres et déposé dans un cercueil à Gethsémani où pendant trois jours persévéra sans relâche le chant des chœurs angéliques. Après le troisième jour, ces chants ayant cessé, les apôtres présents ouvrirent le cercueil à la demande de Thomas qui seul avait été loin d’eux et qui, venu le troisième jour, voulu vénérer le corps qui avait porté Dieu. Mais son corps digne de toute louange, ils ne purent aucunement le trouver ; ils ne trouvèrent que ses vêtements funèbres déposés là, d’où s’échappait un parfum ineffable qui les pénétrait, et ils refermèrent le cercueil. Saisis d’étonnement devant le prodige mystérieux, voici seulement ce qu’ils pouvaient conclure : Celui qui dans sa propre personne daigna s’incarner d’elle et se faire homme, Dieu le Verbe, le Seigneur de la gloire, et qui garda intacte la virginité de sa Mère après son enfantement, celui-là avait voulu encore, après son départ d’ici-bas, honorer son corps virginal et immaculé du privilège de l’incorruptibilité et d’une translation avant la résurrection commune et universelle.»

Et que dirons-nous, à notre tour au tombeau ? Ta grâce est inépuisable et permanente, mais la puissance divine n’est pas limitée par les lieux, ni les bienfaits de la Mère de Dieu. S’ils se bornaient au sépulcre, les dons divins n’atteindraient que peu d’hommes. Mais c’est en toutes les régions du monde qu’ils sont libéralement distribués. Ainsi donc, faisons de notre mémoire le trésor de la Théotokos.

Comment y parvenir ? Elle est vierge et amie de la virginité ; elle est chaste et amie de la chasteté. Elle déteste l’enflure de l’orgueil ; elle n’admet pas l’inhumanité ni les querelles. Elle repousse la vaine gloire qui se fatigue pour le néant. Elle s’oppose en adversaire au faste de la superbe. Elle déteste le souvenir des injures, cet ennemi du salut. Tous les vices, elle les tient pour poisons mortels et prend sa joie dans leurs contraires. Car les contraires se guérissent par les contraires. Le jeûne, la maîtrise de soi, les chants des psaumes lui sont agréables. Avec la pureté, la virginité, la sagesse, elle se plaît, entretient avec elles une paix éternelle, les embrasse avec amour. Elle accueille la paix et l’esprit de douceur, elle reçoit dans ses bras comme ses enfants, la charité, la pitié, l’humilité. Et pour tout dire en un mot, attristée et irritée par tout vice, elle se réjouit de toute vertu comme de sa grâce propre.

Si donc nous évitons avec courage nos vices passés, si nous aimons de toute notre ardeur les vertus et que nous les prenions pour compagnes, elle multipliera ses visites auprès de ses propres serviteurs, avec, à sa suite, l’ensemble de tous les biens ; et elle prendra avec elle le Christ son Fils, Roi et Seigneur universel, qui habitera en nos cœurs.

A Lui gloire, honneur, force, majesté et magnificence, avec le Père sans principe et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

«La terre vierge dans laquelle fut façonné le Nouvel Adam, s’est établie sur la terre sans tache de l’héritage d’en haut.»
Saint Jean Damascène: Sur la Dormition de la Vierge

La terre d’août, jonchée bien avant l’automne de feuilles dorées par la sécheresse, une fois encore a reçu le corps de la toute pure. Marie, Mère de Dieu, s’est couchée volontairement pour mourir, pour rendre à la terre son corps tout préservé, pour rendre à son Créateur le sein qu’Il avait élu, le réceptacle du Fils unique, le temple terrestre de la Divine Trinité. Elle qui récemment se tenait droite aux pieds de Celui qui est mort dressé, voilà que maintenant et pour la dernière fois elle s’allonge.

La Mère se confie à la terre et sur elle se pose. Ce n’est plus l’oiseau céleste de la volonté divine, le lys immaculé plus rayonnant que la tunique de Salomon ; l’oiseau a replié ses ailes et délaissé les envolées, le lys a chu, défait de ses racines terrestres et célestes, tombé comme l’herbe des champs au temps de la moisson.

Couchée comme aux jours heureux de la grotte, l’inaltérée, la montagne imbrisable, le sein virginal se prépare au tombeau. Mais comme en elle sourd à jamais la vie, il n’est pas étonnant qu’épousant l’horizon, elle mette celui-ci en mouvement.

Voyez comme, des horizons lointains, surgissent les apôtres. Tous, sauf Thomas, sont réunis des extrémités du monde, avec Timothée d’Ephèse et Denys l’Aréopagite « …pour contempler le corps qui fut principe de vie… « (Saint Denys, Noms Divins 3, 2). Et Thomas cheminait. Voyez la convergence, vers la Jérusalem d’en bas, des présents sur la terre autour de la Terre-Mère ; foule rassemblée par le souffle immatériel dans la pesanteur de leur corps, la tristesse de leur âme, la joie de leur esprit. Ils entourent la partante et lentement, avec des hymnes inspirés, accomplissent les rites en une liturgie admirable, hommage des vivants. Puis vers Gethsémani la procession se fait. Sur le plat de la terre, chacun s’en va ému et l’on porte, gisante, l’Étoile du matin. Sur ce morceau de sol, sur ce pan de pays, dont le plan est connu, le corps étendu de Marie, la terre hospitalière, le cercueil, le rassemblement des apôtres, le déroulement de la procession, le thrène, le monde visible saisi par l’évènement, toutes ces attitudes étales tracent le « mouvement horizontal ».

C’est la mort de Marie, dont nous savons maintenant qu’elle est dormition. Car voici : aussitôt, poussée complémentaire, vivifiant toute pesanteur, surgit le « mouvement vertical ».

La tradition iconographique est très claire qui illustre les récits historiques : elle raconte ce qui est réellement advenu, peignant la réalité, la fait dans sa plénitude. Comme les témoins (martyrs) à travers leurs textes et leur dire, de même le « raconteur » n’oublie pas que le seul Dieu qu’il confesse est « Créateur du ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles ».

Voyez l’icône de la Dormition : le Christ est là debout derrière la couche de la Dormante. L’âme de Marie s’est échappée d’elle ; son Fils resplendissant tient cette âme en ses mains, lui communiquant ce resplendissement : naissance au ciel figurée par l’âme-enfant emmaillotée. Marie naît au ciel, portée par son Fils. Autour de l’Unique Engendré, voletant et Le servant, voyez les hiérarchies célestes, souffles, flammes, messages… Familière des anges, nourrie par eux dès la petite enfance, enseignée et visitée par Gabriel, plus vénérable que les Chérubins et plus glorieuse incomparablement que les Séraphins, l’épouse inépousée est accueillie comme la Reine. Souvent les portes de la Jérusalem d’en haut où le trône est préparé.

La migration sacrée s’opère en ce mouvement ascendant, en présence des témoins du ciel, dont les Prophètes, qui, de loin, annonçaient sa venue dans le temps. Depuis, ils sont en joie dans le temps sans déclin. Un parfum ineffable monte et s’exhale ; Thomas, arrivé si tard, en hume la fragrance : le tombeau vide ouvert à ses yeux incrédules émane comme une fleur rare. Rien ne peut retenir la Reine en sa partance. Un Hébreu, voulant profaner le lit funèbre dont il se saisit à deux mains, perdit l’usage de celles-ci et « apparut soudain mutilé, jusqu’au moment où, cédant à la Foi et au repentir, il vint à résipiscence » (Saint Jean Damascène,Dormition2, 13). On voit sur certaines icônes Michel Archange trancher les poignets de l’égaré.

Maintenant le ciel et la terre sont mêlés en harmonie : chants, lumières, parfums, présences. Celui qui fit du trépas la source de la Résurrection, fait passer la Très Pure de la terre au ciel.

Endormissement de Marie puis éveil à la Vie sans crépuscule, soir de la vie terrestre et matin de la Vie nouvelle, douleur et joie se croisent.

A l’orée de la saison liturgique, projetant dès avant l’automne, sur l’hiver et sur l’univers son ombre lumineuse, la Croix vénérée au jour de son Exaltation trace les dimensions de l’équilibre spirituel.