1er de l’Avent

1er DIMANCHE DE L’AVENT

LES DEUX AVÈNEMENTS

Mgr Jean, évêque de Saint Denis
17.11.1968

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen !

Comme vous le savez, dans la tradition du rite des Gaules, l’Avent est composé non pas de quatre dimanches mais de six, qui font une « quarantaine », comme dans l’Église orientale.

L’Avent est une période très spéciale. Nous sommes revêtus d’ornements violets car nous nous préparons à la venue du Christ. C’est une période d’abstinence, de jeûne, de préparation, de pénitence, mais c’est en même temps une période joyeuse. Nous chantons « Alléluia » pour montrer que nous sommes avides, assoiffés du retour du Christ. Comme dit l’Apocalypse, l’Esprit et l’Église disent : « Viens ».

Pendant l’Avent, deux événements sont fêtés, attendus. C’est à deux événe­ments que notre âme se prépare, dépassant le temps linéaire. Le premier, attendu à travers l’Ancien Testament depuis l’antiquité du monde, est l’Avènement du Christ, Son Incarnation, Sa naissance de la Vierge. Le deuxième est Son glorieux retour.

L’évangile d’aujourd’hui parle de ce temps eschatologique qui prépare la deuxième venue. Je suis étonné que nombre de chrétiens soient pleins d’agita­tion, d’inquiétude devant les événements du monde. Pourtant, le Christ qui a voulu que nous soyons éclairés et non pas aveugles ou poussés par différents vents, tels des objets inconscients, nous a prévenus : « Cela doit arriver ». Pourquoi être surpris par le manque de charité ou le grand nombre d’athées ? Tout cela est prévu.

Ce qui est à souligner dans cet évangile, c’est que ces événements tragiques, troubles, au cours desquels l’humanité va se haïr chaque fois davantage et les hommes se dresser les uns contre les autres, les événements cosmiques, la perte de la foi, les guerres, tout cela est comparé par le Christ à une femme enceinte. Et cela n’est pas seulement applicable au destin du monde, à ce dernier soubre­saut avant la fin des temps, mais aussi à notre vie personnelle, à la vie des groupes, des Églises.

Les épreuves, les troubles, les agitations autour de notre personne, dans notre vie, sont dans la pensée du Christ et, pour un vrai chrétien, enraciné en Lui,les soubresauts de l’enfantement du monde nouveau. Le Christ le dit : c’est comme une femme qui ressent les douleurs ; mais quand l’enfant est né, elle est remplie de joie.

Ainsi, en face de tous les événements tragiques du monde, ou personnels, ou ceux d’un groupe de personnes, la première attitude du chrétien doit être la lucidité. Il ne faut pas céder à la panique mais garder une attitude tranquille et stable. A travers ces événements se profile déjà la joie car nous savons que tous ces soubresauts, toutes ces douleurs ne sont que le neuvième mois, quelques jours avant la naissance des Cieux nouveaux et de la Terre nouvelle.

Les chrétiens ne doivent pas rechercher les souffrances, la guerre – nous prions pour la paix – les troubles, l’agitation ; mais, lorsque ceux-ci arrivent, ils doivent se réjouir et faire que leurs souffrances participent à cet engendrement du monde nouveau. Car si nous sommes tous enracinés dans la paternité divine, revêtus de la lumière du Christ, alors notre regard n’est pas tourné vers le passé, ni même vers le présent ; il perce l’avenir et, à travers la mort, il voit la Résurrection.

A travers les épreuves qui sont de plus en plus fortes dans le monde, nous percevons ce dont le Christ nous parle : cette joie que l’homme nouveau naisse et que le monde nouveau soit engendré.

Quelle douleur, quelle inquiétude chez tous les prophètes qui attendaient le Christ et Son premier Avènement ! Que de fois ont-ils demandé : « Quand ? » Lui, répondait : « Me voici ! Si je tarde, attendez ! Me voilà ! » Le temps passait ; ils étaient maltraités mais cependant ils espéraient, ils prêchaient, poussés par l’Esprit. Et Il est venu ! Il en sera de même pour le Second Avènement : nous allons être haïs à cause de Son Nom et, malgré l’aveuglement des hommes, nous persisterons, tel Habacuc à sa place de prophète, tel Ezéchiel sentinelle de Dieu et, dans cette attente, notre cœur sera rempli de cette joie qui précède, anticipe le monde nouveau.

J’ajoute encore un mot à propos de la destruction de Jérusalem. Une littéra­ture circule parmi les chrétiens ; elle prétend que les premiers chrétiens et le Christ Lui-même s’imaginaient que la destruction de Jérusalem et la fin des temps auraient lieu simultanément et elle conclut qu’ils se sont trompés en vivant dans cet état eschatologique : Jérusalem a été détruite en 70 et la fin n’est pas venue.

Vous avez écouté l’Évangile. Le Christ parle de la destruction du Temple. Puis, après un arrêt, Il Se rend sur le Mont des Oliviers. Les disciples Lui posent des questions, en particulier sur la fin des temps, sur la destruction du Temple. Il répond devant la foule par son discours comme Il parle en secret avec les intimes. Il distingue le fait historique de 70, date de la destructiondu Temple de Jérusalem, du Deuxième Avènement et Il montre qu’il y aura aussi dans la destruction du Temple une image universelle. Lorsqu’Il dit : « Pierre sur pierre, il ne restera rien », Il ne parle pas seulement du Temple de Jérusalem ; Il veut dire : pierre sur pierre, il ne restera rien de la Révélation chrétienne. Progressivement elle sera détruite, de telle manière qu’à la fin des temps peu de gens comprendront. C’est l’annonce de la destruction de la doctrine chrétienne par une multitude de théories, d’hypothèses, d’écoles, d’enseignements.

Voilà pourquoi nous les chrétiens devons être vigilants et ne pas prendre un faux prophète pour un vrai, « car beaucoup viendront et diront : Moi, je suis le Christ » et ils séduiront un grand nombre . Alors, et c’est l’autre attitude : sérénité devant les événements, confiance car ils ne sont qu’un soubresaut, un enfantement et, en même temps, vigilance et fidélité à la Révélation.

Ainsi notre temple intérieur, le temple de notre intellect et de notre cœur, ne sera pas détruit – ruine de pierres et de pierres. Fidélité à ce que le Christ nous a confié ! Amen !

Evêque Jean de Saint-Denis