Maxime Kovalevsky

HOMMAGE A MON FRÈRE MAXIME

Pierre Kovalevsky – 30 Août/12 Septembre 1973.

En tant que seul témoin des vingt cinq premières années de vie et d’activités de mon frère Maxime, je crois de mon devoir d’en dire quelque mots lors de son soixante dixième anniversaire 30 Août 1903-30 Août 1973.

Mon frère est né le jour de Saint Alexandre Nevsky à Saint Petersbourg et tout indiquait qu’il devait porter le nom du patron de la ville qui, consacrée à Saint Pierre l’Apôtre, avait néanmoins en tant que protecteur le héros national, dont les reliques reposaient dans l’archi-abbaye de la capitale.

Nous n’avions cependant d’Alexandre dans la famille et son parrain choisi, oncle de notre père, le sociologue très connu, portait le nom de Maxime. Ce nom était fréquemment donné dans la famille Kovalevsky depuis le XVIIIe siècle.

Vu que Maxime Kovalevsky habitait la France, Paris et Beaulieu-sur-Mer, on eut recours à un parrain supplémentaire, le cousin de notre père le professeur Eugène Markov, géographe réputé, avec qui notre père avait fait en 1888 l’ascension du Mont Ararat. Maxime eut donc exceptionnellement deux parrains. Maxime Kovalevsky rentra en Russie en 1904, mais l’on­cle Eugène resta néanmoins parrain.

Comme marraine de Maxime fut choisie une grande amie de notre mère, Madame Sophie Davydov, née de Goyer, Présidente de la Société d’Encoura­gement de l’Enseignement Professionnel Féminin et membre du Conseil d’Instruction Publique.

La tradition de notre famille, moitié militaire, moitié académique, demandait qu’au moins un des fils dans chaque génération soit militaire. Maxime et mon frère Eugraph furent par conséquent inscrits sur la liste de candidats au Corps des Pages, – le Saint-Cyr russe, réservé aux fils de militaires haut gradés. Vu que notre grand père Pierre Kovalev­sky (1826-1893) était général, il n’y eut pas de difficultés et, après avoir commencé ses études secondaires dans le corps de cadets Alexandre II à St Petersbourg, Maxime passa pour les classes supérieures dans l’école célèbre, installée au Palais Vorontsov, ancien siège des cheva­liers de Malte. Il fut constamment premier et resta dans cette école jusqu’à la fermeture définitive en Mai 1918.

Sur la préparation littéraire et scientifique ainsi que sur nos études à la maison sous la direction de notre mère, Maxime a parlé en détails dans les pages consacrées à notre frère Eugraph (évêque Jean) dans le Mémorial consacré à ce dernier (Paris 1971). Je n’y reviens donc pas.

A coté de la préparation scientifique et humaniste notre mère vou­lut nous donner une instruction musicale. On avait organisé chez nous un cours de danses, dirigé par une maîtresse expérimentée et des leçons de chant et de piano que réglait Madame Marie Tchernosvitov, la femme d’un des collègues de notre père à la Douma. Maxime et moi nous jouions du piano et Eugraph du violon.

En dehors de ces leçons nous fumes inscrits à l’Ecole Musicale Schloesinger, qui donnait une instruction musicale complète.

Dans notre village de Youtanovka, gouvernement de Voronège, nous prenions des leçons de chant liturgique avec notre chef de chœur Mitrophane Kolomiïtsev.

Lors de notre séjour à Kharkov en 1918-19, nous avons complété avec Maxime nos études secondaires jusqu’au baccalauréat, mais ne passâmes nos examens qu’à notre arrivée à Paris en Mai-Juin 1920.

A Kharkov, ville que nos ancêtres avaient fondé au milieu du XVIIe siècle,nous avions beaucoup d’attaches et c’est là que commença no­tre travail pour l’Eglise Orthodoxe. A Petrograd, en 1918 nous étions tous les trois délégués par la Cathédrale Notre Dame de Kazan, notre paroisse, en tant que représentants de la jeune génération, lors de la venue dans la capitale du Patriarche Tikhon (Mai 1918). Nous primes une part active à la vie du monastère de la Protection de la Sainte Vierge à Kharkov, en chantant et en desservant les offices. Sur la recommandation de notre parent, le Métropolite Antoine (Khapovitsky), nous suivîmes un cours remarquable de liturgie du père Alexandre Pourlevsky, professeur au grand séminaire de la ville.

Maxime et Eugraph commencèrent dès cette époque à peindre des icônes en dehors du cycle des 365 jours (icônes des saints pour chaque jour de l’année) commencé à Petrograd en 1917. L’amitié du directeur de la librairie du monastère, l’hieromoine Haïalamep nous y aida beau­coup. Dans une de nos chambres mes frères installèrent une chapelle qu’ils ornèrent de leurs icônes.

Pendant le grand voyage vers la France en Janvier-Février 1920 nous prîmes une part active à la vie de la paroisse Saint Sauveur à Simféropol en Crimée et à l’ermitage St André à Constantinople.

Dès notre arrivée en France mes frères installèrent une chapelle dans notre villa de Beaulieu-sur-Mer et l’ornèrent d’icônes peintes par eux. Autant les icônes d’Eugraph étaient vigoureuses et peintes en grands trais, autant celles de Maxime étaient minutieusement travaillées, avec des trais très fins. L’iconostase de la Villa de Beaulieu se trouve maintenant à l’Eglise de la Présentation de la Sainte Vierge, 91 rue Olivier de Serres à Paris (15).

Au mois de Juin 1920, après une préparation-répétition avec des professeurs compétents, nous passâmes avec Maxime nos examens de fin d’études secondaires et nous nous inscrivions en Octobre 1920 à l’Université de Paris. Maxime y passa ses examens de Licence ès Sciences, et eut comme professeurs Emile Borel et Elie Cartan. Puis il s’inscrivit à l’Institut Supérieur de Statistique de l’Université de Paris et en obtint le certificat de fin d’études. Il continua ses recherches au­près de cet Institut et obtint le grade de Statisticien Diplômé en 1928. Son travail était intitulé : « Etude statistique sur les résultats des examens du baccalauréat en France (1904-1927), avec deux tableaux de dépouillement et dix planches de diagrammes et courbes ».

En tant que spécialiste de statistique mathématique, du calcul des probabilités et des grands nombres, Maxime fut invité dès 1928 à travail­ler au service d’actuariat de la Compagnie d’Assurance Soleil et Aigle.

Ni les études musicales, ni les travaux artistiques ne cessèrent avec l’arrivée en France. Maxime travailla avec le professeur Nicolas Chamié du Conservatoire Russe de Paris à la composition musicale et mes deux frères suivirent des cours de l’Académie de peinture, dirigée par les peintres Choukhaev et Jakovlev, rue de la Grande Chaumière.

On peut dire que Maxime entra dans la deuxième période de sa vie, âgé de 25 ans, muni non seulement de connaissances approfondies dans sa spécialité d’actuaire, mais armé également du point de vue artistique et musical.

Ordonné le 5/18 Octobre 1921 acolyte et sous-diacre par Mgr Euloge à la cathédrale orthodoxe de Nice, où il chantait et qu’il desservait avec ses frères, il remplit entre 1921 et 1924 l’office de sous-diacre auprès de l’archevêque (puis métropolite) Euloge à l’église cathédrale de la rue Daru à Paris. En 1924 il prit une part active la fondation et à l’organisation des chœurs des églises orthodoxe russes nouvellement fondées à Clamart et à Meudon et de la paroisse Saint Serge à Paris. Il accompagna également comme chantre et desservant, les prêtres qui allaient célébrer en province, là où s’étaient fixés des travailleurs russes et où il n’y avait pas encore de paroisses permanentes. Il dirigea également durant plusieurs années les chœurs de l’église russe Saint Jean le Guerrier à Meudon.

D’autres diront ce que Maxime a fait durant les quarante cinq d’activité écoulés depuis 1928, mais il fallait que les débuts de son travail soient également éclairés.

Extrait du journal russe « RENAISSANCE » du 6-9-73

Maxime Evgrafovitch Kovalevsky – Mathématicien et compositeur –

à l’occasion de ses 70 ans.

Maxime Evgrafovitch Kovalevsky, spécialiste connu de la Théorie des grands nombres et de la Probabilité, et en même temps compositeur de musique spirituelle, est né le 30 août (12 septembre) 1903 à Saint Petersbourg. Il commença ses études dans le Corps des Cadets d’Alexandre, puis dans le Corps des Pages mais les événements l’empêchèrent de terminer ses études en Russie[1]. Il passa donc les examens du baccalauréat en France. Après des études complètes à la Faculté des Sciences de Paris (Mathématiques d’où il sortit licencié ès-sciences, il poursuivit sa formation à l’Institut supérieur de statistiques auprès de la Faculté de Paris. La thèse qu’il présenta ensuite (« Etude statistique des résultats aux examens du baccalauréat en France de 1904 à 1927 » ou « L’examen, est-ce un hasard ? ») lui valut le grade de statisticien diplômé de la Faculté de Paris.

Entré dans la Compagnie d’assurances Soleil-Aigle, dans le département d’actuariat, il y travailla près de 40 ans en occupant une succession de postes responsables. Après 1968, il fut invité comme Conseiller technique par la Réunion des Sociétés d’assurance-vie françaises. Il n’abandonna ces domaines d’activité que le ler juillet de cette année pour se consacrer à sa vocation de compositeur.

Déjà à Saint Petersbourg, M.E. Kovalevsky avait commencé sa formation musicale en fréquentant l’Ecole des musiciens méthodologues de Sclesinger. A Paris, il travaille avec des professeurs du Conservatoire russe ( en particulier ­M. Chamié) et en même temps étudie le chant orthodoxe russe[2].

Pendant plusieurs années il a occupé des fonctions de chef de chœur de l’église de Meudon puis de celle de la Montagne Sainte Geneviève. Actuellement il se trouve à la tête de la Chorale Saint Irénée à Paris[3].

Comme spécialiste d’Histoire de la musique liturgique, il fut à plusieurs reprises invité à faire des conférences en Scandinavie, en Suisse et en Allemagne et fit publier une série d’études sur ce sujet[4].

M. Kovalevsky prit part à l’édition de recueils de chants liturgiques russes[5] dans lequel se trouvent un certain nombre de ses compositions et de ses harmonisations.

Quand, après le Concile Vatican II, apparut en France le nécessité d’ajuster à la langue française les chants liturgiques, il apporta des solutions valables, en particulier au problème de l’harmonisation des mélodies traditionnelles. Pour les offices orthodoxes en langue française, il composa une grande quantité de chants. A l’Institut Saint Denys, il occupe la chaire d’Histoire de la Liturgie et prodigue l’enseignement du chant liturgique.

En 1973 il est élu Président de la Société musicale russe de Paris. Nous pouvons souhaiter au jubilaire qui a conservé une jeunesse étonnante et une grande vivacité de caractère, encore de longues années de travail productif.

D.B.

traduit par la Rédaction

[1]. Il se destinait à la carrière militaire.

[2]. notamment avec Nicolas Kedroff Père et Michel Ossorguine Père. Entre les deux guerres, il suivit également les cours d’histoire de la musique de Mlle Nadia Boulanger.

[3]. Il est Maître de Chapelle de l’Eglise catholique orthodoxe de France.

[4]. Il collabora notamment à l’édition de l’Encyclopédie des Musiques sacrées (Ed. Labergerie Mame) pour laquelle il écrivit plusieurs articles et où il était chargé également de revoir tous les articles traitant de la musique russe et bulgare.

[5]. « Sbornik » édité à Londres.