Lettres pastorales de Noël

Lettre pastorale en la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ pour l’an 2015

Aux clercs et aux fidèles de l’Église Catholique Orthodoxe de France.

Dans la liturgie venue de nos ancêtres le mystère de Noël est magnifié sous l’aspect des deux avènements de Notre Seigneur Jésus-Christ : l’avènement advenu à Bethléem et l’avènement à venir à la fin des Temps.

Ému et pris chaque année, à Noël, par la douceur et la paix du premier dévoilement de Celui qui vient du Père des cieux, le monde presque entier se réjouit. Il ignore ou, du moins, il repousse de considérer l’angoisse, le fracas et l’apocalypse annoncés pour les temps du deuxième avènement qui dévoilera la gloire, la beauté et la perfection de l’homme renouvelé, l’Adam nouveau.

Il me semble alors bienfaisant, au sein des tourments de guerre, des tumultes et des désordres actuels parmi les nations, particulièrement en notre pays, de discerner et d’apprécier la marche de notre temps.

Cette marche et les signes qui l’accompagnent éclairent le chemin qui mène au retour glorieux de notre Sauveur et Rédempteur, Jésus !

Souvenez-vous, ou sachez-le, nos aïeux de la fin du Moyen-Âge et ceux de la Renaissance, dont les travaux portent lumière et ombre jusqu’à nos jours, ont utilisé le génie humain et son instrument – la raison – pour repousser Dieu au loin, pour le reculer au maximum et pour philosopher, psychologiser, scientiser … son œuvre, c’est-à-dire « nous-mêmes et la création visible ».

Il s’en est suivi une relation entre l’homme et la nature, relation très éloignée de ce même Dieu qui, Lui, s’offre à l’amour et à l’amitié tout en aidant cet homme à retrouver et à reprendre sa vérité originelle. Et ce Dieu-reculé n’est plus guère retenu que pour une morale et pour un culte respectueux.

Le Dieu vivant s’est alors retiré et nous a livrés aux pensées de notre cœur. Celui-ci s’est ouvert aux idéologies, aux conquêtes scientifiques, sociales, culturelles pendant les sept derniers siècles. Et ce cœur a construit un monde de progrès sans fixer de terme à cette notion. Alors, de conquêtes exaltantes en déceptions déroutantes, il s’est usé et ne sait plus où va le monde, et il rencontre les prémices du deuxième avènement annoncés par les trois évangélistes, Matthieu, Marc et Luc : guerres, bruits de guerre, phénomènes cosmiques, tourments entre les hommes et la nature, entre les nations et les religions, entre les idéologies et les sciences concrètes.

Nous, disciples de Celui qui est né homme à Bethléem et qui a expérimenté, comme nous, la nature humaine et la nature cosmique, nous comprenons que ce Jésus, ce Christ, prépare notre cœur, à travers ces épreuves que nous (nous) créons, à la fois à la reconquête de nous-mêmes et à la fois à la découverte de notre aptitude à répondre à la compassion et à l’amour de Dieu pour résoudre le destin de toute la création.

La preuve de cette marche vers le deuxième avènement réside dans la démonstration faite par le Christ, Lui-même, de la fin de toute confusion et de toute soumission au joug des choses inférieures, car Il est et vérité et liberté, celles qui paraissent à Noël.

Que tout ceci anime vos âmes et vous porte à chanter : « Le Christ est né pour nous, venez adorons-Le. »

Joyeux Noël et paix en vos cœurs.

Votre bénissant,
évêque Germain de Saint-Denis.

LETTRE PASTORALE POUR LA FÊTE DE NOËL 2014

Aux bien-aimés fidèles et clercs de l’Église Catholique Orthodoxe de France.

Vivant au cœur de l’univers, tout chrétien a le pouvoir et le devoir de considérer l’histoire. En elle rien n’est indifférent. Elle inscrit et mène tous les humains vers « ce qui arrivera » et qui est plus certain que le ciel et la terre, à l’accomplissement des temps et de tout.

Le chrétien – chacun d’entre nous – pourrait et devrait discerner, dans le mystère de Noël, deux moments essentiels. Ces deux temps dont celui-là même de la Nativité – le temps de la révélation – et le temps de l’existence de cet homme ou de cette femme.

Au temps de la révélation, lorsque vint Jésus, César-Auguste gouvernait l’Empire romain, cet empire universel qui suscita le droit dont tant de peuples usent maintenant. Dans cet empire la Grèce épanouit son génie culturel universel et le peuple d’Israël préparait et présentait la religion universelle.

Ces trois génies – l’impérial romain, le culturel grec, le religieux juif – enlacés, étaient là, prêts à recevoir le Roi de l’univers, le Christ-Jésus. Il put ainsi venir et Il vint, Lui le Créateur de l’univers. Ils ne L’ont pourtant pas reçu consciemment ni même vu. Ils L’ont rejeté, repoussé, condamné, réduit sans éclat ni beauté, mis au rebut de l’univers. Ils L’ont manqué, persécuté, éliminé ! Ces trois cependant – l’impérial, le culturel et le religieux – ces trois œuvres issues du génie et des travaux humains proposaient leur force et leur puissance pour aider à réaliser la destinée universelle. Ils suscitèrent alors, au sein des leurs, quelques personnes pour écouter, recevoir et magnifier le Roi. Ces personnalités firent passer avec Lui de l’ancien au nouveau, de l’universel au personnel, de la ténèbre historique à la lumière hypercosmique. L’Empire, la Grèce et Israël allaient être justifiés.

Et ce furent :

  • César-Auguste (l’Empire) qui ordonna ce recensement à Jérusalem (la religion),
  • Joseph, de la maison royale, celle de David,
  • Marie, la Vierge parfaitement gracieuse,
  • des bergers, veilleurs de nuit sur leurs brebis,
  • un ange et sa multitude annonciatrice et glorifiante,
  • trois mages, rois des peuples d’autres cultures et princes de l’esprit (le culturel),
  • Hérode, le roi jaloux et meurtrier …

Ce furent ceux-là qui, au creux de la nuit politique, culturelle et religieuse, reçurent le fils premier-né de la Vierge et le reconnurent comme Roi et Sauveur universel.

Chrétien, toi qui entends et vois l’histoire, toi qui te meus dans le politique, dans le culturel, dans le religieux, inscris-toi aujourd’hui même et rétroactivement (tu le peux) après Hérode dans l’immense cortège de ceux qui reçoivent le Roi des nations, Lui accordant de régner progressivement sur un grand nombre de cœurs. En cela, chrétien, tu te tiendras à l’origine du mystère, tu te nourriras des prémices du salut, tu verras déjà le renouveau de l’univers, tu exulteras d’une joie divine à la lumière de la révélation.

Sautons par-dessus les ans. Considérons maintenant le deuxième moment de l’histoire, moment essentiel pour nous – ce temps où nous vivons – ce Noël de l’an 2014 qui étend la lumière de la sublime venue sur notre génération. Et que voyons-nous ? Un trouble heureux dans nos lieux, un mouvement universaliste sur tout l’Occident, qui se traduisent par de fastueuses liturgies commerciales, des exultations festives où s’échangent des cadeaux, des lumières et des couleurs croissantes au sein des ténèbres extérieures. Le politique et le culturel s’associent à la fête pour lui donner l’éclat le plus brillant possible.

Quant à nous, chrétiens, nous célébrons au plus profond de la nuit cosmique le mystère de la venue intime, sublime, ineffable, inconcevable, de Celui que la terre close sur ses troubles ne peut recevoir, ni contenir. Nos psaumes, nos hymnes, nos cantiques, nos prières révèlent la présence humaine, terrestre, cosmique, céleste de ce fils de Marie. Nous savons qu’Il est le fruit des travaux enlacés de Dieu et de l’humanité, le Sauveur universel qui montre Dieu dans la chair.

Ici jaillit une paix inconnue. Elle vient au cœur de tous ceux qui se saisissent de la « bonne volonté » disponible en ces jours parmi les hommes : « bonne volonté » car Dieu est avec nous et fait vouloir ce bien sans y obliger. En ces « jour-et-nuit », par Marie, l’humanité entière se reconnaît un peu comme servante du Seigneur, toute âme peut magnifier ce même Seigneur et tout esprit peut être ravi de joie. Qu’il en soit ainsi pour les Églises de Dieu qui reçoivent l’Emmanuel.

+ Votre bénissant Monseigneur Germain, évêque de Saint-Denis.

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LETTRE PASTORALE POUR LA FÊTE DE NOËL 2013

Aux bien-aimés fidèles et clercs de l’Église Catholique Orthodoxe de France

La liturgie de Noël dit:

Pourquoi la fête de Noël, la Nativité, trouble-t-elle autant l’univers et pas seulement les chrétiens ?
Parce qu’elle répond aux deux attentes des hommes et de la création qui lui est attachée :
  • la longue attente de l’Antiquité, d’avant la venue du Fils de l’homme, et
  • l’attente actuelle, depuis sa venue, de la nature entière qui gémit en ce temps pour l’apparition de « la liberté glorieuse des enfants de Dieu ».

Souvenez-vous en effet – ou apprenez-le, si vous ne le savez.

Depuis la rupture à l’origine d’avec le Créateur, lorsque les hommes ont quitté l’intimité divine, se projetant alors et se dispersant dans la création, ils se sont livrés à la persécution par l’esprit malin.

Celui-ci, auteur de la rupture et féroce par nature, s’employa – et s’emploie toujours – à prendre auprès des hommes la place de Dieu. Il a parasité ainsi toute l’Antiquité créant les fausses religions et suscitant au cœur des civilisations successives un orgueil qui les fasse se substituer à la proposition divine de communion entre Dieu et l’homme.

Ce vouloir et l’activité de l’esprit sous-ciel associés à la nostalgie, chez l’homme, de la présence divine, créèrent une antiquité de « crainte » de plus en plus prégnante. L’humanité, curieusement, se chercha une issue à la crainte :

  • chez les hommes, tels Job, Bouddha … on posa la nécessité d’un médiateur pour retrouver, si possible, le vrai rapport entre l’homme et Dieu ;
  • chez les femmes – où on peut compter les civilisations, races, nations – on se prépara à engendrer ce médiateur, sans semence de l’homme, mais avec la semence divine. Ce furent les vierges-mères de l’Antiquité.

L’issue se produisit après d’immenses tribulations. Marie engendra le Médiateur, Jésus ! Il brisa l’emprise des esprits méchants et rendit aux hommes le pouvoir de reconquérir leur autonomie malgré leur assujettissement aux éléments physiques, psychiques et spirituels de la création.

Ceci fait de Noël la libération de l’esclavage spirituel des peuples. Ceci fait exulter les cœurs conscients et inconscients. C’est Noël !

Noël, alors, introduit et inaugure la deuxième attente, celle de la nature entière – visible et invisible – qui s’allie au Christ, au baptême dans le Jourdain (nous appelons ce mystère de l’alliance entre Dieu et la nature, la Théophanie), pour aider l’humanité à reconquérir sa liberté.

Nous vivons cette période. Elle est celle de la lutte avec l’aide divine et avec celle de la nature généreuse pour redevenir des hommes sans péchés, des saints, et pour entraîner alors toute la création à la conquête du Royaume des cieux.

À Noël, toute la création, l’humanité en son centre, éprouve l’indicible expérience du Dieu Créateur qui se fait créature avec la permission humaine – celle de Marie, le chef d’œuvre humain – pour la libérer (la création) de toute sujétion intérieure et extérieure et rendre à l’homme sa royauté sur lui-même et sur la création.

Cet homme royal, avec Jésus, est chacun d’entre nous et aussi tous les hommes ensemble.

Considérez ce mystère et faites des deux attentes qui se nouent à Noël, le piédestal de la paix et de la joie possibles.

« Car Dieu est avec nous ! »

+Votre bénissant, Germain, évêque de Saint-Denis

nativité

Nativité

Évangéliaire enluminé
de la cathédrale orthodoxe Saint-Irénée à Paris

(Atelier Saint-Luc, vers 2000)

LETTRE PASTORALE POUR LA FÊTE DE NOËL 2012

Aux bien-aimés fidèles et clercs de l’Église Catholique Orthodoxe de France

La liturgie de Noël dit:

« Pendant que le silence enveloppe tout et que la nuit est au milieu de sa course ton Verbe tout puissant S’élance du trône royal et descend des Cieux. »

L’avez-vous remarqué ? Combien, étrangement, en cette fin d’année, retentissent sur nos terres de nombreux accents de « fin du monde ». Sur les modes de fin d’une époque ou d’une civilisation, de fin d’un pacte social économique et politique, de fin du sens commun ou d’une mentalité … ! Et tout ceci dans le silence des cieux angéliques et prophétiques. Le ciel spirituel ne parle pas au laïcisme qui semble fort bien s’en accommoder.

Notre temps, avec nous, dispose du prophétisme technique, parfois scientifique. Il se tait sur les cieux. Il rend silencieux les oiseaux et les messagers célestes. Il rend bavards les poissons médiatiques qui se meuvent dans les eaux du quotidien inquiet et angoissé.

Dans ce même temps, cependant, en cette même fin d’année, Noël se lève et met en mouvement toutes gens en effervescence de cadeaux.

Nous voyons bien ici comment on rejoue de nos jours les jeux et les fêtes de l’Empire de Rome en fin d’époque antique (le premier siècle de notre ère) tandis qu’en son sein le prophétisme des Hébreux s’est tu depuis trois siècles. Nous rejouons à la même période.

Ces jeux et fêtes, alliés au silence de tout prophétisme apte à éveiller les cœurs et l’esprit des hommes, ont installé une nuit profonde sur les habitants de la terre – dans notre Occident -. Et ces habitants achèvent leurs jours passés sans perspective d’avenir, de même qu’ils ignorent les jours à venir, se trouvant sans lumière pour les discerner.

Lorsqu’une telle nuit s’achemine, lorsque les travaux des générations débouchent sur le bavardage, sur les annonces d’épreuves et sur la stérilité, lorsqu’en même temps les enfants du prophète n’ont plus de révélations et qu’ils ne savent plus en désirer ni en recevoir, alors? Le ciel s’ouvre soudainement pour répandre sur le monde la rosée qui féconde la civilisation devenue stérile et qui justifie tous les efforts en tous domaines.

Àce moment le Dieu vivant s’élance vers les hommes et vers leurs œuvres et leur propose une fécondité nouvelle. Laquelle? Celle d’engendrer Dieu à la vie de l’homme, cet engendrement venant par la femme qui, en elle-même, synthétise toute culture, toute civilisation, toute sagesse et effort, tout travail des générations passées et à venir.

Noël est cet élan de Dieu – le premier avènement – ce Dieu qui se fait homme, engendré à la vie humaine par la femme – Marie -, la femme enveloppée de silence.

Et toutes les générations qui viendront après cet événement unique, silencieux et foudroyant qui brise le carcan des cycles, toutes ces générations vont s’émouvoir à Noël, à la célébration consciente ou inconsciente de ce qui est advenu. Car Jésus est là.

Particulièrement lorsque les conditionnements de «fin», comme tel est actuellement le cas, émeuvent les entrailles des nations et des peuples, nous savons que «le nouveau», totalement nouveau, se présente à l’agrément de l’époque, de ses hommes qui la vivent.

Sachons voir l’irruption et l’urgence, dans cette atmosphère de fin d’un monde – ou peut-être même de fin du monde – du deuxième avènement qui nous montrera l’homme dans toute sa vérité et sa beauté, justifiant tout peuple, toute nation, toute civilisation et toute culture.

Réjouissez-vous maintenant, au milieu des cadeaux, des repas, des amitiés et des fêtes, quels qu’ils soient, réjouissez-vous de tout ce qui est humain et devenu capable de recevoir le suprême cadeau offert par le Père des Cieux: son Fils, Lui-même.

Il est né pour nous, venez, adorons-Le avec les Mages (à l’esprit éveillé) et avec les bergers (les cœurs simples).

+Votre bénissant, Germain, évêque de Saint-Denis

LETTRE PASTORALE POUR LA FÊTE DE NOËL 2008

Aux bien-aimés fidèles et clercs de l’Église Catholique Orthodoxe de France.

Tandis que se gonfle à l’approche de Noël le sein virginal, avec saint Joseph le Juste, sans tout savoir et sans juger, chantons :« Tes entrailles, ô Marie, sont plus vastes que les cieux ». Apprenons, nous clercs et fidèles de l’Église orthodoxe de France, pour vraiment soulager, sans savoir tout et sans juger, le monde fatigué dans les attentes décevantes, maladives ou stériles, apprenons, à la faveur de ce mystère, à rendre nos cœurs plus larges et atteindre, par là, l’universel.

Dans la nuit de la Nativité de « Dieu avec nous », à la faveur des ténèbres naturelles, dans les ombres des cœurs ou celles des civilisations, il n’y a point d’effort à demeurer indifférent ou replié. Quelle nouveauté ou quelle particularité vivifiante y a-t-il aussi dans les évènements de la tradition extérieure des fêtes à Noël : congés, repas, cadeaux ? Et combien il est naturel de se reposer au tournant de l’année ! Mais comment entrer, par Noël, dans le destin universel ? Comment changer, avec la Vierge féconde, l’usure, la fatigueet la tristesse du monde, en renouveau, en vitalité et en bonheur, sans perdre la patience d’attendre et d’atteindre le temps fixé pour ces réalisations ? Comment élargir nos cœurs là où les entrailles virginales s’agrandirent jusqu’à contenir l’Incontenable ?

Pour discerner la bonne méthode, avançons, depuis les temps les plus reculés jusqu’à cette heure même de la Naissance, avec Abraham, Isaac, Jacob, avec David, Salomon, avec Jessé et Joseph, près de Marie. Depuis Adam jusqu’à l’époux de la Vierge, au milieu de ces géants de la vie en Dieu, avant et après ces saints, nous distinguons des inconnus, beaucoup d’inconnus, de ces êtres sans biographie certaine, presque sans rôle, figurants d’un jour ou d’une heure et d’un nom, parfois seulement, dans l’Écriture Sainte.

Pourtant chacun de ces hommes et de ces femmes, dans la chaîne généalogique de Jésus-Christ, Sauveur, est aussi indispensable que le patriarche de la foi, Abraham, ou que le roi sage, Salomon. Ils n’ont pas, ces inconnus, de biographes pour les décrire ; ils n’ont pas de vertus, sans même parler de sainteté, pour les porter à la face des générations suivantes actuelles ; ils semblent même reculer dans l’obscurité lorsqu’on cherche à les rencontrer. Est-ce honte ou discrétion de leur part ? En tous cas ils ont permis, apporté, humblement, anonymement souvent, l’engendrement du Fils de Dieu à l’humanité. Ils ont produit sur l’arbre humain la fleur unique et pure et emplie de parfum : Marie! Nous voici devant cet enseignement lumineux et profond. Lorsque nous nous demandons : pourquoi donc vivrions-nous ? Quel est le sens de notre vie ? Combien est-il intolérable de se sentir méconnu, petit ? Qu’avons-nous à faire avec la Divine Trinité, avec Noël ou avec le destin du monde ? Pourquoi sommes-nous incapables de porter la sainteté ? En tous ces cas, toujours, réjouissons-nous, emplissons-nous de joie, car nous sommes effectivement des inconnus, de vie quelconque, quasi dépourvue de sens, parfois ratée, mais nous sommes, aussi, des maillons indispensables dans la formation de l’Homme nouveau, de la stature parfaite du Christ, de la plénitude de l’Église enceinte des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Nous participons de manière unique à cet engendrement.

Précipitons-nous donc – et l’univers entier en sera soulagé – concrètement et immédiatement dans ce bonheur purificateur qui consiste à aimer être presque rien, anonyme. N’est-il pas simple de dire à l’Enfant déposé dans la crèche :
« Vois, Seigneur, je suis le dernier des hommes, l’avorton, un inconnu de tous, ordinaire. Je ne possède rien de particulier, ni don, ni génie, ni fortune, ni intelligence. Je suis poussière de cette terre. Mais je T’ai engendré moi aussi et je T’engendre à cette heure nouvelle de ton Deuxième Avènement qui approche ? » Quelle n’est pas cette expérience du bonheur de se sentir petit, et secrètement, sans présomption, anneau unique de la chaîne dont le dernier maillon justifiera tous les autres ! Marie, elle-même, expérimenta mieux que quiconque cette petitesse de servante, cette humilité de la terre. À cause de cela, d’elle jaillit le miracle, le mystère de la Naissance divine qui emplit le monde de consolation et de joie.

La perfection de cette joie mènera ensuite, dans notre vie quotidienne, au delà de la conscience de notre quasi inutilité d’anneau d’une chaîne, à se réjouir merveilleusement de la grandeur des autres. Car cet enfant, le Christ, issu des entrailles de Marie et de la longue généalogie, va grandir jusqu’à la parfaite mesure de l’homme. Et Noël ainsi dirige également vers la déchirure et la destruction de la jalousie enracinée par Caïn dans les entrailles des cultures et des civilisations. Comme saint Jean-Baptiste vis-à-vis du Christ –« il faut qu’Il croisse et que je diminue »– nous pouvons voir poindre, dans l’Engendré au siècle, dans la nuit de Bethléem, la renaissance au sein de l’humanité de la joie de ce qu’un autre grandit.

Merveilleuse humanité où l’on peut entendre : je suis petit, inutile, inconnu dans la foule, sans possession, mais voyez mon frère dont notre Dieu reçoit l’offrande! Comme il est grand !

Collaborons, mes frères et mes fidèles orthodoxes, cette année, à cette généalogie et à la joie dans la grandeur des autres. Alors pénètrera dans nos cœurs cette paix, et cette joie, capables de les élargir plus grandement que les cieux d’où germe le Sauveur !

+Votre bénissant, Germain, évêque de Saint-Denis