1er DIMANCHE DE CARÊME
QUADRAGESIME
Le Triomphe de l’Orthodoxie
Je fus ordonné le « jour du Triomphe de l’Orthodoxie » ou plutôt je célébrais ma première messe, au jour de la Gloire de l’Orthodoxie. Triomphe de l’Orthodoxie et, simultanément, le Métropolite Eleuthère, de bienheureuse mémoire, chantait la Divine Liturgie en mémoire d Monseigneur Winnaert
Mais je désire présentement parler surtout de l’hérétique opposé à un orthodoxe. Je commence. Quelle est la différence entre l’hérétique et l’orthodoxe ? En écoutant l’épitre de Paul, j’ai été tellement saisi par ce texte que si l’apôtre avait été ici, en chair et en os, j’aurai baisé ses pieds en disant : « Paul, ton épitre nous apporte plus que l’or ou toutes les richesses ! ». Je veux, mes amis, vous communiquer mon sentiment : voyez combien cette épitre décrit admirablement ce que le Christ réunit en une seule béatitude : bienheureux les pauvres, ils possèderont la terre. Nous sommes pauvres et nous possédons tout. Nous sommes méprisés et nous sommes dans la joie. Nous mourons et voici : nous sommes debout, etc..
L’admirable de cet état victorieux des chrétiens est que toutes les apparences extérieures, les destinées de l’Eglise et de chacun de nous, présentent souvent une série de catastrophes. Que de fois dans l’histoire nous a-t-on enterrés ? combien de fois a-t-on dit de l’Eglise qu’elle est une maison périmée, en ruines ? qu’est-ce que le stade du Chrétien ? Et nous existons, cependant par la puissance de la douceur.
Qu’est-ce donc cette douceur ? La douceur c’est se moquer de ceux qui nous attaquent dans les épreuves. Pauvreté ? Nous avons la richesse en Dieu, les membres meurtris ? Nous ressusciterons. La douceur est cette forme d’attitude adoptée, par exemple, à Moscou, au moment le plus tragique de la religion, pendant la Révolution ; on arrêtait les gens. Comme l’on interrogeait un enfant : pourquoi fais-tu des poupées avec des torchons ? Il expliqua que les poupées représentaient les policiers qui arrêtaient et torturaient et il a dit : « Ils jouent, ils sont bêtes, ils nous tuent ».
Le chrétien se dévoile lorsque tout est perdu, lorsqu’il n’y a plus d’esprit. Il est présent, il sourit comme un fils de Dieu. Par la grâce. Telle est la puissance de cette douceur toujours triomphante qu’elle bannit les inquiétudes. Relisez l’épître, absorbez-la. Prenez, prenez, nous avons tant de choses à prendre, encore et encore dans l’Eglise. Tant d’idées qui sont nées hors de l’Eglise, et si on les scrute on reconnaît qu’elles sont toutes prises dans l’Evangile. Prenez, prenez, car nous en avons encore. Paroles victorieuses qui se confondent avec les Béatitudes : « Bienheureux les doux car ils hériteront la terre ». Nous possédons déjà la terre.
Prêtez attention, amis ! vous avez une bicoque, vous n’avez que votre bicoque, vous n’avez rien mais le monde vous appartient. Qui vous empêche de respirer l’air qui ne vous appartient pas ? Celui qui donne du pain, qui est-il ? S’il est un vrai mendiant en Christ, il est Son serviteur, de même que le riche est le serviteur de Dieu.
Renversez les choses : bienheureux les doux, ils sourient avec une certaine moquerie légitime. Que voulez-vous ? Ils sont un peu naïfs..Ils s’imaginent être riches. Les riches, eux, sont incapables d’enrichir. Ils nous persécutent, nous haïssent, nous les haïssons plus qu’ils ne nous haïssent, puisque nous les aimons et nous les bénissons. Ramassez sur la tête de vos ennemis les charbons ardents, car il n’y a pas de haine plus efficace que l’amour de l’ennemi.
Je reviens au Triomphe de l’Orthodoxie, qu’est un hérétique pour nous orthodoxes.
Qui est l’hérétique ? Il y a l’hérétique, il y a les hérétiques, et l’hérétique d’avant les hérétiques. Alors, qui est cet hérétique ? Satan ! Pourquoi ?
L’hérétique est quelqu’un exprimant la demi-vérité. On l’écoute parce qu’il semble dire vrai. Il ment parce qu’il ne dit que la demi-vérité. On ne peut mentir pleinement …Dans la tentation d’Adam et Eve, Satan a toujours dit vrai, et en même temps faux, car il ne va pas jusqu’au bout.
La logique diabolique extorque la plénitude, se saisit de quelque chose, s’en empare et le développe : c’est une fausse logique car elle est partielle. Le succès des hérésies vient de ce qu’elles sont faciles. Elles proposent : l’homme est corps seulement, ou l’homme est seulement esprit, des thèses faciles en découlent facilement, pourtant c’est faux ! Bien qu’étant logiques et salutaires dans un certain sens, elles mentent, car l’homme n’est pas que corps, l’homme n’est pas qu’esprit. Il est corps et esprit.
Saint Grégoire le Théologien disait : « Les juifs sont monothéistes, les païens sont polythéistes, nous, nous sommes et monothéistes et polythéistes, car nous confessons Dieu en trois personnes ».
Nous sommes toujours satisfaits, même avec d’éloquentes solutions partielles, mais n’oublions pas que l’Eglise a été bâtie par le Christ et remplie du Saint-Esprit pour enseigner au monde que l’esprit sectaire est le diable. Voulez-vous être orthodoxe ? Haïssez la « perfection partielle », si l’on peut dire, considérez-vous, au moins comme une « petite » partie du tout, le Christ Chef de l’Eglise remplit tout en tous, s’il échappe quelque chose c’est l’hérésie.
Aves la Trinité, qu’ont défendu les conciles ?
Ils ont affirmé que le Christ est Dieu-Homme. Ils ont défendu l’humanité tout en défendant la divinité. Qui ose dire que le Christ est seulement homme ? on l’a entendu dans le désert : Satan. Ne vous y trompez pas, là où réside une partialité, là est Satan ; là où vit la plénitude, même si d’abord, elle est difficile à accepter, là est l’Esprit.
Et le dernier concile que nous fêtons s’est élevé contre les iconoclastes. Les iconoclastes déclaraient et déclarent : Dieu peut parler, se manifester par le verbe et non par l’image. Les iconoclastes acceptaient l’Evangile, ils repoussaient l’icône. Ils acceptaient la voix, ils n’acceptaient pas la vision. Ils acceptaient l’oreille, ils niaient l’œil. Telles sont leurs limites, l’œuvre du diable. De plus, en confirmant le culte des icônes, le concile a souligné que chaque icône est l’image de la Proto-image, donnant ainsi le sens à toutes les formes saintes de l’image. Jean Damascène ajoute qu’un véritable iconographe est semblable au prêtre, son œuvre est semblable au prêtre qui transforme le pain et le vin en corps et en Sang du Christ, il essaie lui, de transformer le monde imparfait en un monde transfiguré. Jean Damascène nous indique qu’avec le fait de prendre la défense de l’iconographie, l’Eglise a donné le sens sacré à toute œuvre.
Si vous rencontrez un soi-disant orthodoxe, ou chrétien ou catholique vous enseignant une doctrine qui limite votre intelligence ou votre cœur, d’avance, pensez : c’est un hérétique.
L’Eglise est là et l’Esprit est présent dans l’Eglise pour que vous receviez un enseignement juste, votre intelligence éclate et votre cœur s’élargit par le sentiment universel.
Aimez la plénitude, haïssez les limitations ; anathème à tous les sectarismes, hérésies, œuvres de Satan. Que votre oreille devienne de plus en plus attentive à tout, que votre regard devienne attentif, s’éveille et repousse tout ce qui nous limite et nous ramène au diable. Car l’Eglise, je le répète, est la plénitude remplissant tout en tout.
L’origine de la Quadragésime
Saint Jérôme et saint Léon le Grand placent l’origine du carême de 40 jours, ou Grand Carême, dans la tradition apostolique.
La plupart des historiens modernes ne partagent pas l’opinion des deux docteurs de l’Eglise d’Occident. Ils con- sidèrent que la pratique du jeûne quadragésimal n’apparaît qu’au IVe siècle. Les cadres de cet article ne se prêtent pas au développement et à la critique de cette thèse ; d’ailleurs même si le carême pré-pascal de 40 jours ne commence qu’au IVe siècle, cela ne change en rien le problème de sa véritable origine.
La source de telle ou telle coutume dans l’Eglise ne peut être uniquement saisie par une classification chronologique de quelques documents épars venant des temps passés ; sans parler de la vaste tradition non écrite, souvent silencieuse et pourtant vivante et tenace, difficilement saisissable par la critique historique et dans laquelle les vestiges palpables ne sont que des gouttes d’eau au sein de l’océan, les documents du Ier siècle eux-mêmes peuvent ne présenter qu’un intérêt accidentel dénué de valeurapostolique, cependant que certains, plus récents, témoigneront d’une tradition primitive.
Ne confondons pas les événements des temps apostoliques avec la tradition apostolique. Les pentecôtistes, par exemple, qui cherchent à revivre les charismes survenus après la descente du Saint-Esprit en reconstituant les temps apostoliques, ne sont pas enracinés dans la tradition, ils apparaissent comme un produit spécifique des temps modernes, se limitant à la Réforme du XVIe siècle.
La tradition apostolique, celle des Douze, n’est pas une date historique, mais la plénitude et l’accomplissement de la vraie tradition universelle.
La Quadragésime comme période de purification, de renouveau, d’épreuve, de lutte spirituelle, d’abstinence, précédant le jour de la révélation, de la nouvelle naissance, de la résurrection, plonge ses racines dans la tradition de l’humanité. En effet, elle est pratiquée aussi bien dans la Bible que dans les religions antiques. L’épreuve quadragésimale de l’âme après la mort que nous trouvons dans l’enseignement de l’Eglise orthodoxe, avec ses quarante messes pour le défunt, était connue des Egyptiens et des Orientaux. Les 40 jours du Christ ressuscité passés sur terre, avant son Ascension, scellent cette tradition. Les 40 jours de purification d’une mère, couronnés par la fête de la Sainte Rencontre, font partie des usages de plusieurs peuples. La durée de temps peut varier : 40 ans, 40 jours,40 heures ou même 40 fois une prière, par exemple 40 fois :«Seigneur aie pitié !» dans les services orientaux, mais le nombre 40 ne varie pas, gardant toujours la même signification spirituelle précise.
Le Verbe divin nous parle maintes fois et sous des formes diverses de la préparation et de l’épreuve quadragésimale :
– 40 jours et 40 nuits, Dieu purifie et renouvelle le monde par les eaux du déluge avant de conclure alliance avec l’Eglise noachite (Gn 7, 12-17).
– 40 ans, le peuple d’Israël, dans sa marche vers la Terre Promise, est conduit par le Seigneur à travers le désert (Dt 2, 7 ; 39, 5) et nourri de la manne céleste (Ex 16, 33).
– 40 ans de plus, selon l’ordre de l’Eternel, le peuple révolté habitera le désert : «Vous porterez la peine de vos iniquités pendant 40 années, dit le Seigneur» (Nb 14, 33-34).
– 40 jours et 40 nuits, Moïse demeure sur la montagne sainte, loin des siens et près de Dieu, pour recevoir les Commandements (Ex 14, 18 ; 34, 28).
Le prophète Amos (2, 10), le prophète Néhémie (9, 21) et le Psalmiste (Ps 95, 10) commentent et rappellent les quarantaines de l’Exode.
– 40 jours et 40 nuits sans manger ni boire, Elie s’avance sur Horeb, la montagne de Dieu, vers la manifestation du Seigneur dans le murmure doux et subtil (1 R 19, 8).
«Encore 40 jours et Ninive sera détruite» proclame Jonas le prophète, obéissant au commandement de l’Ethernet, mais les gens de Ninive jeûnent, se revêtent de sacs et de cendres pendant 40 jours et Dieu pardonne (Jonas 3).
Tous ces textes sacrés et ces mystères quadragésimaux de l’Ancien Testament se joignent et se nouent dans les 40 jours de jeûne et de tentation au désert de Notre Seigneur Jésus-Christ (Mt 1, 13 ; Lc 4, 21).
Il est indispensable de noter ici que les 40 jours de jeûne du Christ, à l’opposé de la tradition universelle et des exemples bibliques, ne précèdent pas l’événement glorieux de son baptême et la manifestation de sa divinité, mais le suivent. Cette exception à la règle s’explique aisément. Les Noé, les Moïse, les Elie, Israël et les autres peuples sont des créaturespour lesquelles les 40 ans ou 40 jours représentent une montée vers Dieu par la purification et la pénitence. Dieu incarné, homme sans péché, n’a pas besoin de montée purificatrice, mais témoigne sa condescendance et son abaissement.
L’initiation et le baptême chrétiens reflètent fidèlement le baptême du Christ, non seulement par le geste d’immersion au nom de la Sainte Trinité, comme le veulent quelques-uns, mais par le contexte évangélique. La lutte avec le diable, le jeûne, le désert sont inséparables du baptême de Notre Seigneur et organiquement unis. Ainsi, dans le rite baptismal, nous retrouvons le triple renoncement à Satan et les exorcismes. Les catéchumènes des premiers siècles se préparaient pendant 40 jours par l’instruction et le jeûne à la solennité de leur baptême. Oui, le baptême chrétien reproduit en vérité celui du Christ comme dans un miroir, se conformant à la loi du reflet : fidèle et opposé. Le Christ est baptisé et jeûne, l’homme jeûne et est baptisé. Le Christ s’abaisse et l’homme monte. Le baptême reprend ici le rythme biblique : le jeûne et la lutte contre la tentation précèdent l’événement glorieux.
Primitivement, le carême quadragésimal était le tempsde préparation des catéchumènes au baptême ; celui-ci se faisait le Samedi Saint, car le baptême est notre mort et notre résurrection en Christ (Ro 6, 34 ; Col 2, 12, 10, 2 ; Gal 3, 27).
Les cérémonies du Grand Carême expriment jusqu’à nos jours cette préparation, plus accentuée dans le rite occidental, plus estompée en Orient. Pourtant au Carême, l’Orient ajoute l’ecténie des «éclairés». Le rite émouvant de la bénédiction avec la lumière des fidèles prosternés pendant la messe des présanctifiés, accompagnée des paroles significatives : «La Lumière du Christ éclaire tout !», s’adresse, en premier lieu, à ceux qui s’instruisent dans la doctrine chrétienne avant le baptême.
Le service du Samedi Saint est autant le service solennel du baptême que les vigiles de la Résurrection du Christ. En effet, la lecture des 15 leçons dans le rite occidental se déroulait pendant que les néophytes entouraient le baptistère. En Orient, le chant de «Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ !» à la place du Trisagion, le changement d’ornements (ceci dans les deux rites), l’Evangile de Matthieu, chapitre 28 en entier et, en Occident, la bénédiction des fonts baptismaux et les collectes, pour ne citer que ces exemples, visent directement le baptême.
Jusqu’au IXe siècle, une série de conciles ordonnent ou conseillent de baptiser les enfants à Pâques et surtout le Samedi Saint. Le jeûne quadragésimal pré-pascal était bien dans l’Eglise primitive le jeûne des catéchumènes.
Mais, dans l’évolution historique de l’Eglise, les mauvais chrétiens deviennent rapidement plus nombreux que les bons païens prêts à se convertir. La discipline de la pénitence se développe alors dès le IIIe siècle. Les pénitents prennent place auprès des catéchumènes pour se laver par le jeûne et les larmes de leurs péchés durant le carême avant d’être admis à nouveau à la communion. La coutume actuelle de se préparer spécialement pour «faire ses pâques» selon l’expression française, se rattache à celle des pénitents.
Le monachisme élargit et approfondit le jeûne et la pénitence du Grand Carême. Sous son influence salutaire toute l’Eglise chrétienne devient pénitente ; le caractère catéchismal de la Quadragésime cède de plus en plus la place au pénitentiel (IVe siècle). On peut dire que, par les rites et les jeûnes, toutes les paroisses dans l’orthodoxie orientale se détachent du monde pendant 40 jours, pénètrent dans l’ambiance des monastères, se remettant entre les mains des grands maîtres spirituels de la pénitence chrétienne (saint André de Crète, saint Jean Climaque, sainte Marie d’Egypte).
Dimanche de l’Orthodoxie
(1956)
C’est au VIIIe siècle que l’Eglise, après sa lutte contre les iconoclastes, choisit le premier dimanche de Carême pour célébrer sa victoire et qu’elle le nomma «Dimanche de l’Orthodoxie[1] ».
L’Eglise, en ce dimanche, reconnaît dans les icônes la valeur et la beauté divines, la sanctification de la civilisation et des cultures humaines. Auprès de la beauté céleste, spirituelle, intérieure, elle définit la beauté des choses humaines, des couleurs et des formes du travail déifié des hommes.
Mais pour nous orthodoxes français, le dimanche de l’Orthodoxie est aussi un anniversaire particulier.
En effet, en ce jour de l’année 1937, naissait au ciel Monseigneur Irénée Winnaert et je célébrais ma première messe ! Ma prêtrise commençait donc dans la pénitence du Carême et dans l’épreuve ; et les paroles de l’épître d’aujourd’hui (2 Co 6, 1-10) s’appliquaient et s’appliquent à l’Orthodoxie occidentale : patients dans les tribulations et les calamités, angoissés, nous consolons les autres ; frappés à mort, et voici que nous vivons ; affligés, et nous donnons la joie ; tel fut et tel demeure le privilège de l’Orthodoxie française durant ces vingt dernières années.
Ce dimanche est aussi celui de la tentation. L’évangile (Mt 4, 1-11) nous décrit minutieusement comment le diable tente Notre Seigneur. Il emploie la même méthode pour ceux qui veulent se purifier par le jeûne. L’homme qui ne cherche pas la perfection ne voit pas le diable, ni ses propres péchés. Le bon et le mauvais se mélangent, l’homme vulgaire ne discerne pas ce qui est de Satan et ce qui est de Dieu. Sitôt que la lutte spirituelle s’ébauche, le tentateur et le péché se précisent, se personnifient. La bataille apparaît lorsque notre être en Christ se distingue de l’agissement du Malin, le divorce et la séparation deviennent alors indispensables. Ainsi que chante cette strophe magnifique que vous venez d’entendre : «Le Pain céleste a faim, Satan s’agite et cherche à profiter de la faiblesse humaine…»[2] .
Après quarante jours de jeûne total, le Christ a faim. C’est la défaillance corporelle, librement consentie par Lui, inévitable pour nous. Il est normal qu’en entrant dans la vie spirituelle, nous connaissions une certaine faiblesse du sentiment, de la volonté et du corps. L’homme vivant tout entier dans ce monde est empli de vitalité charnelle, mais qu’il vienne à pénétrer dans une autre vie, il se pu-rifie, se libère, et ce soutien lui manque. La nouvelle vie ne lui étant pas suffisamment assimilée pour le fortifier, la passion disparaît, la grâce n’est pas encore manifestée et le diable accourt.
Le diable, ce désincarné jaloux de l’Incarné, conseil-le alors de satisfaire le corps ![3] Vous le savez, Satan s’est précipité dans la chute parce qu’il refusait l’incarnation de Dieu en un corps humain. Il ne voulait pas s’incliner devant l’homme et le servir. Il acceptait de servir Dieu et non l’homme. Voilà ce qui le sépara de Dieu. C’est la raison pour laquelle il éprouve une jalousie féroce envers notre corps. Il n’envie pas notre intelligence, il est plus intelligent que nous ; il ne jalouse pas notre pureté, il est plus pur que nous ; il jalouse l’incarnation où s’unissent étrangement l’esprit et la matière.
L’ange possède toutes les qualités, il est poète sublime, mais il ne peut écrire de poésie, sculpteur génial, mais il ne peut modeler : l’ange ne s’incarne pas !
Le diable hait l’incarnation sous toutes ses formes. C’est ainsi qu’au long des siècles, il s’agite, crée des illusions, invente des doctrines où l’incarnation est diminuée, brisée, où Dieu ne devient pas véritablement homme. Que Dieu se manifeste, soit ! Qu’Il s’incarne, non ! Le diable est spiritualiste, il projette de magnifiques constructions de la pensée, mais lorsque nous voulons les toucher, les palper, elles ne sont que fumées. Les éons nous impressionnent, les cosmogonies nous éblouissent, les maîtresspirituels nous dominent ; nous les touchons : c’est du vent !Le diable est jaloux de notre chair, lui, supérieur à la chair ;il n’éprouve ni fatigue, ni douleur, ni passion, ni souffrance, il est jaloux parce que c’est cette chair imparfaite, ce corps uni à l’esprit, qui permet à l’esprit humain de se réaliser, de créer.
Supportez le paradoxe : c’est la matière qui dynamise l’esprit, car l’homme, dit le psaume, est «de peu inférieur à Dieu» (Ps 8, 6) mais l’esprit sans corps est un chanteur sans voix.
Le diable, jaloux, conseille à l’homme de satisfaire son corps. Pourquoi lui qui n’est pas charnel nous conseille-t-il de l’être, lui qui n’est pas gourmand nous propose-t-il de nourrir notre gourmandise ? Parce qu’il veut obtenir que notre corps ne soit que chair, arraché à l’esprit, avili. Il aspire à voir cette œuvre sacrée, modelée par Dieu, humiliée et détruite. C’est pour cela qu’il nous suggère des ardeurs charnelles, sans y prendre part lui-même. Il est indifférent, orgueilleux, il nous hait, il nous méprise et propose au Christ de nourrir cette humanité de chair en changeant les pierres en pain.
Attention ! Nombre de personnes bien intentionnées font la charité de cette manière. Mais oui ! Ce diable est un philanthrope qui inspire sournoisement ces figures de socialistes, de réformateurs désireux avant tout de nourrir les masses en donnant du pain. Quel mépris pour l’homme dans cette pensée ! Quel mépris du diable pour l’homme, lorsqu’il dit au Christ : prends ces pierres, transforme-les, nourris les foules, elles ont besoin de pain, je connais mes sujets, moi, le prince de ce monde ; ensuite, elles accep-teront ton enseignement et de surcroît te seront reconnaissantes, elles ne sont pas semblables à nous qui sommes des esprits. Et le Christ répond : l’homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu. Notre Sauveur fait confiance à l’homme.
Chaque homme possède l’image et la ressemblance de Dieu ; celui qui regarde la foule avec mépris est du diable.
Je m’arrête sur la première tentation ; si Dieu le permet, je parlerai une autre fois des deux autres.
Ainsi, dans la lutte spirituelle que vous commencez d’entreprendre pendant cette sainte quarantaine, ne prenez pas garde si vos facultés psychologiques et spirituelles subissent une défaillance passagère, fermez les oreilles de votre cœur au tentateur. Il veut vous enseigner deux doctrines contradictoires qui visent le même but : la perte de votre âme. Il vous entraînera au mépris de votre corps en vous poussant dans un jeûne démesuré, ou bien à la fausse pitié de votre corps, afin que vous puissiez croire que vous êtes chair par nature, rien que chair.
Fuyez la philanthropie cynique et sceptique qui fait du bien en méprisant l’homme, ou bien faites-la chanter selon le Christ ; que votre aumône soit comme un culte rendu à Dieu qui habite dans le mendiant, car le vrai mendiant est le Christ qui frappe à la porte de votre cœur, en demandant votre hospitalité. Amen.
Ceux qui se sentent perdus
(1957)
Je le confesse et je vous l’assure, ceux qui se sentent parfois complètement perdus, tristes intérieurement, peuvent réjouir les autres ; ceux qui se croient totalement appauvris de grâces et de dons, qui soupirent intérieurement : «ma vie est inutile», s’ils sont en Christ, enrichissent les autres. J’ai connu des âmes venant vers moi et me disant : «Père, je suis mort, je n’ai plus ni sentiment, ni foi, ni croyance, je ne sais où je vais» ; et ces mêmes gens, s’ils étaient en Christ, donneraient la vie aux autres. De même, parfois, sur le chemin spirituel, il nous semble être arrivés au terme et que des murs se dressent devant nous, nous ignorons vers quoi nous marchons et soudain, nous ressuscitons par grâce divine. Regardons l’histoire de l’Eglise, si méconnue et pourtant connue, persécutée et néanmoins ressuscitant.
Le deuxième enseignement que je voudrais vouscommuniquer en me basant sur l’apôtre Paul est le suivant :Ne faites pas confiance dans la lutte aux sentiments de votre âme, opposez quelque chose de positif, confessez l’opposé. Vous êtes tristes : confessez la joie ; vous paraissez mort : confessez que vous êtes vivant dans le Christ, car Il vous a donné l’épée de la parole et la confession contre l’évidence psychique. Dans la désespérance, élevez cette épée en chantant : «Je suis joyeux en Christ !» L’âme mortellement blessée par l’inquiétude et l’angoisse, saisissez cette épée en main et chantez : «Dans le Christ, je suis victorieux». C’est la lutte proposée par saint Paul.
Revenons à l’évangile. Jésus, amené par l’Esprit dans le désert, jeûne quarante jours et quarante nuits et ce jeûne est suivi de la tentation de Satan, vaincue par le Christ. A quel instant l’Esprit l’a-t-Il amené dans le Désert ? Quand a-t-Il jeûné ? Après le baptême et la manifestation glorieuse de la Trinité, après le témoignage du Père proclamant : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé», après l’Epiphanie, après la Théophanie.
Je reviens maintenant à cet enseignement touché par le Père Sophronios[4] dans son cours de mercredi à l’Institut. Il y a dans notre âme un moment pour l’appel divin. Dieu nous appelle, se révèle, se manifeste d’une manière ou d’une autre, la joie alors nous submerge, nous transporte, nous sommes comme ailés. Lorsque cette grâce divine est présente – elle peut revenir plusieurs fois dans notre vie – il faut à cette minute précise commencer la lutte du jeûne, afin qu’elle ne soit pas dispersée. Profitons de cette consolation divine pour ouvrir le combat. Et voici, nous commençons !
Cette lutte se prolonge dans la tentation et c’est la grâce d’élection.
Face à la tentation intérieure du mal, nous nous trouvons seuls, sans aide, l’évangile nous le dit : les anges sont venus servir le Christaprèsla tentation. Nous sommes seuls devant ce problème, ces inquiétudes, ces angoisses, ces péchés qui nous environnent. Il faut batailler, mais comment résister ? La grâce n’est plus, nos mains sont vides, nous sommes affaiblis, nous touchons au seuil de l’enfer.
Il reste toujours une force à portée de main : les paroles de l’Ecriture Sainte et la confession du Christ. Car, en période de tentation, cette grâce d’élection, la foi ardente, l’espérance et l’amour se sont échappés ; les angoisses nous étreignent, l’indifférence et les ténèbres nous saisissent, le cœur est vide cependant que le Mauvais acquiert au contraire une certaine puissance…
N’oubliez pas, n’oubliez jamais que nous avons toujours la confession de Dieu, que nous avons en main l’épée de la parole divine, que la pointe de cette épée est notre salut et que si nous continuons le combat par la confession de notre Sauveur, nous toucherons au terme, le démon nous quittera et les anges viendront nous servir.
Toute âme est conduite de telle manière qu’elle puisse supporter cette épreuve. Dieu ne tente jamais au-dessus de nos forces ! (1 Co 10, 13). Nous avons l’impression psychique que l’épreuve nous dépasse : c’est une illusion. Même le sentiment de ne pouvoir supporter quoi que ce soit est une illusion ! Opposons la prière-confession : je confesse, je crois. Quand nous la dirons, peut-être notre âme ne croira-t-elle pas nos paroles, peut-être notre cœur ne pourra-t-il confesser, mais notre bouche le peut ! Devant notre résistance, je le répète, le diable s’en ira.
Le Christ enseigne : celui qui persévère jusqu’à la fin sera sauvé (Mt 10, 22). Vous me direz : pourquoi, alors, cette deuxième étape, l’étape d’élection ? Pourquoi l’âme doit-elle passer de l’état d’appel, de grâce, de joie, à une période de jeûne et de tentation ? Pourquoi nous laisse-t-Il suivre ce chemin d’enfer, de difficultés, de sécheresse ? Mes amis, parce qu’en cette deuxième étape, plus dure que nous ne le voulons, notre «moi» meurt, notre âme meurt, pour donner beaucoup de fruits.
«Si le grain ne meurt, il restera seul, isolé, mais s’il meurt, il sera chargé de fruits» (Jn 12, 24).
Au long de la quarantaine de notre âme, grâce à elle, nous nous dépouillons librement de l’homme ancien et nous ressuscitons en Christ. Amen.
Le culte des icônes
(1960)
Je me permets de vous le rappeler, c’est en 1937, le jour de la «gloire de l’Orthodoxie» que fut célébré l’enterrement de Monseigneur Irénée Winnaert, de bienheureuse mémoire, appelé au ciel le 3 mars, et ce fut aussi ma première messe, je venais d’être ordonné prêtre. Voilà pourquoi nous ferons mémoire aujourd’hui de Monseigneur Louis-Irénée Winnaert, joignant à sa mémoire celle du bienheureux patriarche Serge le Grand[5] qui bénit notre Eglise.
Je n’ai pu, le Mercredi des Cendres, être parmi vous, devant célébrer dans d’autres paroisses. Je désire malgré tout, avant la prédication, vous demander pardon de mon indignité, de tous mes défauts qui ont pu vous choquer ou vous troubler, de toutes mes faiblesses, de tout ce qui est en moi indigne d’un prêtre. De tout mon cœur, je demande pardon. Je sais peut-être plus que vous la profondeur de mon iniquité, de mon impureté. Mais, tout en demandant humblement, sincèrement votre pardon, avec les larmes de mon cœur, parce que je reconnais que je me suis lancé comme un fou dans cette aventure de la prêtrise, n’ayant aucune qualité digne d’elle, car les chérubins tremblent devant la prêtrise, et nous, prêtres, nous baptisons, nous consacrons les Saints Dons, nous touchons le Corps et le Sang pur du Christ, que dis-je ? nous agissons à l’image de Dieu ; les chérubins et les anges n’ont pas dépassé le diaconat et nous, nous osons être à l’image du Créateur, en transformant les Dons !… Alors, m’étant jeté dans cette folie, je discerne plus que vous jusqu’à quel point va mon indignité ! C’est pour cela que pour moi et pour tous les prêtres, je demande votre indulgence, votre pardon et vos prières.
Mais je tiens à souligner, aujourd’hui, que cette indignité ne signifie pas que je vous enseigne quelque chose de non conforme à l’Orthodoxie. Tout ce que j’enseigne ici est la Tradition. Je ne me suis jamais permis de donner «mon» opinion. Derrière chaque parole est le chœur de l’Eglise et la Tradition sainte. Soyez assuré que je n’ai pas trahi un mot de la divine doctrine de l’Eglise du Christ. Et même dans la condescendance et la bonté qui sont propres à mon caractère, j’ai toujours préservé la limite lorsqu’il s’agissait de la Vérité. Vous pouvez être tranquilles, je n’ai jamais trahi les pensées de l’Eglise. Je préférerais être maltraité ! Ceux qui nous attaquent et m’attaquent sont confondus. Et peut-être que si notre Eglise traverse des difficultés, c’est parce que dans l’Eglise française la Vérité orthodoxe est brûlante, sans compromis avec ce monde, ainsi que me disait mon ami le Père Sophronios.
Vous avez écouté l’épître ? Sa correspondance avec la destinée de notre Eglise est étrange. Quand l’Apôtre dit : on veut nous condamner à mort et nous vivons, nous sommes comme des inconnus et pourtant connus… En rentrant chez vous, relisez cette épître : vous constaterez combien elle est applicable à notre destin.
Chaque année, je parle, en ce dimanche, de la tentation et, tout à l’heure encore, en écoutant l’évangile, je fus presque poussé à découvrir d’autres passages, d’autres éléments de la tentation du Christ, que je n’avais pas encore dévoilés devant vous.
Cependant, en venant à l’église, j’ai décidé de prêcher, malgré tout, sur la gloire de l’Orthodoxie.
Historiquement, vous le savez, cette fête fut inaugurée lorsque l’Eglise gagna la bataille contre les iconoclastes et proclama la vénération des Saintes Images. Pourquoi l’Eglise tient-elle fortement à cette vénération des Saintes Images ? Les prophètes n’ont-ils pas souvent parlé contre les idoles ? Les Pères de l’Eglise des premiers siècles n’ont-ils pas détruit les représentations de divinités ? Pourquoi alors l’Eglise, si spirituelle, l’Epouse de Celui qui dit : Mon culte sera en vérité et en esprit (cf. Jn 4, 23), non selon la matière, a-t-elle tant défendu le culte des images ? Elle a multiplié les statues, les icônes de la Vierge, des saints, du Christ et ceci au point que le septième concile œcuménique en arriva à conseiller de placer des images aux carrefours et des icônes à l’entrée de nos maisons. Ici même, nous avons un atelier d’iconographie peignant et propageant des icônes. D’autre part, des centaines de passages de l’Ecriture Sainte, de l’Ancien Testament et des Prophètes s’indignent du culte des idoles, criant : Dieu n’est pas en bois ! Dieu n’est pas en pierre ! Dieu est Esprit et à l’Esprit convient le culte en esprit.
Quelle est la signification de tout cela ?
Le Christ monté sur la Croix a sanctifié la matière, le Christ au Mont Thabor a transfiguré ses vêtements et son Corps, parce que le Christ est ressuscité en chair !
Le culte des images n’est pas que pédagogique : en contemplant l’icône nous ne faisons nul acte de superstition, nous pensons à Celui qui est représenté. Le Christ, avec l’Incarnation, a sanctifié la nature.
En honorant les images, nous proclamons non seulement nos âmes et la nature transfigurées – comme disait JeanDamascène – mais aussi que la civilisation humaine sera de même transfigurée, éclairée par la lumière divine.
L’image s’exprime par deux choses : le bois et les couleurs, mais elle manifeste simultanément l’œuvre humaine. Elle est l’art sacré, la civilisation au service de la Gloire divine. Il y eut en Russie, au moment de la révolution, un prestigieux miracle. Tandis que les églises persécutées se fermaient, des images ternies se renouvelaient devant les yeux de témoins, montrant qu’au vrai sens chrétien de «civilisation» humaine, la connaissance de la matière n’a pas seulement pour but son exploitation, ou bien le service de Dieu.
Non, je le répète : la lumière divine doit glorifier et spiritualiser les œuvres de la civilisation.
Là réside la grandeur du culte des icônes. Les icônes sont porteuses, comme une coupe porte le vin, comme le vin porte le sang, comme le Sang du Christ porte la divinité, comme notre corps porte l’âme et l’âme l’Esprit-Saint : de même l’image renferme-t-elle la puissance et la grâce.
Nous revenons ici à l’évangile de la tentation, c’est-à-dire que rien n’est vide, que tout est empli, et si tout n’est pas rempli de la force divine éclatante, qui brille, nous dirige, nous éclaire, la force du diable prend la place.
La moindre parcelle de l’icône est Temple.
En nous approchant d’elles, en posant nos lèvres sur elles, en brûlant des cierges devant elles, nous nous mettons en communion avec l’Esprit-Saint qui repose par sa force et son énergie dans les images.
Récemment, il y a une semaine, j’ai lu dans un journal de jeunesse communiste (on venait de me l’apporter) le récit suivant : dans une soirée dansante, une jeune femme, ayant pris une icône du Christ pour s’amuser, se mit à danser avec ; soudain, elle ne put détacher ses pieds du sol, dit le journal communiste. Affolés, les gens prennent des mesures sans parvenir à rien. On transporte la jeune femme à l’hôpital, après avoir découpé le plancher, car il n’y a pas eu moyen d’enlever ses souliers. Les médecins sont impuissants. On décide d’appeler un prêtre. Le prêtre arrive, prie, la femme détache ses pieds du morceau de bois, elle est libérée. Et le jeune homme qui racontait cette histoire demande si l’on doit reconnaître que les images dégagent un certain rayonnement. Je n’ai pas eu la réponse du journal. Que répondra-t-il ?
Tout être humain possède une puissance. L’ombre de l’apôtre Pierre guérit. L’habit du Christ touché par une femme a, bien sûr, cette puissance et le Christ s’écrie : «Qui m’a touché ?» Les apôtres répondent: la foule ! mais le Christ réplique : «Une force est sortie de moi» (Mc 5, 29-32).
Ne croyez pas que la force divine n’est que dans le corps humain. Elle réside dans les objets sacrés, sanctifiés, de l’Eglise, et les images ou icônes en particulier possèdent cette force divine ; il est des lieux de pèlerinage, des Vierges miraculeuses dans l’univers entier. Toute icône est miraculeuse, comme le Temple elle renferme la puissance divine. Celui qui s’en approche avec foi ressent cette Lumière.
Le Verbe s’est fait chair.
Nous n’avons plus, comme les Anciens qui ne connaissaient pas l’Incarnation, à craindre que la civilisation humaine, notre œuvre, soit opposée à Dieu, puisque le Christ estvenuparmi nous. Cela est vérité ! Celui qui travailla sans doute jusqu’à l’âge de douze ans des planches de bois avec son père, Celui qui, comme Créateur, a coloré les fleurs, travailla comme un homme.
Nous pouvons le dire : le culte des icônes présente la plénitude du monde transfiguré. Mais attention ! L’apôtre Paul précise que toutes les œuvres de l’humanité ne supporteront pas le feu purifiant du Saint-Esprit. Seules les œuvres humaines spirituellement en or, argent ou métal issus de la sanctification, seront transfigurées en Dieu. Les œuvres vaines, insensibles à la grâce et ouvertes au mal, seront brûlées comme de la paille.
Voilà ce qui permet de croire que les icônes, spirituellement parlant, sont des œuvres en or, selon Dieu. Amen.
Triomphe de l’Orthodoxie
(1961)
Je fus ordonné le samedi 6 mars 1937, et le lendemain, jour de ma première messe et de la gloire de l’Orthodoxie, je participai à la liturgie des défunts, chantée par le métropolite Eleuthère en mémoire de Monseigneur Irénée. C’est un souvenir du passé…
Mais je voudrais aujourd’hui vous parler surtout de l’hérétique opposé à l’orthodoxe. Je commence.
Quelle différence y a-t-il entre l’hérétique et l’orthodoxe ? En écoutant l’épître de Paul (2 Co 6, 1-10) j’ai été tellement saisi par ce texte que si l’apôtre avait été présent en chair et en os, j’aurais baisé ses pieds et lui aurais dit : Paul, ton épître nous apporte plus que l’or ou que toutes les richesses ! Je veux, mes amis, vous communiquer mon sentiment : considérez combien cette épître décrit merveilleusement ce que le Christ réunit en une seule béatitude : «Bienheureux les pauvres, ils posséderont la terre». Nous sommes pauvres et nous possédons tout. Nous sommes méprisés et nous sommes dans la joie. Nous mourons et voici : nous sommes debout, etc.
Cet état victorieux des chrétiens est que toutes les apparences extérieures, les destinées de l’Eglise et de chacun de nous présentent bien souvent une série de catastrophes. Que de fois l’Histoire nous a-t-elle enterrés ! Que de fois l’Eglise est-elle critiquée : c’est une maison périmée, elle est en ruines… Est-ce là le stade du chrétien ? Nous existons, cependant, par la puissance de la douceur.
La douceur, qu’est-ce ? C’est se moquer de ce qui nous attaque dans les épreuves. Pauvreté ? nous avons la richesse en Dieu ; les membres meurtris ? nous ressusciterons. La douceur est cette attitude adoptée, par exemple, à Moscou, au moment le plus tragique pour la religion, pendant la révolution. On arrêtait les gens. Comme on interrogeait un enfant : pourquoi fais-tu des poupées avec des torchons ? il expliqua que les poupées représentaient les policiers qui emprisonnaient et torturaient et il ajouta : ils jouent, ils sont bêtes, ils nous tuent.
Le chrétien se dévoile lorsque tout est perdu, lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Il est présent. Il survit comme un fils de Dieu, par la grâce. Si puissante est cette douceur toujours triomphante qu’elle bannit les inquiétudes. Relisez l’épître, absorbez-la. Prenez, prenez, nous avons tant de choses à prendre, encore et encore, dans l’Eglise ! Même tant d’idées nées hors de l’Eglise, si on les scrute, on s’aperçoit que toutes sont prises de l’Evangile. Prenez, prenez, car nous en avons encore ! Paroles victorieuses quise confondent avec les Béatitudes : «Bienheureux les doux,car ils posséderont la terre». Nous la possédons déjà, la terre !
Prêtez attention, amis ! Vous avez une bicoque, vous n’avez que votre bicoque, vous n’avez rien, mais le monde entier vous appartient. Qui vous empêche de respirer l’air qui ne vous appartient pas ? Celui qui demande du pain, qui est-il ? S’il est un vrai mendiant en Christ, il est son serviteur, de même que le riche est le serviteur de Dieu.
Renversez les valeurs ! «Bienheureux les doux», parce qu’ils sourient avec une certaine moquerie légitime. Que voulez-vous ? Ils sont un peu naïfs… ils s’imaginent être riches. Les riches, eux, sont incapables de sourire. Ils nous persécutent, nous haïssent ? Nous les haïssons plus qu’ils ne nous haïssent, puisque nous les aimons et que nous les bénissons. Ramassez sur la tête de vos ennemis les charbons ardents, car il n’y a pas de haine plus efficace que l’amour de l’ennemi.
Je reviens au Triomphe de l’Orthodoxie. Qu’est-cequ’un hérétique pour nous, orthodoxes ? Qui est l’hérétique ?Il y a l’hérétique, il y ales hérétiques, et l’hérétique d’avantles hérésies. Alors, qui est cet hérétique ? Satan ! Pourquoi ?
L’hérétique est quelqu’un exprimant la demi-vérité. On l’écoute parce qu’il semble dire vrai. Il ment parce qu’il ne dit que la demi-vérité. On ne peut mentir pleinement. Dans la tentation d’Adam et Eve, Satan a toujours dit vrai, et en même temps faux, car il ne va pas jusqu’au bout.
La logique diabolique disloque la plénitude, se saisit d’un quelque chose, s’en empare et le développe : fausse logique puisque partielle. Le succès des hérésies vient de ce qu’elles sont faciles. Elles proposent : l’homme est corps seulement ou l’homme est seulement esprit. Des thèses faciles en découlent facilement, pourtant c’est faux ! Bien qu’étant logiques et salutaires dans un certain sens, elles mentent, car l’homme n’est pas un corps seul, l’homme n’est pas un esprit seul, il est corps et esprit.
Saint Grégoire le Théologien enseignait[6] : «Les Juifs sont monothéistes, les païens sont poly-théistes, nous, nous ne sommes ni monothéistes ni polythéistes, car nous confessons Dieu en Trois Personnes».
Nous sommes toujours satisfaits, même par d’éloquentes solutions partielles, mais n’oublions pas que l’Eglise fut bâtie par le Christ et emplie du Saint-Esprit afin d’enseigner au monde que l’esprit sectaire est le diable.
Voulez-vous être orthodoxe ? Autant que possible haïssez la «perfection partielle», si l’on peut dire, considérez-vous comme une «petite» partie du Tout : le Christ, Chef de l’Eglise, remplissant tout en tous ! S’il semble Lui échapper quelque chose, c’est l’hérésie.
Les conciles ont défendu la Trinité et affirmé que le Christ est Dieu-Homme. Ils ont défendu l’humanité tout en défendant la divinité. Qui ose dire que le Christ est seulement homme ? On l’a entendu dans le désert : Satan ! Ne vous y trompez pas, là où réside la partialité, là est Satan ; là où vit la plénitude, même si, au premier abord, elle est difficile à accepter, là est l’Esprit.
Le dernier concile que nous fêtons aujourd’hui s’est dressé contre les iconoclastes. Les iconoclastes déclaraient et déclarent encore : Dieu peut parler, se manifester par le verbe, non par l’image. Les iconoclastes acceptaient l’Evangile et repoussaient l’icône. Ils acceptaient la voix et repoussaient la vision. Ils acceptaient l’oreille et ils niaient l’œil. C’étaient leurs limites – œuvre de l’Adversaire. De plus, en confirmant le culte des icônes, le concile soulignait que chaque icône est l’image de la Proto-Image, apportant ainsi le sens à toutes les formes saintes de l’image. Jean Damascène ajoute qu’un véritable iconographe est semblable au prêtre qui transforme le pain et le vin en Corps et en Sang du Christ : l’iconographe essaie, lui, de transformer le monde imparfait en monde transfiguré ; Jean Damascène nous indique qu’en ayant pris la défense de l’iconographie, l’Eglise donnait un sens sacré à toute œuvre humaine.
Si vous rencontrez un soi-disant chrétien, orthodoxe ou catholique, vous développant une doctrine qui limite votre intelligence ou votre cœur, pensez tout de suite : c’est un hérétique. L’Eglise est là, et l’Esprit est présent en elle, pour que vous receviez un enseignement juste, pour que votre intelligence éclate et que votre cœur s’élargisse dans un sentiment universel.
Aimez la plénitude, haïssez les limitations; anathème à tous les sectarismes, hérésies, œuvres de Satan. Que votre oreille devienne de plus en plus attentive à tout, que votre regard devienne attentif, s’éveille et repousse ce qui nous limite et nous ramène au diable.
Dans l’Eglise, je le répète, est la plénitude remplissant tout en tous. Amen.
Vingt-cinq ans de prêtrise
(1962)
Je prêche chaque dimanche et si souvent au cours de la semaine dans cette chaire, qu’aujourd’hui, parvenu à la vingt-cinquième année de ma prêtrise, je me sens troublé. Plus les années s’écoulent et plus on sent qu’on n’a rien fait ; mais plus on sent son indignité, et plus on s’étonne de la grâce divine. En vieillissant, on comprend véritablement les paroles de l’apôtre Paul : dans notre infirmité est la puissance de la grâce (2 Co 12, 10).
Lorsqu’un jeune commence son chemin spirituel, il a en main un verre d’eau et une goutte d’huile de la grâce, puis, il lui semble être comme un cierge qui se consume. Il ne compte plus sur ses propres forces, et alors la miséricorde divine grandit.
Je voudrais en cet anniversaire de mon sacerdoce, chanter celle que le Christ aima, pour laquelle Il a donné son Sang, qu’Il appela «Mon Epouse», pure, sans taches, sans rides. Je voudrais chanter l’Eglise du Christ !
Vous participez à la liturgie en plénitude, car elle est célébrée par notre archevêque Jean[7] , en présence de l’évêque André venu nous visiter. Il y a des prêtres, des diacres, des sous-diacres, des acolytes, des fidèles, toute la hiérarchie de l’Eglise est présente aujourd’hui ! Et non seulement la hiérarchie, mais aussi des prêtres qui gravissent avec tremblement et confiance les degrés de l’Ordre.
Cette Eglise est là, aujourd’hui ! Discernez-vous la beauté de la hiérarchie de l’Eglise ? Je crains que non. Je crains que la majorité des fidèles ne s’imagine que la hiérarchie angélique et celle de l’Eglise sont semblables au monde : celui qui a le plus de dignité a plus de devoirs mais, en premier, plus de pouvoir et d’honneur pour lui. Mon Eglise du Christ, ce qui est remarquable en Toi, c’est qu’il n’en est pas ainsi, car ton Epoux, ton Créateur t’a enseigné : celui qui est le premier sera le dernier et si vous voulez être maître, soyez comme un serviteur.
Oui, les phalanges angéliques, l’Eglise, tout est hiérarchisé en elles comme dans le monde ; cependant à quelles conditions ! Celui qui est haut placé descend vers le bas, plus il se tient sur la marche supérieure de la hiérarchie et plus il est serviteur. Plus il est une petite chose dans l’Eglise et plus il estquelque chose; plus on s’élève et plus on s’abaisse.
Contemplez cette Eglise étrange créée par le Christ, son Epoux. Ainsi que disait Grégoire de Nysse: l’Eglise est une perpétuelle descente vers le haut.
Comment doit et comment peut être cette hiérarchie si étrange, si inattendue pour le monde extérieur où l’on se bouscule afin d’acquérir les pouvoirs spirituels, le pouvoir social, sa «situation», pour suivre son honneur ? Dans l’Eglise l’on tâche, à l’opposé, d’être plutôt humilié qu’honoré. Que se passe-t-il dans cette curieuse société parvenue sur terre ? Il se passe qu’elle fut créée par Dieu-Homme, et que Dieu est pour nous condescendance perpétuelle.
Dieu vient en prenant la forme d’esclave, Dieu descend jusqu’à la mort, se fait notre serviteur, lave nos pieds, pénètre dans l’enfer, poursuit sa route jusqu’au bas de l’échelle de la hiérarchie des êtres pour les faire remonter avec Lui.
Eblouis par cet amour condescendant, ineffable, de Dieu accordant son Fils comme nourriture et son Esprit comme vie, qui s’est anéanti afin que nous existions et soyons sauvés et déifiés. Les prêtres de l’Eglise, la hiérarchie de l’Eglise, éblouis par cet amour ineffable de Dieu, écrasés par cette lumière, essaient d’agir comme le Christ. Le hiérarque s’abaisse d’autant qu’il est élevé. La grande joie du pasteur dans l’Eglise est de servir de marchepied nécessaire à l’élévation de vous tous et de chacun de vous. Chaque pasteur désire s’anéantir pour Dieu, être oublié et voir grandir ses enfants qu’il a engendrés en Christ. L’évêque se réjouit de ses fidèles, le prêtre se réjouit de ses fidèles, tous, dans la hiérarchie de l’Eglise, disent avec saint Jean Baptiste : Qu’ils grandissent ! À moi de les faire venir vers Lui !
Dans cet abaissement de «service», ce désir de devenir la matière qui vous fera monter vers le ciel, cette belle Eglise rachetée par le Sang du Christ et son Amour sans fin pour l’homme, Amour qui est aussi celui du Père et de l’Esprit, cette Eglise recèle aussi la succession apostolique qui l’entretient à travers les siècles sans qu’elle puisse jamais être détruite, et lui confère son attitude propre vis-à-vis du monde.
L’Eglise a tous les pouvoirs, demain, elle peut tout arrêter ! Savez-vous que les évêques, les prêtres, les successeurs apostoliques onttousles pouvoirs du Christ, comme s’Il avait dit : Je vous donne toutes les puissances que j’ai reçues ?
Emploient-ils leurs pouvoirs ? Non ! Ils préfèrent être martyrisés, maltraités, plutôt que de les appliquer. Le Christ pouvait se défendre, Il ne s’est pas défendu.
Voilà pourquoi, au long de deux mille ans, l’Eglise du Christ, l’incomparable et la plus belle, choisie par Dieu comme Epouse, inspirée par son Maître et son Epoux, ne se sert pas de ses droits puissants et préfère traîner comme une martyre, maltraitée, méprisée, incomprise, pauvre, bien qu’enrichissant le monde.
Si vous considérez le monde, que de choses n’a-t-il pas reçues de cette Eglise souvent repoussée ? Si le monde est riche, c’est parce que les moines étaient pauvres. Si le monde cherche la paix, c’est parce que les martyrs sont morts pour la paix ; s’il existe encore la charité dans le monde, c’est parce que l’Eglise s’est anéantie dans sa propre charité pour le monde.
Oh ! Belle Eglise, unique Eglise, issue de l’abnégation et de l’humilité, tu es plus belle, tu surpasses toutes les civilisations. Toujours rajeunissant, sans ride et sans tache, c’est en toi et par toi que viendront le Royaume de Dieu, les cieux nouveaux et la terre nouvelle.
Et lorsque les temps seront accomplis, quand l’univers achèvera son cheminement, alors auront lieu les noces entre toi, Eglise, et le Christ, et, en toi, entre Dieu et le monde, mais le monde qui aime et qui s’humilie. Amen.
De la Vérité révélée
(1969)
Deux sujets se présentent ce dimanche : sont-ils complémentaires, ou même parallèles ? En apparence seulement. Comme je le redis chaque année à cette époque carémique, l’Eglise propose, d’une part, l’extraordinaire épître où saint Paul enseigne que nous devons toujours, dans la joie et l’épreuve, veiller sur la tranquillité et la patience ; et, d’autre part, l’évangile nous décrit la tentation du Christ. Epître et évangile visent surtout les quarante jours de pénitence du grand carême, la préparation aux fêtes pascales.
En même temps, nous fêtons aujourd’hui ce que l’on nomme le Triomphe de l’Orthodoxie. Ce Triomphe est lié à une date historique. Aux premiers siècles, après une longue lutte pour la défense de la divinité du Christ et pour la résistance aux fausses doctrines sur la Trinité, l’Eglise instaura cette fête du Triomphe de l’Orthodoxie. Une première page de l’Histoire était terminée et la Vérité gagnait sur le mensonge.
Ces deux fêtes, en réalité, s’harmonisent profondément. Le combat, parfois le corps à corps, contre le démon et le péché, se déroulent non pas, comme nombre de gens le pensent, sur le plan psychique ou moral, maispour la Vérité révélée !
Certes, l’histoire de l’Eglise transporte les assauts des mauvaises pensées, du désespoir, des vices, de l’absence de vie spirituelle, s’efforçant de détourner l’âme de Dieu et de la Vérité révélée en se servant de l’action ou du sentiment : c’est là la haine du démon.
N’imaginez pas que ce que proclame l’Eglise à travers les temps, ce que l’on apprend au catéchisme entre douze et seize ans et que l’on glisse ensuite dans la poche ou que l’on garde peut-être, décrit l’essentiel de l’effort diabolique contre la Vérité. Où est alors l’attaque ?
Dès le commencement de l’Eglise, la lutte contre la Vérité révélée est intense ; les vagues contre la Vérité, la ténèbre contre la lumière de «tout homme venant en ce monde», voilà la haine, la tentation permanente et voilée du diable.
Oh ! Ne vous faites aucune illusion ; la Vérité dans l’Eglise n’est pas quelque chose qu’il faut «croire». Il faut la défendre, la défendre en vous, autour de vous, face aux déformations, car la Vérité libère, mais si vous avez une vérité voilée de quelques ombres de mensonges, d’images, de nuages de déviation, elle ne libère plus. L’insouciance totale des chrétiens modernes m’étonne… Dieu nous a donné la Vérité révélée pour la vivre et la défendre. Pourquoi mon étonnement à propos des chrétiens modernes? Je ne parle pas des présents ici, je vise beaucoup plus large.
A notre époque où la technique est si précise que le moindre détail est indispensable, même dans les voyages vers la Lune, que font nos contemporains, qu’arrive-t-il ? (Je ne vise pas les savants dont la science est devenue l’unique vérité révélée).Tous oublient !
Hier, par exemple, j’ai eu une panne de voiture, place de l’Etoile, parce qu’un détail minime, une bagatelle, ne fonctionnait plus, parce qu’une vis de mauvaise humeur s’était dérangée, en somme, rien du tout, et tout s’est arrêté.
Et la Révélation ? Pensez-vous qu’elle puisse être traitée de n’importe quelle manière et, si Dieu nous apporte la Vérité, que nous puissions la changer ? Changez-la, si vous voulez, mais à quoi cela servira-t-il ? Ce ne sera pas dans ce cas seulement une voiture tombée en panne, ce sera ouvrir le chemin à une catastrophe dans la vie et l’existence du monde.
Aujourd’hui, après la Divine Liturgie, selon le rite pontifical nous proclamerons la confession de la Trinité, de l’Incarnation et d’autres dogmes ; ensuite, nous dirons tous à voix forte : «Qu’il soit écarté». Ecarté quoi ? Ecarté justementtoutce qui est faux, qui peut dérouter, dérégler la Vérité.
Comment se fait-il que l’homme de notre époque, si admiratif de la précision technique, soit aussi paresseux pour la Vérité révélée ? On n’y fait presque pas attention ! Verrait-on un docteur soigner un corps à la légère et dire pour le guérir : Il me semble que… ? Il cherche avec précision la maladie afin d’ordonner un médicament utile ; de même en chirurgie, le chirurgien opérera avec exactitude.
Nous honorerons donc, tout à l’heure, les confesseurs qui, depuis deux mille ans, luttèrent, prodiguèrent leur vie et leur sang pour la pureté de la Vérité révélée.
Nous donnerons honneur et majesté au témoignage des nuées de témoins à travers les siècles.
Mes frères, sous prétexte de charité, on abandonne la Vérité. Non, il n’y a pas de vraie charité sans vérité, ni de vraie vérité sans amour. Que Dieu vous donne cet amour de la Vérité révélée, l’amour vrai, afin de glorifier le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen.
[1] . Plus communément dénommé : Dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie.
[2] . Psaume ecclésiastique des vêpres de Quadragésime.
[3] . Psaume ecclésiastique des vêpres de Quadragésime.
[4] . Plus connu sous le nom de Père Sophrony (1886-1993), disciple de saint Silouane de l’Athos, fondateur du monastère de Saint Jean-Baptiste de Maldone (Grande-Bretagne). Auteur d’ouvrages sur saint Silouane et sur la spiritualité orthodoxe.
[5] . Ivan Stragorodsky, métropolite puis patriarche Serge de Moscou (1867-1949). Par son décret du 16 juin 1936, il reçoit dans l’Eglise orthodoxe Mgr Winnaert et sa communauté et il constitue l’«Eglise orthodoxe occidentale».
[6] . En substance. Saint Grégoire écrit textuellement : «Lorsque je nomme Dieu, je nomme le Père, le Fils et le Saint Esprit. Non pas que je suppose une divinité diffuse – ce serait ramener le trouble des faux dieux ; non pas que je suppose la divinité recueillie en un seul – ce serait la faire bien pauvre. Or je ne veux ni judaïser à cause de la monarchie divine, ni helléniser à cause de l’abondance divine» (Cité in Vladimir Lossky,Théologie mystique de l’Eglise d’Orient,p. 46. Cf. aussi p. 45).
[7] . Archevêque Jean de San-Francisco (Michel Maximovitch, 1896-1966) de l’Eglise russe hors frontières, canonisé le 2 juillet 1994. Fut le protecteur canonique de l’Eglise catholique orthodoxe de France de 1959 à sa mort.