DIMANCHE DANS L’OCTAVE DE L’ASCENSION
Père Grégoire Bertrand-Hardy
« Quand sera venu le Consolateur, le Paraclet, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de Vérité, qui procède du Père, il rendra témoignage de moi ; et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement » (Jn15, 26-27- 16,1-4).
En ce dimanche placé entre l’Ascension, où nous fêtons la montée du Christ avec notre nature vers le Père, et la Pentecôte, descente du Saint-Esprit sur tous les disciples réunis en un même lieu, l’Église nous invite à porter notre regard sur la troisième personne de la Trinité : le Saint-Esprit, qui, dans sa manifestation, est appelé de beaucoup d’autres noms : Paraclet, Consolateur, Royaume de Dieu, Règne, Esprit de Vérité…
Nous parlons beaucoup du Fils, devenu Homme pour notre salut, mais nous ne parlons pas suffisamment du Saint-Esprit, Celui qui achève et qui couronne, Celui qui rend actuelle la présence du Christ, Celui par lequel nous avons la possibilité d’appeler Dieu : Père. Comprenons aussi la double action divine : le Fils, personne divine, est chef du Corps qui est l’Église et ce corps est VIVIFIE par l’Esprit-Saint, autre personne divine.
Le texte de l’évangile de ce matin est la base de l’enseignement de l’Église Orthodoxe : l’Esprit procède du Père, source de toute divinité.
Nous avons d’autres textes évangéliques sur l’Esprit-Saint uni au Fils et AUTRE que Lui. « Je prierai mon Père » dit le Christ « afin que l’Esprit descende sur vous… » et « Si je témoigne de Moi-même, mon témoignage n’a pas de valeur… »
Nul ne peut témoigner pour lui-même, c’est vrai devant un tribunal humain, mais c’est identique dans la loi spirituelle. Les témoignages des apôtres sont indispensables parce qu’ils sont « autres » que celui du Fils. Le Saint-Esprit, de même, tout en étant Dieu doit être ‘autre’ que le Fils. Tous deux tirent leur existence du Père et, semblables à deux rayons issus différemment de Lui, témoignent L’un pour L’autre. Ils sont, comme le dit saint Irénée, les deux mains du Père.
Lorsque l’Esprit descend à la Pentecôte, Il rappelle tout ce que le Fils a accompli. L’Esprit parle du Fils, le Fils parle du Père, le Père envoie l’Esprit de la part du Fils.
Ceci est la vérité Trinitaire, ce qui veut dire que ceci est aussi le modèle du monde et en particulier de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous sommes donc appelés, nous aussi, à quitter notre vie solitaire centrée sur le moi , afin de retrouver la vie véritable qui est trinitaire, c’est-à-dire, comme je viens de le dire tournée vers l’autre. Cet Autre c’est Dieu, mais c’est aussi notre prochain. C’est la fin de l’égocentrisme, la fin de ce moi tyrannique pour, en sortant de soi-même, atteindre la vie en Dieu par la charité. « Là où sont la charité et l’amour, là est Dieu ».
Enfin je crois qu’il faut insister sur la VERITE, car de nos jours règne une grande confusion en ce domaine à la fois parce que les grandes idéologies qui prétendaient détenir la Vérité se sont effondrées les unes après les autres, montrant ainsi qu’elles n’étaient pas la Vérité mais aussi parce qu’après cette faillite des idéologies se développent l’angoisse et l’inquiétude devant un monde déroutant et incertain.
La réponse à nos questions se trouve dans l’Évangile, « L’Esprit de Vérité, quand il sera venu, vous conduira dans toute la Vérité ». Le Christ a révélé la Vérité : bien plus Il a révélé que la Vérité n’est pas une idéologie, une construction de la pensée ou une notion abstraite. Non ! Elle est une PERSONNE VIVANTE, celle même qui a créé le COSMOS. Lorsque Jésus dit : ‘Je suis la Vérité’, Il nous indique l’unité mystérieuse qui règne entre Lui et l’Esprit Saint ainsi que l’indissoluble action commune de ces deux personnes : la 2ème Personne, le Fils, qui est la Vérité et la 3ème Personne qui est l’Esprit de la Vérité. Par conséquent lorsque nous sommes ouverts par l’Esprit-Saint à l’action divine dans le monde créé, nous communions avec la Vérité. Le don du Saint-Esprit à la Pentecôte nous permet de participer organiquement à la nature divine par assimilation de l’Esprit de la Vérité.
La connaissance de la Vérité, qui est la connaissance de la consubstantialité de la Trinité – c’est-à-dire de l’unité dans la diversité des personnes divines – est réalisée par la grâce de l’Esprit-Saint. La vie chrétienne, c’est-à-dire la vie dans la Vérité, est dirigée par l’Esprit-Saint. C’est Lui qui enseigne ce qu’il faut dire (Luc 12, 11-12). C’est à ce moment-là que nous aussi pouvons rendre témoignage (le martyre) du Christ parce que le Saint-Esprit nous Le rend présent. Il nous rend frère du Christ en intercédant pour nous et en nous auprès du Père.
Mais ce témoignage vaudra aux disciples (passés et présents) des persécutions « Ils vous excluront des synagogues », car le monde ne peut recevoir encore la plénitude de la révélation de l’Esprit. L’Ancien Testament était la révélation du Père, le Nouveau Testament est celui de la révélation du Fils. La connaissance de l’Esprit en tant que consolateur, Paraclet est encore très partielle.
Il y a des moments privilégiés comme la Pentecôte mais en général, tant dans la vie de l’Église que dans nos existences personnelles, après la joie immense du début de la vie spirituelle, vient le temps de l’ennui et de la grisaille quotidienne. Pourquoi ceci ? Parce que tant dans l’Église terrestre (je ne parle pas des saints qui sont l’Église céleste) qu’en chacun de nous sur terre, nous ne connaissons que d’une manière très incomplète, confuse et obscure l’Esprit-Saint en tant que Personne.
Il ne peut en être autrement : la connaissance de l’Esprit-Saint rendrait tout le créé entièrement pneumatophore, entièrement divinisé. Alors l’histoire prendrait fin, la plénitude des temps s’accomplirait.
Mais c’est le chemin sur lequel nous sommes engagés.
A l’indivisible et consubstantielle Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, soient l’honneur, la gloire et l’adoration aux siècles des siècles.
Amen !