Lettre pastorale pour la pâque

LETTRE PASTORALE POUR LA PÂQUE DE L’AN 2017

Aux clercs et fidèles
de l’Église catholique orthodoxe de France

Ayant « tout accompli », le Christ s’endort sur la Croix, en plein jour, au vu de tous.

En prononçant ces trois mots « tout est accompli », que désigne ainsi Celui qui est pendu sur le bois et qui va aussitôt rendre l’esprit ?

Il voit très vraisemblablement l’œuvre créée, la sienne, Il voit cette œuvre presque détruite par le péché, Il voit surtout la rénovation de cette création opérée par le dépouillement de la Croix, par la foudroyante abnégation où Dieu se renonce, en Lui, le Christ, afin que l’humanité, tout être humain et toute la création visible retrouvent leur gloire originelle.

Ici, sur le bois, Dieu livre son Fils à l’humanité et nous comprenons peut-être, avec la liturgie du Saint Vendredi, que l’humanité, chef et tête de l’œuvre créatrice divine, est, en ce lieu, en ce temps, l’acteur du drame régénérateur. À la Croix et sur la Croix, en effet, Jésus n’est plus acteur. Il est livré à la créature qui Le crucifie en Lui appliquant la logique pécheresse de ses propres actions.

Voyons ces actions et leur étrange théâtre :

– Voici tout d’abord « la terre » elle-même. Elle fournit le bois et le vinaigre. Elle tremble pourtant à l’issue du crime, espérant d’être libérée du joug de la déchéance par la vertu du Crucifié qui, fiché en elle, a soif du salut du monde ;
– La civilisation vient aussi à l’holocauste. Elle fabrique la Croix, les clous, la lance pour le centurion, elle qui s’essaie, depuis Noé, à créer en toutes nations des formes politiques, sociales, philosophiques ou physiques pour ramener les hommes à la beauté et à la vérité de leur origine ;
– Le peuple des Hébreux, âme des peuples de toute l’Antiquité, cerne le Condamné innocent par la loi, recherchant en Lui l’énergie libératrice du joug de la nature et de son narcissisme ;
– César également – avec l’Empire – est présent, César qui espère toujours revêtir ses peuples de paix et d’ordonnance ! Il prête ses soldats. Ils se partageront les vêtements du Pendu ;
– Invisible et en sous-main, le démon accusateur s’agite. Il procure les songes et attise les passions, souhaitant se nourrir du sang versé ;
– L’humanité entière, enfin, présente de corps et d’âme, offre la Victime au nom de la justice, sans percevoir qu’elle se livre volontairement au nom de cette même justice, à l’accomplissement de la volonté divine.

Avez-vous compris par ces quelques actions l’étonnante et stupéfiante manière du Crucifié ?

Délaissant sa divinité (« Mon Père, pourquoi M’as-Tu abandonné ? »), Lui, l’Homme nouveau et sans péché, se livre à tout le théâtre humain. L’humanité de cette époque est arrivée au sommet de son évolution avec l’Empire romain universel, la culture universelle grecque, la religion universelle hébraïque.

Enserré librement par le génie humain et ses réalisations, Jésus leur laisse accomplir toute leur logique même ambiguë et pécheresse. Alors « tout est accompli » et par là, cet Homme véridique, Jésus, s’acquiert le droit de mourir à ce monde et, ensuite, de le régénérer par une nouvelle création : la résurrection et toutes ses suites.

Sur la Croix, l’humanité donne la permission à Dieu de venir la sauver. Immense mystère de l’accomplissement de toute justice commencé au baptême par Jean-Baptiste au Jourdain. « Laisse faire car il convient que nous accomplissions toute justice ».

Chantons l’épreuve de la Croix, la victoire acquise sur le bois et avançons avec Marie-Madeleine vers le plus grand mystère de la régénération merveilleuse de l’homme.

Christ est ressuscité, alléluia !.

+ Votre bénissant, Monseigneur Germain, évêque de Saint-Denis.

LETTRE PASCALE POUR L’AN 2015

Aux clercs et aux fidèles bien-aimés de Dieu
de l’Église catholique orthodoxe de France

Voulez-vous procéder à l’issue de ce carême vers l’acquisition de la joie parfaite ? La vraie joie ?

Mêlez-vous aux (douze) apôtres et suivez l’Agneau partout où Il va. Vous L’entendrez dire : « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme doit y souffrir beaucoup… être mis à mort et le troisième jour Il ressuscitera (Mt 16, 21) ».

Il vous mènera. Il vous fera alors connaître, au pas liturgique de la Sainte Semaine, la prodigieuse révélation de l’abnégation telle que notre Dieu s’y adonne et la fait. Souvenez- vous et lisez le commencement du livre de la Genèse. Vous y trouvez que Dieu se renonce et crée en donnant la place à l’autre, à l’humanité. Il se retire de Lui-même, Il s’ouvre et l’homme, avec toute la création se lève. Dieu descend et l’homme monte.

Arrivé à Jérusalem, animé de cet extrême et même mouvement de renoncement et de donation, Jésus monte volontairement sur la croix et s’incline au tombeau. Celui que nous avons vu enfant à la grotte, celui qui descendit au sein de la Vierge, celui-là, nous Le voyons déposé mort.

Il descend maintenant plus bas encore, aux enfers, où le Précurseur, Jean, Le précède. Dépouillé, mort, sans vie, exsangue même, ce plus beau des fils de l’homme se trouve « aux enfers par son âme, au tombeau par son corps, en esprit avec le larron au paradis, au ciel avec son Père qu’Il n’a jamais quitté. »

Au creux vertigineux de ce dépouillement, dans ce don ultime, Il se redresse alors. Il ressuscite alors toute la nature humaine régénérée, purifiée, libérée de toute pesanteur et de tout esclavage.

À son tombeau vide, les anges se tiennent. Ils ont perçu l’abnégation, la descente au schéol. Ils n’ont pas compris. Ils préfèrent aimer sans comprendre.

Au tombeau vide les femmes aussi viennent et veulent aider à la sépulture. La crainte et la stupéfaction les envahissent. Elles sont suivies de deux apôtres : l’un voit et croit, l’autre ne comprend pas et doute.

Et nous, tristes, dispersés avec les disciples et désabusés par la grande tribulation de Gethsémani et de la croix, nous nous éloignons du tombeau et de la cité cruelle. À ce moment-là le Ressuscité nous rattrapera, nous expliquera les Écritures et rendra notre cœur brûlant au dedans de nous.

Que votre joie soit parfaite en ce jour de la Pâque du Seigneur. Elle vous attachera à ce fruit de l’arbre de la croix et vous Le bénirez au temple de votre cœur et louerez Dieu, chantant :

« Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort. »

+ Votre bénissant, Monseigneur Germain, évêque de Saint-Denis.

LETTRE PASTORALE POUR LA PÂQUE DE L’AN 2014

aux bien-aimés fidèles et clercs
de l’Église catholique orthodoxe de France

Mes bien-aimés,

Peut-être diminuez-vous en ce Carême les activités de votre être extérieur afin d’accroître en revanche celles de l’être intérieur, et de vous éloigner ainsi des conditionnements et des déterminismes de notre temps et de nos lieux. En ce cas,
le jeûne, l’aumône et la prière qui sont par excellence les travaux auxquels peut
s’adonner l’homme intérieur vous donneront la capacité de suivre l’Agneau (le Christ) partout où Il va.

Où va-t-Il cet Agneau, le Maître et Seigneur de notre vie ? Volontairement, Il va à la passion, à la mort de la croix, à la résurrection :
– à la passion où Il éprouve les dissolutions et les anarchies des existences,
– à l’esseulement de la crucifixion où Il criera : « Mon Père, pourquoi M’as-Tu abandonné ? »,
– au dépassement de toutes les conditions et de tous les assujettissements par la résurrection.

Scrutez maintenant, mes bien-aimés, notre temps et nos œuvres. Vous verrez et vous saurez comment et combien s’installent deux tyrannies :
– celle de la platitude de l’indistinction entre individus sommés de se rendre égaux les uns aux autres en quelque domaine, physique, psychique ou spirituel que ce soit,
– et celle de l’isolement narcissique où chacun devient l’esclave de lui-même.

Vous qui êtes enfants de l’église – cette vierge du temple d’Israël à laquelle le Ressuscité se fiance et qu’Il épousera – voyez ces tyrannies et discernez :
– en celle de la platitude, la haine de l’orthodoxie de la foi et de la connaissance de la vérité,
– en celle de l’isolement, de la solitude, de l’abandon, le fruit vénéneux d’un cœur sec et sectaire, la perte anticatholique du cœur fraternel.

Vous comprendrez un peu et admirerez la passion de ce Jésus qui éprouve les douleurs nées de la haine et la croix qui rassemble sous les bras ouverts, depuis les quatre directions, tous les isolés éperdus et déroutés.

Vous pourrez alors prendre votre propre croix et suivre l’Agneau. Cette croix vous épargnera la souffrance et l’abandon de Celui qui est venu pour les expérimenter et les anéantir. Elle restituera en vous le relief de l’orthodoxie, le goût de la connaissance, le goût de Dieu. Elle vous permettra d’aborder avec tous, et avec tout ce qui vient des quatre directions de l’univers, les vrais sujets de l’époque et les mystères du salut qui vient de Dieu, loin de toute métaphysique maladive, loin des supermarchés des consommations matérielles et spirituelles de l’époque.

Vous trouverez, à la vue de la croix, une issue à la perte de la liberté enchaînée par les passions et une espérance à percevoir, à trouver – et même à expérimenter – réunies, la lumière du Christ, les lumières de toutes les sagesses et celle de la nature.
Alors viendra en vous la montée irrépressible du chant de victoire sur la mort.

Christ est ressuscité des morts. Alleluia.

+ Votre bénissant, Monseigneur Germain, évêque de Saint-Denis.