Le grain de sénévé

5ème DIMANCHE APRÈS THÉOPHANIE

LE GRAIN DE SÉNEVÉ

Mgr Germain, évêque de Saint Denis
1984

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, amen.

Ce dimanche est le 5èmedimanche après la fête de la Théophanie ; il est le dernier du cycle liturgique festial des Épiphanies. Dès samedi prochain nous entrons de manière rapide dans la préparation de la fête de Pâques, de la résurrection, du monde nouveau et, dans cette transition d’aujourd’hui, la Tradition de l’Église nous propose ces Évangiles où le Christ parle en paraboles du Royaume des Cieux.

Souvenez-vous de la Prière dominicale où le Christ dit : « Que Ton règne arrive… ». Le Seigneur compare ce Royaume des Cieux à cette graine minuscule de sénevé et Il dit qu’un homme l’a semée dans son champs.

Vous savez tous que le Royaume des Cieux n’est autre que l’Esprit Saint, Sa présence et Son activité dans le cœur de l’homme et dans le monde.

Le Christ compare aussi le Royaume à ce levain que la femme met dans les trois mesures de farine. La femme, vous devinez que c’est, entre autre, l’Église qui dépose les sacrements dans l’homme et que les trois mesures de farine synthétisent chaque homme.

En mettant ceci devant votre regard, je voulais vous adresser quelques propos un peu particuliers, en vous manifestant s’il est possible, que le Royaume des Cieux a pour particularité de manifester tous les détails.

Qu’est-ce qui sort du grain de sénevé ? … un arbre. Qu’est-ce qui vient sur les branches de l’arbre ? … Des oiseaux du ciel; c’est à dire le monde angélique. Et de quoi s’occupent les anges dans le destin du monde et de l’homme ? … Ils s’occupent des détails comme les diacres qui, par exemple, apportent dans la Divine Liturgie tous vos soucis, toutes vos prières et toutes vos offrandes à l’Autel de Dieu lorsqu’ils disent : «Apportons nos offrandes et nos prières…»

Que faites-vous à ce moment-là ? Vous le chargez des petits ou grands évènements de la vie personnelle et communautaire ; ils sont déposés dans la corbeille des offrandes, et ensuite présentés devant l’Autel de Dieu. Ainsi, dans l’Église, il y a ces détails qui ont autant d’importance que les grands mystères tels que : l’union de Dieu avec l’homme et la déification de l’humanité. Tous ces détails se manifestent dans la vie quotidienne d’une paroisse et il ne serait pas mal que vous fassiez les uns et les autres l’inventaire devant votre esprit, de ce qui peut être vu, trouvé et vécu comme détails à l’intérieur de votre communauté paroissiale. En voici quelques-uns :

Hier, en effet, nous avons réuni le Conseil de là Paroisse; en ce Conseil formé de Clercs et de Laïcs nous avons dressé une sorte de liste de nos détails et je me suis dit, pourquoi ne pas en parler ce dimanche à tous, afin que vous en preniez conscience ?

Savez-vous, par exemple, qu’il existe une chorale ? Vous l’entendez ? Eh bien cette chorale répète les chants le lundi et le jeudi et vous avez tous la possibilité d’y participer pour apprendre le chant liturgique.

Savez-vous dans le mouvement de la vie liturgique quotidienne, qu’on distingue les Clercs qui célèbrent à l’Autel d’avec le chœur et sa personnalité ? D’avec vous-même qui avez aussi une personnalité ? Et que la Liturgie s’articule autour de ces trois personnalités qui concélèbrent, pas seulement avec le monde angélique, mais avec les uns et les autres ?

Vous pouvez trouver, si vous le voulez, dans le petit livret de Maxime La Sainte Messe selon Saint Germain de Paris et le Chant des Fidèles qui se trouve à la librairie de l’Église tous les détails de cette articulation.

Savez-vous qu’il existe pour les enfants un catéchisme et pour les adultes des catéchèses ? Nous avons réuni, samedi dernier, quelques parents concernés par l’enseignement catéchétique des enfants, mais beaucoup parmi vous n’avaient pas tout à fait conscience que cela existât et, en ce moment, les enfants sont en haut dans différentes salles, entrain d’être gardés ou enseignés.

Savez-vous qu’il existe aussi, ici, la prière mise en oeuvre par quelques uns d’entre vous qui tâchent de trouver les chemins de la vie spirituelle ?

Savez-vous que nous célébrons tous les soirs la Divine Liturgie et que les prêtres qui la célèbrent sont à votre disposition, soit pour les conseils spirituels si vous le souhaitez, soit pour des évènements de la vie personnelle car il y en a en chacun d’entre vous et ils ont besoin d’être pris en considération.

Savez-vous qu’il existe des offrandes que l’on peut apporter à l’autel durant les offices divins ? Que ces offrandes sont au nombre de sept et qu’elles servent pour la vie quotidienne de la paroisse ?

Savez-vous aussi que l’Église a besoin d’argent pour pouvoir « se peindre », « se refaire » et que le trésorier s’occupe de la gestion, et qu’il n’est pas facile de trouver des moyens ? Oh ! pas forcément uniquement financiers mais … personnels ?

Savez-vous que parmi vous il y a des hommes et des femmes qui pourraient participer aux détails de la vie quotidienne de l’Église et qui le font pas faute d’être informés, par exemple, de cette chaire ?

Savez-vous que nous pouvons « cultiver » l’estime les uns pour les autres de manière plus proche que de venir uniquement pour un office divin de prière (certainement l’office est essentiel), mais en ayant ces quelques attentions qui manifestent un peu l’amour des uns pour les autres ?

Je pourrais continuer longuement mais je voulais vous révéler que l’Esprit Saint de Dieu a pénétré « avec puissance » dans l’Église et en vous, puisque vous êtes là. L’Apôtre Paul dit : « Nous prêchons et nous vivons l’Évangile, pas seulement par des paroles, mais avec la puissance.

Savez-vous que cette puissance peut complètement transformer votre vie ? Avec la caractéristique que l’Esprit Saint ne trouble jamais et qu’en même temps Il dégage l’essentiel pour chacun et pour tous ; et j’ajouterai un caractère supplémentaire en tout ce que je viens de vous dire : votre responsabilité est totale. Vous êtes chacun des êtres vivants et uniques. Vous n’êtes absolument pas obligés d’entreprendre quoique ce soit dans les détails que je viens de vous dire, mais vous êtes invités à travers tous ces évènements à caractères pédagogiques ou vivificateurs, à cheminer vers la connaissance de votre personnalité. L’Esprit de Dieu entre dans le monde pour ouvrir les yeux, les oreilles, le cœur et vivifier chaque détail de l’être humain.

Ce cheminement vers le Nom, vers la connaissance intime et unique de nous-mêmes, qui est donnée par Dieu, passe par ces petits évènements là. Ces évènements peuvent passer inaperçus car on cherche souvent très loin ce qu’on a sous la main. Le levain que la femme a déposé dans la pâte est celui-là ! C’est celui de la vision progressive et certaine de ce que l’on peut trouver dans l’inventaire d’une Église, qui a une suffisante vitalité pour pouvoir être vécue par tous ceux qui viennent, et qui n’installent pas uniquement une sorte de monde un peu social, mais qui recherchent à travers des rites le dégagement de ce qui est unique en chaque être.

Mes Amis! Sachez simplement une chose : l’Église, et je sais que vous y êtes tous attachés, peut être quelque chose ou plutôt quelqu’un d’excessivement rude à vivre. Quelquefois même, nous avons envie de partir en disant : au fond, ce n’est pas mieux qu’ailleurs, et quelquefois pire, car les sentiments montent avec puissance ! Mais franchissez le rideau en saisissant un ou deux de ces détails, soit de la prière, soit de la vie spirituelle, soit de la vie personnelle ou soit, simplement, de l’entretien matériel du Temple et vous verrez que va commencer à grandir cet arbre du Royaume, dans lequel chacun d’entre nous peut être considéré comme l’arbre lui-même.

Voilà mes quelques conseils, si vous les acceptez, avant que nous n’entrions dans le temps de la Pâque. Une chose que tous peuvent accomplir, et qui me paraît indispensable pour clore ce chapitre : prenez l’habitude de commencer à confesser, comme dit l’Apôtre Paul, les péchés. Cela peut se faire d’une manière simple : n’allez pas découvrir les péchés des voisins, mais n’ayez pas peur d’être découverts car l’Esprit de Dieu voit à l’intérieur de vous-même. Alors, un des instruments de la confession des péchés les uns aux autres, est de se présenter tel qu’on est, sans fard et sans forfanterie non plus, les uns devant les autres ; ceci est possible à une condition : qu’il y ait une vie de prière liturgique et commune. C’est ce que, grâce à Dieu, nous avons un petit peu.

Mes amis, prions et menons la vie quotidienne – comme on dit à notre époque : la vie existentielle -, avec l’attention aux détails et l’attention les uns aux autres, ce qui nous permettra d’acquérir la présence de l’Esprit de Dieu à qui soit Honneur et Gloire aux siècles des siècles, Amen !

Homélie

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Si le Christ parle souvent en parabole, Il le fait dans un but pédagogique qui lui permet d’être adapté à tous les auditoires même les plus simples. Et ce langage imagé destiné à faire comprendre son enseignement est vivant et très parlant. Dans cette parabole de l’Évangile d’aujourd’hui ce n’est pas par hasard que le Christ parle du grain de sénevé. En effet, ce petit grain de moutarde « la plus petite de toute les semences » nous dit l’Évangile est minuscule, aussi minuscule qu’ une poussière mais lorsqu’elle est mise en terre, elle donne, dès la première année, un arbre de 2 m à 3,50 m, ce qui est gigantesque. Mais pour cela il faut que ce grain de sénevé soit enfoui dans la terre

Et le Christ nous dit que tel est le royaume de Dieu. Comme la petite graine qui pousse spontanément dans le silence de la terre, qui a en elle les raisons et la force de son développement, ainsi Dieu agit, dans le silence, comme il l’entend, sans attirer l’attention, en toute humilité, en échappant aux calculs, aux prévisions et au pouvoir de l’homme. Contraste saisissant avec le monde dont le moindre produit ou action est lancé à coup de publicité, l’homme étant habitué à des réussites rapides et payantes. Dieu nous rappelle par cette parabole qu’il faut savoir mourir à soi-même pour grandir dans le royaume. C’est un appel à la foi, rappelez-vous: « si vous aviez une foi comme un grain de sénevé vous pourriez déplacer les montagnes ». Appel à l’humilité, à la patience, à l’espérance, à l’abandon de soi à Dieu en ayant la certitude que le Seigneur travaille dans le silence comme ce levain qui n’est autre que l’Esprit-Saint qui travaille dans la pâte humaine mais sans éclat, respectant la liberté de chaque homme. Mais alors quel est ce royaume de Dieu? Ce royaume de Dieu n’est rien d’autre que le Christ, lui qui a été enfoui dans le corps de la vierge, qui a grandi et est devenu l’arbre de la croix qui couvre la terre entière. La croix glorieuse et lumineuse que porte chaque chrétien comme un trophée, victoire de Dieu sur le mal et sur le péché.

Saint Pierre Chrysologue nous rappelle les paroles de saint Paul aux Corinthiens (1, 25): « Si la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme et si la folie de Dieu est plus sage que l’homme », alors la petite graine qui est le bien de Dieu est plus splendide que toute l’immensité du monde ». Le Christ par sa passion est devenu cette graine broyée. Il est cette graine dont Dieu se sert pour faire descendre la grandeur de sa résurrection dans toute la petitesse de l’homme. Cette graine, le Christ, annoncé par les prophètes, a grandi avec les apôtres pour devenir cet arbre immense qui étend ses rameaux sur l’Église se qui détient les trésors de la vie éternelle puisqu’elle nous donne le Christ.

Dans le mystère de l’incarnation du Dieu fait homme, semons ce grain de moutarde dans le jardin de notre cœur comme nous le dit le prophète Isaïe « Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais ».

« 0 grain, par lequel le monde a été fait, les ténèbres dispersées ! Qu’elle est grande la force de ce grain suspendu à la croix. De son flanc percé par la lance, ce grain a laissé couler une boisson d’immortalité pour les assoiffés que nous sommes. Ce grain, semé dans le jardin de Gethsémani a plongé ses racines jusqu’aux enfers. Il en a fait sortir les âmes en trois jours et les a emmenées au ciel»

Seigneur, notre Dieu, ton action dans le monde reste souvent cachée et tes serviteurs sont, souvent, tentés par le découragement. Fais grandir en nous et dans ton Église cette graine afin qu’elle se développe dans nos cœurs pour faire grandir notre espérance et notre charité, nous Te le demandons par Jésus-Christ notre Seigneur qui vit, règne et triomphe avec Toi et l’Esprit saint un seul Dieu aux siècles des siècle.

Amen!