Protocole 1974

PROTOCOLE RÉSUMANT LES POURPARLERS
DE S.B. LE PATRIARCHE JUSTINIEN
AVEC S.E. L’ÉVÊQUE GERMAIN DE SAINT-DENIS

21 février 1974

LE PATRIARCAT ROUMAIN: Bucarest, le 21 Février 1974
CHANCELLERIE DU SAINT-SYNODE: (au Palais du Patriarcat)

N° 132 – CABINET

Les pourparlers entre les susnommés ont eu lieu à la demande de Son Eminence l’Evêque Germain de Saint Denis et de ses compagnons[1] qui sont revêtus de qualités officielles dans le diocèse dirigé par Son Eminence Germain de Saint Denis, l’Archiprêtre Philippe Laroche étant chargé des relations extérieures, et le Dr. E. Ponsoye, étant président laïc de l’Association cultuelle, diocèse organisé canoniquement sous forme d’Evêché Catholique Orthodoxe de France.

I -Les principes de base de la réception dans la juridiction

Le Patriarcat Roumain a entendu accorder, à leur demande instante, une aide paternelle aux chrétiens orthodoxes de France groupés comme tels autour du prêtre Gilles Hardy, élu évêque, après avoir constaté l’orthodoxie de leur foi confessée par écrit et synthétisée dans les paroles : « Nous confessons ce que l’Eglise Orthodoxe Universelle confesse, et rejetons ce que l’Eglise Orthodoxe Universelle rejette ».

Le Patriarcat Roumain a procédé à la réception de cet Evêché dans sa juridiction après avoir examiné et approuvé les Statuts de cet Evêché enregistrés officiellement à la Chancellerie du Saint-Synode, constatant en même temps qu’ils ont été approuvés et adoptés par l’Assemblée Générale Extraordinaire de l’Evêché Catholique Orthodoxe de France.

Le Patriarcat Roumain a procédé à la réception du prêtre Gilles Hardy dans le monachisme, cérémonie ayant eu lieu à Bucarest, le 29 Avril 1972. A cette occasion, on lui a donné le nom de GERMAIN. On a procédé ensuite à son sacre comme évêque, le 11 juin 1972, à Paris. Le Patriarcat Roumain a entendu faire tout cela dans l’esprit des relations traditionnelles d’amitié entre la Roumanie et la France et seulement après que l’Evêché Catholique Orthodoxe de France ait présenté l’accord écrit du Gouvernement Français concernant cette réception dans la juridiction roumaine.

Le Patriarcat Roumain a entendu accorder à cet Evêché une certaine autonomie. A ce sujet, on donne les précisions suivantes :

Comme expression de cette autonomie et par économie, on a accordé d’abord la permission qu’en cet Evêché on puisse officier alternativement les liturgies orthodoxes de rite byzantin et la liturgie dite de Saint Germain – ancienne liturgie des Gaules, dont la structure est identique à celle des liturgies de rite byzantin.

– Toujours comme expression de l’autonomie, on a permis l’autogestion de l’Evêché, le Patriarcat Roumain entendant ne pas exercer de contrôle sur les revenus et les dépenses de cet Evêché, ni d’assumer d’une façon quelconque d’obligations financières ou matérielles de quelque nature que ce soit, à l’égard de cet Evêché.

L’Evéché Catholique Orthodoxe de France devra tenir compte de ce qui suit Il reçoit le Saint Chrême du Patriarcat Roumain.

– Il ne pourra élire et consacrer des évêques sans l’approbation du Saint-Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine.

– Il ne pourra recevoir sous sa juridiction des paroisses en dehors de la France sans l’approbation du Saint-Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine.

– Il pourra faire partie de la Conférence Interépiscopale Orthodoxe en France avec l’approbation du Saint-Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine, dans les conditions établies par celui-ci, d’accord avec la Conférence mentionnée.

– Il pourra participer à certaines actions œcuméniques, localement ou dans le cadre des organisations œcuméniques internationales, mais toujours avec l’approbation du Patriarcat Roumain et dans les conditions qu’on établira chaque fois.

– Les relations avec des Eglises Orthodoxes Autocéphales, ou autonomes, nationales, de même qu’avec d’autres Eglises et dénominations chrétiennes ne dépasseront pas les limites des relations permises canoniquement aux Evêchés dépendants d’un Saint Synode. Ce sont des relations de courtoisie, sur le plan local.

Sur d’autres plans, de même qu’au sujet de l’engagement de dialogues théologiques et œcuméniques, l’Evêché Catholique Orthodoxe de France devra avoir toujours l’accord ou le mandat du Saint-Synode du Patriarcat Roumain.

– L’Evêché Catholique Orthodoxe de France devra cultiver de bonnes relations, en esprit fraternel et d’égalité, avec tous les orthodoxes de France membres d’Eparchies canoniques, de même qu’avec les autres cultes, en évitant le prosélytisme.

– Pour le reste – sauf les précisions qui viennent d’être données – l’Evêché Catholique Orthodoxe de France est autonome exactement de la façon dont canoniquement est autonome n’importe quel Evêché du Patriarcat Roumain et non pas d’une autre manière.

Il va donc de soi que le Patriarcat Roumain considère « L’Eglise Catholique Orthodoxe de France » comme un Evêché orthodoxe français dépendant canoniquement du Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine avec tout ce qu’implique traditionnellement et canoniquement le Statut d’Evêché.

Au sujet du titre ou du nom utilisé jusqu’à présent « d’Eglise Catholique Orthodoxe de France », nous constatons qu’il provoque des confusions et des difficultés dans les rapports des Eglises Orthodoxes. C’est pourquoi on établit que désormais on utilisera officiellement le titre « d’Evêché Orthodoxe Catholique de France », sous l’en-tête « Le Patriarcat Roumain », d’autant plus que dans les Statuts on emploie le titre d’évêché (diocèse), ou bien encore sous l’en-tête « l’Evêché Orthodoxe Catholique de France, sous la juridiction du Patriarcat Roumain ».

D’ailleurs, le Patriarcat Roumain a entendu dès le début que dans le stade actuel il s’agisse d’un évêché sous la juridiction de l’Eglise Orthodoxe Roumaine et non pas encore d’une Eglise dans l’acception propre du terme, ni d’un évêché de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France, puisqu’une Eglise présuppose l’existence de plusieurs évêchés. C’est uniquement de cette façon que l’Evêché Orthodoxe Catholique de France existe dans les conditions actuelles, comme un Evêché canonique dans le cadre de l’Orthodoxie.

II – Qu’est-il arrivé depuis la réception sous la juridiction jusqu’à aujourd’hui ?

Nous constatons un développement positif de cet Evêché et une pratique fervente de la Foi orthodoxe. Mais, depuis la réception dans la juridiction de l’Eglise de Roumanie jusqu’à ce jour, les dirigeants de cet Evêché ont entrepris certaines actions et ont eu recours à certaines pratiques cultuelles discutables en face des engagements assumés à la réception dans la juridiction. Ainsi :

1- On constate une contradiction entre les Statuts juridiques et les Statuts canoniques, en ce qui concerne le titre du Chef de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France. Dans le Bulletin de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France, n° 1/1972, on dit qu’il s’agit d’un diocèse de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France, en le considérant comme « Eglise-sœur » de ce Patriarcat, ce qui s’oppose au principe de juridiction et à sa propre position canonique établie par le Saint-Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine.

2 – On constate que jusqu’à maintenant l’Evêque n’a pas réussi à être reçu dans la Conférence Interépiscopale Orthodoxe des Evêques de France. On constate aussi que la majorité des membres de la Conférence ont interdit la communion eucharistique aux clercs de l’Evêché orthodoxe catholique de France.

3 – On constate que l’Evêché orthodoxe catholique de France a entrepris certaines démarches officielles relatives aux intérêts du Patriarcat Roumain, sans le consulter au préalable.

4 – Ce qui vient d’être dit, se retrouve dans une lettre adressée au Ministre de l’Intérieur de la République Française, car dans cette lettre il y a des points avec lesquels le Patriarcat Roumain n’est pas d’accord, par exemple, les relations proposées entre l’Evêque de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France et l’Evêque roumain Dr. Teofil Ionescu et ses successeurs.

5 – L’Evêque a reçu sous sa juridiction quelques paroisses de l’Italie du Nord et du Sud appartenant à une autre juridiction canonique, en y créant un vicariat et projetant un autre. Nous savons qu’un des prêtres italiens qu’il a reçu sous sa juridiction, ne jouit pas d’une renommée honorable en Italie, chargé d’antécédents pénaux pour des raisons morales. Bien que le Patriarcat Roumain lui ait attiré par écrit l’attention de ne pas recevoir sous sa juridiction la paroisse de Montaner – Italie, pourtant Son Eminence n’a pas respecté les dispositions données par le Patriarcat.

6- On constate qu’on pratique encore le culte de quelques saints catholiques-romains d’après le Schisme ; on constate aussi qu’on pratique encore quoique rarement la synaxe diaconale ; on constate aussi que même si la confession se fait individuellement, on pratique aussi, en cas de force majeure, l’absolution générale suivie par la communion.

La conséquence de cette manière d’agir a procuré à l’Eglise Orthodoxe Roumaine des difficultés avec les Eglises Orthodoxes et avec les autres Confessions chrétiennes de l’Occident.

Quoique ces déviations s’opposent à l’esprit des engagements assumés et aux canons, toutefois le Patriarcat Roumain considère que les dirigeants de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France n’ont pas nourri d’intentions expresses dans ce sens et n’ont pas poursuivi les implications négatives des attitudes adoptées.

Mais le Patriarcat Roumain considère que cette situation ne peut plus continuer puisqu’elle menace l’existence canonique de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France et risque de mettre l’Eglise Orthodoxe Roumaine dans des situations indésirables avec les autres Eglises Orthodoxes et avec d’autres Eglises chrétiennes.

En conséquence, le Patriarcat Roumain, en raison de sa qualité d’autorité canonique supérieure, demande de façon expresse à l’Evêché Orthodoxe Catholique de France, dirigé par l’Evêque Germain de Saint Denis, ce qui suit :

– Qu’il prenne connaissance et se déclare d’accord avec toutes les précisions mentionnées dans ce Protocole ;

– Qu’il renonce immédiatement et en fait, en signant ce Protocole, au vicariat crééen Italie et aux paroisses qu’il a reçues sous sa juridiction sans l’approbation du Patriarcat Roumain. Qu’il fasse, à ce sujet, envoyer des lettres à ceux qui sont en cause et qu’il donne des déclarations à la presse locale italienne.

– Qu’il n’entreprenne plus de telles initiatives, en dehors de la France, sans l’approbation du Patriarcat Roumain.

– Qu’il modifie les Statuts juridiques, où le Chef de l’Evêché est appelé Evéque Primat.

Qu’il ne modifie pas dans l’avenir les Statuts de l’Evêché sans l’approbation du Patriarcat Roumain.

– Qu’il tâche d’établir des liens avec les autres orthodoxes des autres juridictions en France.

L’Evêque dirigeant de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France est membre du Saint-Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine, mais conformément à la décision du Saint-Synode, il n’est pas obligé de participer à toutes les séances du Saint-Synode, mais seulement lorsqu’il est invité et surtout lorsqu’on discute des problèmes de son Evêché.

III -Les engagements des dirigeants de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France

A la suite des discussions qui ont mené à la clarification de tous les problèmes mentionnés dans les chapitres I et II du présent Protocole ;

Ayant pris connaissance des précisions données par Sa Béatitude le Patriarche Justinian sur la façon dont le Patriarcat Roumain entend exercer son autorité canonique sur l’Evêché Orthodoxe Catholique de France, sur les droits et les obligations canoniques qui reviennent à cet Evêché, ainsi que sur la manière dont il faut entendre l’autonomie dont on a parlé dans la Grammata d’installation ;

Les dirigeants de l’Evêché Orthodoxe Catholique de France présents à la discussion, à savoir : Son Eminence l’Evéque Germain de Saint Denis, l’archiprêtre Philippe Laroche et Monsieur le Dr Emmanuel Ponsoye, déclarent être d’accord avec tout ce qui a été mentionné dans le présent Protocole et s’engagent à agir désormais selon les normes précisées ici et de toute manière en conformité avec tout ce que les canons orthodoxes sur les Evêchés leur confèrent comme droits ou leur imposent comme obligations.

Ils se déclarent d’accord, de renoncer immédiatement aux juridictions établies en Italie et n’entreprendront désormais plus rien sans l’approbation du Patriarcat Roumain.

Conclusion

Le présent Protocole dressé en exemplaires originaux, en langue roumaine et française, et signé par tous ceux qui ont été présents aux discussions, demeure à usage interne et secret, le Patriarcat Roumain se réservant le droit de le faire publier si l’Evêché Orthodoxe Catholique de France ne respecte pas les engagements assumés après avoir eu des consultations sur les problèmes en litige avec les dirigeants de l’Evêché. L’inobservation des engagements entraînera aussi des mesures de reconsidération de la confiance accordée à l’Evêché Orthodoxe Catholique de France.

Nous espérons que les relations de charité entre l’Evêché Orthodoxe Catholique de France et le Patriarcat Orthodoxe Roumain croîtront normalement et par la grâce de Dieu.

Avons signé le présent Protocole :

X JUSTINIAN: Patriarche de Roumanie
GERMAIN DE SAINT DENIS: Evêque de l’Évêché Orthodoxe Catholique de France
ANTONIE PLOIESTEANUL: Evêque Vicaire Patriarcal
Dr. EMMANUEL PONSOYE: Archiprêtre PHILIPPE LAROCHE
Président laïc de l’Association cultuelle

[1]. Il y a là une erreur : la ‘demande’ (la convocation) est venue du Patriarcat pour, y est-il dit, examiner ‘certains problèmes qui ont trait aux relations de l’Evêché catholique orthodoxe de France avec les autres évêchés orthodoxes qui se trouvent sur le territoire français’.